vendredi 14 octobre 2016

Vivre avec l'EM rime t-il avec vivre la pauvreté?





La pauvreté.

Un autre sujet délicat. Si on pouvait réaliser un court film résumant chacune des vies des personnes affectées par l'EM (PAEM), on pourrait constater que les parcours de vie de chacune est fort différent. Que certains vivent avec un revenu décent, mais pour d'autres, c'est tout le contraire. 

Certains ont eu le temps de faire carrière, d'autres n'ont même pas pu amorcer d'études, frappés trop tôt par la maladie.

Ainsi, plusieurs PAEM ont été des employés ou des employeurs avant que l'EM ne fasse son apparition, les éjectant de leur emploi. De ces malades désormais à la maison, certains réussiront à vivre de revenus plus bas, mais qui leur permettront de conserver un niveau de vie et des revenus décents pour vivre. 

Parmi ceux-ci, plusieurs devront parfois se battre soit avec leur milieu de travail et ou l'assureur afin de faire reconnaitre leur invalidité et leurs droits, soit en passant pas la négociation ou la voie juridique. Une fois ces droits rétablis, les PAEM ne vivent pas nécessairement dans l'opulence pour autant. Non. À noter que la lutte bouffe une énergie titanesque, et que plusieurs ne prendront pas cette voie pour des raisons de santé.

L'autre avenue possible est celle d'avoir accès à l'aide de dernier recours au Québec, aussi appelé aide sociale. Le montant mensuel de l'aide sociale varie en fonction de la catégorie dans laquelle une personne a été placée. Pour les PAEM, il y a la possibilité d'être reconnue comme étant une personne ayant des contraintes sévères à l'emploi (invalidité) : dans la chaine alimentaire de l'aide sociale, c'est le top. La personne reçoit environ 947$ par mois, mais il faut que la PAEM soit reconnue au niveau médical comme ayant ces contraintes. Sinon le montant d'aide sociale est d'environ 670$.

Si le montant de 947$ par mois est considéré être le montant le plus élevé, reste que la vie est rude par ici. Se loger avec un montant aussi peu élevé relève d'un défi innommable.

Il ne faut pas se gêner pour le dire: plusieurs PAEM vivent la pauvreté au Québec. Il n'y a pas encore d'études faites sur ce sujet, mais je souhaite fortement qu'un étudiant s'y intéresse pour que nous ayons un tableau plus complet de la situation. Il n'y a pas à aller très loin pour comprendre: quand j'observe les participants au groupe d'entraide, je vois bien que les PAEM vivent dans des contextes sociaux différents.


Vivre la pauvreté


Vivre la pauvreté c'est....

-tenter de trouver une banque alimentaire pour y prendre ce qu'on veut bien nous donner à manger. À ce chapitre, la plupart des banques alimentaires ne font pratiquement plus dans la gratuité mis à part quelques rares exceptions. Sinon, la plupart demande quelques dollars, prélevés dans un budget serré :( 

-chercher des solutions économiques pour se vêtir: on fréquente les bazars, les comptoirs de saint-Vincent-de-Paul, l'Armée du salut etc. Comment se payer un manteau d'hiver ou mêmes des bottes chaudes à 60$ sur un tel budget? Impossible à moins de couper sur les factures.

-chercher comment se loger à pas cher. Il faut alors lorgner vers une cohabitation avec d'autres personnes, chercher comment obtenir un habitation à loyer modique ou alors une place dans une coopérative. Dans ces cas, de très looooongues listes d'attente existent: le gouvernement n'investit pratiquement plus dans le développement de logements sociaux malgré des besoins criants en la matière pour toute une couche de la population. Gros défi...

-faire du troc avec des amis: on échange du matériel et hop! tout le monde est content....chaudrons, livres, vêtements dont on ne veut plus, meubles etc.

Et ce ne sont que les gros titres. Pour les personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique, les difficultés liés à la santé se mêlent à tout ce portrait de la pauvreté. Le fardeau de la maladie et son cortège de symptômes très difficiles à vivre nous empêche souvent de sortir, de chercher de l'aide. Pour faire tout cela, il faut de l'énergie. Forcément, les PAEM doivent puiser dans un bassin d'énergies déjà très basses. Comment faire? 

Pour illustrer le tout, allons-y d'une petite anecdote. 

Par un matin froid de novembre 2015, je me suis rendue dans une église désaffectée. Il fallait faire la file pour pouvoir s'inscrire pour obtenir un panier de denrées à Noël. Me tenir debout dans une file plus de 5-10 minutes me cause problème: l'intolérance orthostatique se met de la partie et mon coeur bat comme un fou. Impératif: m'asseoir. J'avais emporté mon petit banc de camping que j'ai déplié, et je me suis assise dessus dans la file. Sur le trottoir. Vous n'imaginez pas les gens qui se sont tordu le cou pour voir ce que je faisais :) 

Pas grave. Le ridicule ne tue pas, et je n'en suis plus à me soucier de ce genre de détail. C'est ainsi que j'ai pu attendre mon tour. Cependant, cette attente m'avait coûtée très chère, j'en ai encore le souvenir. Épuisée. Morte. Je sais fort bien que j'ai "forcé" la note, forcé mon corps à faire tout cela. Je pouvais encore me payer le luxe de forcer, imaginez. Mais plusieurs PAEM ne peuvent pas même faire cela: attendre avec un banc pliant dans une file, c'est trop, beaucoup trop pour eux. Sortir, faire des courses même minimes est insurmontable.

Je pense à une femme à qui j'ai parlé récemment. Elle m'a confié qu'elle ne peut pas se payer internet, et qu'elle se sentait isolée, en retrait. Dieu merci, elle a au moins le téléphone pour qu'on arrive à la joindre. Mais combien de PAEM ne peuvent pas même se payer un téléphone? Je suis certaine qu'il y en a beaucoup qui vivent cette situation présentement.

Les problèmes de santé que les PAEM éprouvent touchent toute une gamme de déterminants de la santé. Du fait que nous soyons en mauvaise condition physique, il nous est difficile d'effectuer un foule de démarches ou même difficile de chercher à améliorer ses conditions de vie. Ce qui demande une énergie physique et psychologique folle.

Aussi, plusieurs médecins de PAEM ne s'intéressent que très peu au statut de leur patient, ce qui a des conséquences. Je pense à une PAEM qui s'est fait dire par son médecin de débuter une diète sans gluten, sans lactose etc. Suivre ces recommandations demande passablement d'argent pour acheter des produits onéreux, pas du tout à portée de bourses des personnes qui vivent de l'aide sociale. 

"Augmentez votre consommation de fruits/légumes, madame". Bonne idée docteur, mais le budget disponible est minuscule. 

Je ne dis pas que c'est au médecin de régler ce genre de problème, mais je pense qu'il devrait prendre en considération le contexte de vie du patient, car plusieurs facteurs influencent drôlement sa santé.  
 
Vivre avec l'EM rime-t-il avec vivre la pauvreté?
Si l'on veut être honnête, il faut bien admettre que souvent c'est le cas. 
Malheureusement. 

Et les incidences de la pauvreté sur la vie des PAEM sont bien réelles.


Bonne lecture,

Mwasi


P.S. Je reviens d'une super vente à l'Armée du salut. J'ai parfois des problèmes de conscience avec cet organisme, car c'est une multinationale! J'essaie autant que possible, d'encourager les mêmes commerces québécois. J'ai dégoté une jolie veste 100% laine, à 2$. Il y a quand même de ces trouvailles quand on vit modestement :)

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