Le 5 janvier 2011, je recevais un diagnostic de fibromyalgie et d'encéphalomyélite myalgique à l'hôpital Hôtel-Dieu de Montréal, hôpital désormais fermé. Ce jour-là, la salle d'attente était bondée de gens dont l'âge semblait bien loin du mien. Moi qui ait souvent des problèmes de mémoire, je me rappelle pourtant m'être passée la réflexion que j'avais quasiment l'air d'une adolescente au travers du groupe. J'avais 50 ans.
Parmi ces patients, j'observais le comportement d'une dame qui m'avait l'air assez agité. Elle pleurait, respirait bruyamment, faisait des allers-retours au bureau pour savoir quand était son tour. Puis elle s'est mise à parler tout haut, disant combien elle était épuisée, qu'elle n'en pouvait plus d'attendre etc. Personne ne la regardait ou faisait mine de ne pas la regarder, disons. J'étais déjà angoissée à l'idée de la rencontre avec le Dr. Favreau alors là, l'angoisse a grimpée d'un cran. J'avais l'impression que la dame était soit folle soit vraiment à bout de nerfs.
Finalement, la salle d'attente s'est vidée de ses occupants un à un, et même la dame agitée était partie. Il semble que j'étais la dernière à voir le Dr. Favreau.
Quelques jours avant ce rendez-vous, j'avais mis la main sur le consensus canadien sur l'encéphalomyélite myalgique. En tournant les pages, je me reconnaissais quasiment partout. Je gardais quand même mon calme. Puis j'ai vu les images de corps et les points de douleurs, et je me suis mise à dessiner les miens dans mon journal. Je trouvais que mes dessins étaient plus précis.
Dans un premier temps, je me rappelle avoir vu une interne. Je lui ai montré mes dessins, en expliquant où j'avais mal, les moments où c'était pire etc, et je répondais à ses questions. Puis ce fut le tour du Dr. Favreau de nous rejoindre. J'ai repris mes explications et mes illustrations. Là j'étais en mode intellectuel, et mes tripes n'étaient pas encore arrivées au rendez-vous :)
"Vous avez la fibromyalgie, madame K. Et d'après ce que vous me racontez, vous avez aussi l'encéphalomyélite myalgique. Ils viennent souvent ensemble mais ce n'est pas toujours le cas, mais vous avez les deux. Votre recherche est terminée, car on sait maintenant ce que avez. On va voir ce qu'on peut faire pour vous aider. Alors..............".
Et moi d'exploser en larmes sur le champ. Je n'entendais plus la suite, le tourbillon avait pris place et mes émotions étaient vives. Dans ces larmes il y avait l'angoisse des derniers jours, l'épuisement (!!), la colère, l'inquiétude, les milliers de question sur ma santé, sur l'avenir. J'étais en choc. Mes tripes étaient bien présentes, je vous jure!
Recevoir un diagnostic est une rude épreuve. Je n'avais pas eu même l'idée de me faire accompagner, habituée à mener mes affaires seule. Après coup, j'ai réalisé qu'être accompagnée aurait été bien avisé. Je vous le recommande chaudement, si cela est possible.
Mes problèmes de santé ont débuté vers 2006 environ. Quand je relis mes journaux, je remarque que l'hypothèse de la fibromyalgie a été soulevée à quelques reprises par des spécialistes que j'ai vu entre 2006 et 2010: clinique du sommeil, le pneumologue, même une neurologue avait émis cette idée. Ma médecin de famille de l'époque n'a rien dit ou fait à ce sujet d'après mes papiers, et le tout est passé dans les craques du plancher, comme on dit au Québec. Toujours est-il qu'il aura fallu des années avant -enfin- qu'un diagnostic soit posé par le Dr. Favreau.
Si je n'avais pas poussé pour une référence en rhumatologie je n'aurais pas eu ce diagnostic. Un diagnostic tardif ce n'est pas bon, pas bon du tout. Car plus on tarde à savoir ce que l'on a, plus on prend du retard pour se soigner, pour prendre des médicaments qui peuvent aider à soutenir notre corps mais pas à le guérir cependant, dans le présent cas.
Il y a toutes sortes de façon de réagir face à sa santé et aux manifestations de maladie. Me concernant, je préfère nettement savoir que de ne pas savoir ce qui se passe dans mon corps. Pour moi le savoir -en l'occurrence ici savoir ce qu'est la fibromyalgie et l'encéphalomyélite myalgique-, comporte une forme de sagesse et de pouvoir potentiel d'influencer, ne serait-ce qu'un peu, comment vivre avec ces maladies. Bien sûr il y a le choc initial de la nouvelle, et il est important de le vivre, de ne pas l'escamoter, si possible.
Une fois le choc atténué, il est possible de reprendre pied doucement, de se faire aider ou être soutenue auprès d'organismes communautaires. La tâche de comprendre et d'assimiler ce que signifie vivre avec ces maladies demande un certain temps de "digestion mentale", d'adaptation, d'intégration de toutes les données. De plus, les informations médicales sont variées et nombreuses, et ce n'est pas toujours évident de bien saisir ce avec quoi on vit, et surtout, comment prendre soin de soi au quotidien. Il faut se laisser du temps pour que tout ça se mette en place. Donnez-vous ce temps, vous en aurez besoin...
Quand j'ai relu ce journal de 2010-2011, j'ai fait ces quelques constats:
-Je faisais beaucoup trop de choses dans une journée 😵 Juste à lire ça, et j'étais épuisée. Je sais bien que ce peut être un biais car je suis invalide. N'empêche, c'était beaucoup. Et j'enchainais encore et encore....
-Entre le retour au travail de 2010 et le 2e congé maladie en 2012, je me suis accrochée à mon travail, et à ma vie, comme j'ai pu, férocement même. Je me disais que je n'ai pas étudié tout ce temps pour me retrouver sur le carreau! Socialement, c'est très bien vu de "forcer" comme ça. On passe pour une sorte de héros, peut être même à ses propres yeux. Parce que c'est ce que tout le monde fait dans ces circonstances. Alors j'ai forcé, forcé. En faisant cela, j'ai creusé encore plus l'épuisement déjà profond de mon corps. Ma santé s'est sérieusement aggravée pour des raisons économiques, mentales, physiques etc. L'année suivante, j'allais faire une super perte de poids involontaire de 70 lbs, et j'allais intenter une poursuite contre mon assureur. Tout ça dans un sale état de santé.
-Augmentation de la médication depuis 2011. Depuis, la gestion de mes douleurs, du sommeil non réparateur et de tout le reste est médicamenté avec un succès mitigé. Eh oui, même après tout ce temps. J'ai essayé tellement de médicaments....pour passer à d'autres, et ça se poursuit aujourd'hui.
-Mes douleurs fortes aux hanches étaient déjà présentes en 2010-2011. Je croyais que ça faisait moins longtemps que j'en souffrais...?
-Plusieurs activités que je faisais sont disparues, telles que: la natation, le camping, le vélo, de longues randonnées pédestres en ville, les sorties à des spectacles ou au restau, aller danser, manifester en grand groupe, boire de l'alcool, une journée au centre d'achat, aller au cinéma, peindre un mur etc. Les activités très réduites sont: les visites chez des amis ou la famille, les voyages, marcher autour de chez moi, nettoyer ma maison, cuisiner, jardiner. Au fil des ans, j'ai dû faire un effort d'adaptation pour arriver à continuer certaines activités. Quand je suis en présence de plus de deux personnes, mon énergie chute deux fois plus vite. Je dois impérativement vivre dans le calme, le plus possible. Sinon la facture à payer est très lourde, du genre crash pour 4-5 jours, augmentation des douleurs etc.
Voici ce qui n'a pas changé depuis ces huit années: je suis malade. Je suis incapable de travailler.
J'espère que ce petit bilan vous sera utile comme il a pu l'être pour moi :)
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