mardi 28 juin 2022

"Renoncer", par Hélène F.




RENONCER pour éviter absolument le malaise Post-Effort. Comprendre le mécanisme de ma maladie, l'encéphalomyélite myalgique. Accepter une vie lisse, tranquille, sans plus sortir de chez moi. 

Ne rester présente que pour mon entourage immédiat. 

Oublier la vie sociale à l'extérieur. Organiser mon intérieur. J'ai beaucoup d'aides, ouf. 

RENONCER pour faire du repos forcé. S'allonger pour des pauses de plus en plus longues entre de si faibles activités. Différer tout à nettement plus tard. Accepter de dîner avec mes enfants, allongée sur le canapé. Modifier mes priorités. 

RENONCER ENCORE PLUS malgré le pacing déjà omniprésent depuis des mois. Limiter aussi les efforts de concentration, les émotions. Tenter de stopper cette lente et irrémédiable aggravation. 

PLONGER vers toujours plus de dépendance. Être totalement alitée des semaines entières. Se sentir digne et belle malgré les toilettes faites au lit. Ma tête engluée est là, mais mon corps m'échappe. 

RENONCER pour ne pas glisser encore. Je coule vers l'état très sévère. Ne plus tenir assise longtemps. Je ne suis bien que allongée au calme. Ma tête me fait si mal. 

RENONCER TOUJOURS PLUS pour ne pas m'aggraver. Mes amis rentrent désormais directement chez moi. Ils s'assoient près de mon lit, m'aident, ne restent pas longtemps pour me préserver. Oubliés les goûters dans mon jardin! 

RENONCER. 

Et pourtant, je coule. 
J'ai peur. 
JE NE VEUX PAS PLONGER. 



Hélène F.
Massy, France 


jeudi 23 juin 2022

"Cette maladie m'a tout pris": le témoignage de Nathalie



Cette maladie m’a tout pris


Tout ce que j’avais bâti, tout s’est envolé. 
J’avais une vie. J’avais des projets.
Avant que je ne tombe malade, j’étais une femme qui aimait vivre. 

J’aimais le mouvement. J’adorais danser, crapahuter dans les montagnes, voyager, jouer avec mes enfants. Mais aujourd’hui, tout ça, c’est du passé. 

En 2019, je suis tombée malade. 

Tout ce qui raisonnait en moi, tout ce qui me faisait vibrer, tout allait être brisé.
J’allais être terrassée par la fatigue avec en prime, de nombreux symptômes qui s’y ajoutaient. 

Tout devenait difficile. 

S’occuper de mes 2 enfants devenait un exploit de chaque jour. 
Psychomotricienne, je perdais mon cabinet libéral. 
Tous les actes de la vie quotidienne m’étaient quasi impossibles. 
Ma vie est à l’arrêt. 

À cause de cette fatigue inexpliquée, j’ai consulté d’innombrables spécialistes. 
Tous mes résultats médicaux étaient normaux. 
De ce fait, les médecins préconisaient une réadaptation à l’effort. 
En mode combattante, je commençais cette rééducation. 
Je voulais guérir et reprendre le cours de ma vie. 
Du coup, le mot fatigue n'existait plus. 
Je n'avais plus de force, plus d'énergie. 
Je suis restée plus de 10 mois dans ma chambre, dans la pénombre et le silence. 

Pendant tout ce temps, aucun soin ne m’a été apporté. 
Je ne pouvais même plus me lever. Je ne pouvais pas me déplacer. 
Incapable de bouger. Le moindre geste était un défi. 
Tellement léthargique, pas même la force d’aller voir un médecin. 
Seule face à ce qui m’arrivait. 

Il a fallu 3 ans pour que le diagnostic tombe.
Je souffrais d’encéphalomyélite myalgique. 
Depuis ce jour, je survis. 
Cette maladie m’a enfermée, isolée.  
Je ne sors plus. Je reste chez moi depuis maintenant trop longtemps. 
Lorsque j’essaye de faire quelque chose, cela se finit toujours par un malaise post-effort. 

Cette maladie est invisible aux yeux des autres et de la société. 
Personne ne peut se rendre compte de ce que l’on vit. 
Le mot fatigue est loin d’être approprié. 
Il est inconcevable d’imaginer les malaises qui nous envahissent et nous clouent littéralement au lit. 

Les malaises post-effort font partie intégrante de ma vie.
Comment vivre, sans rien pouvoir faire ? Mission très difficile.

J’ai espoir que la recherche avance.
Il ne me reste plus que cette option. Il faut qu’une solution soit trouvée. 
Je vis entre mes 4 murs avec cet espoir.

Une maladie multisystémique, débilitante et toujours pas reconnue en France. 
Victime de trop de psychologisation et de négligence. 
Il faut que tout cela cesse...



Nathalie, France
 

lundi 13 juin 2022

Un été de lenteur

"Je vais élever des escargots, leur lenteur m'apaise" -Patrick Gauvin


L'été sera sous le signe de la lenteur. C'est le rythme dont j'ai besoin pour vivre avec l'encéphalomyélite myalgique. La lenteur prend de l'ampleur depuis quelques mois: me déplacer, penser, rassembler mes idées, cuisiner etc. Même revenir d'un malaise post-effort est plus lent. 

Bienvenue lenteur

J'observe de près mes boîtes à fleurs, mon petit jardin. 
Ma routine quotidienne, encore et toujours, se révèle être une alliée précieuse pour conserver l'énergie. 
Je savoure même de ne rien faire...
Oui, ne rien faire
Je regarde les molécules d’oxygène circuler
J’apprécie le calme, le silence, la lenteur

Je me parle avec plus de douceur
Je me conseille même parfois à voix haute
Ne suis-je pas la personne la mieux placée pour comprendre ce dont j'ai besoin pour mon bien-être?  

Je ne sais pas si c’est l’âge ou si le fait de vivre avec l’encéphalomyélite myalgique me fait vieillir prématurément, mais j’ai l’impression de vivre dans un univers où tout ou presque est « trop ».  Trop de rendez-vous médicaux, de suivis, de consignes. Trop d’actualités difficiles à suivre etc.

Trop de trop 

Récemment, j'ai subi une IRM d'une trentaine de minutes. Ce qui m'a frappée, c'est combien je me fatigue plus vite quand je suis hors de chez moi. Me retrouver dans un hôpital ou une clinique pour un test est extrêmement énergivore. Les bruits environnants élevés de ces lieux, les consignes rapides des employés (on fait répéter), les discussions avec les clients, la manière rapide et parfois un peu brusque d'agir du personnel, tout cela me laisse sur le carreau comme si je sortais d'une tornade. Et c'est sans compter ce que représente passer un IRM: sons et lumières décuplées, stress, douleurs pendant l'examen etc.

Même si ces tests et examens sont nécessaires, j'en ressors si épuisée que je les sens comme des agressions sur mon corps. Je ne me plains pas de recevoir des services de santé, loin de là, je suis même privilégiée. Mais les impacts de ces sorties médicales ont un poids que je ne peux en aucun cas ignorer. J'ai beau me dire que j'ai de la chance d'être bien suivie,  ces rendez-vous demeurent difficiles à vivre et à "survivre" quand on vit avec l'encéphalomyélite myalgique. 

Immanquablement, le malaise post-effort s'ensuit. Et je ne suis pas en mesure de dire combien de temps sera nécessaire pour que mon corps revienne à un état "normal". 




Après ces incursions médicales, je retrouve mon petit cocon de calme et de silence avec bonheur. J'ai réussi, avec de l'aide, à aménager ma petite cour. J'alterne alors lit-divan-cour quand je suis capable. 

C'est mon lieu privé où je me régénère. La cour a beau être petite, on y trouve plantes et fines herbes. Au-dessus de ma tête, l’immense tilleul du voisin, planté trente ans plus tôt, étend ses branches chargées de fleurs. Je vis dans un petit écrin de verdure. Je savoure cette chance inouïe qui m’est donnée. Énergie faible? Je m'oxygène dans mon royaume, ne serait-ce que quelques minutes. 




Cet été de lenteur me fait aussi vivre une certaine forme de gratitude, de reconnaissance en quelque sorte. 

Ma vie est loin d'être parfaite, mais je l'aime.  J'ai la chance de pouvoir encore écrire et lire à mon propre rythme dans un bel environnement qui convient à mon état de santé. Si j'ai un problème urgent, j'ai des  personnes autour de moi qui peuvent réagir rapidement pour me venir en aide. J'ai des amis, j'ai de la famille qui m'entoure, c'est une chance inouïe. Pour tout cela et même plus, je dis merci. 

Je vous souhaite de savourer votre été où que vous soyez. Pour les personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique, j'espère de tout coeur que la saison estivale vous offrira un peu de répit et que vous pourrez refaire un peu vos forces

Un bel été à tous

🌻

 
 

mercredi 1 juin 2022

Le témoignage de Laëtitia: "Mes envies sont simples. Mais irréalisables".




Je m’en souviens comme si c’était hier. Je venais d’avoir 43 ans. 

Ce vendredi 2019, vers 16 :15, j’ai fait un malaise sur mon lieu de travail, dans ma classe. C’était une grippe sévère. Mon corps m’a lâché et ma vie a basculé. 

Je pensais que cette grippe passerait au bout de quelques semaines. Malheureusement, il n’en a rien été. Pire, mon état s’est dégradé au fil des mois. Après une année d’errance médicale, je suis enfin diagnostiquée en 2020 : je suis atteinte d’encéphalomyélite myalgique (EM) au stade sévère. 
 
Depuis 3 ans d’EM, j’ai plein d’envies, mais je ne peux les réaliser. 3 ans en position horizontale face à mon plafond, c’est long. 

Ce sont des envies très simples : 
 
Je voudrais réussir à rester assise 15 minutes sans me trouver mal et être obligée de m’allonger.
 
Je voudrais aller dans mon jardin voir les fleurs. Je ne suis pas allée dans mon jardin depuis 3 ans. Je suis coincée à l’étage de ma maison depuis 2 ans. 
 
Je ne peux plus monter d’escalier. J’aimerais tenir une conversation au téléphone en étant certaine de ne pas déclencher un malaise post-effort qui durera 24 à 48 heures. 
 
J’aimerais pouvoir lire un roman, c’est impossible avec mes difficultés de concentration et ma vision floue. 
 
J’aimerais partager des activités avec mon fils, jouer, discuter avec lui, sans avoir un mal de tête au bout de 5 à 10 minutes. 
 
J’aimerais pouvoir faire plus de 20 pas d’affilée sans être obligée de m’effondrer sur une chaise ou par terre. 
 
J’aimerais pouvoir couper ma viande toute seule et manger sans faire tomber ma fourchette. 

J’aimerais me lancer dans le dessin et la peinture, écrire ce que je vis ou de jolies choses comme des poèmes, mais je n’arrive pas à rester assise. 

J’aimerais pouvoir supporter les sons de mon entourage et les bruits de dehors. J’ai développé une intolérance aux sons qui est incroyable, et qui m’oblige à porter un casque antibruit. 
 
J’aimerais reprendre mon métier de professeur des écoles que j’aimais tant. C’est impossible. Dépendre financièrement de mon conjoint : c’est difficile à accepter. 
 
J’aimerais revoir ma famille et mes amis. Ils me manquent tant. Depuis 3 ans, je ne suis plus présente aux rassemblements de famille et d’amis. Je ne peux plus me déplacer, même dans une voiture. 
 
Voilà. Mes envies sont simples. Mais irréalisables. 


 



Je demande aux autorités sanitaires de France une vraie bonne prise en charge de l’EM. Je n’ai pas l’allocation longue durée (ALD). Je souhaite être reconnue malade de cette pathologie. 
 
Je souhaite que tous les médecins français soient formés à cette maladie. Ce ne sont pas des exercices physiques qu’il faut prescrire aux malades de l’EM. Ces exercices physiques aggravent l’état de santé de ces patients. J’en ai fait l’expérience. C‘est la stratégie du pacing qu’il faut prescrire aux malades. 
 
Je souhaite que les chercheurs et scientifiques du monde entier travaillent en collaboration afin de trouver un remède. 
 
Je souhaite guérir, car j’ai promis à mon enfant que je jouerai de nouveau au football avec lui. 
 


Laëtitia
Rennes, France