lundi 29 janvier 2018

En tournée



Il y a des artistes qui font des tournées et des représentants de compagnies.
Il y a aussi des commissions d'enquête, des ministres ou des chefs d'État qui font des tournées dans des pays lointains.

Cette semaine, c'est à mon tour de commencer ma tournée médical.  Rien de très glamour ni d'allure de rock star pour rencontrer tous mes médecins dans les prochaines semaines.

J'ai vu venir cette tournée avec un brin d'anxiété. Ce qui me réussit le mieux dans ce genre de situation, c'est vraiment de me préparer le mieux possible. Bien des gens pourraient croire que les personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique (PAEM) connaissent sur le bout des doigts tous leurs symptômes, et dans un certain sens, ce n'est pas faux. Mais il faut savoir que pour plusieurs d'entre nous doivent composer avec de la nervosité, de l'anxiété voire même de la panique pour certains. Je connais plusieurs personnes malades qui vivent des moments particulièrement pénibles lorsqu'il est temps de rencontrer des médecins. Parfois, la panique me prend et dans ces moments-là, j'oublie tout. Les papiers préparés deviennent ma mémoire pour me rappeler mes observations et mes questions pour le médecin.

Calendrier en main, je me suis fait un visuel qui me permet de bien voir où j'en suis. J'ai beau utiliser un calendrier électronique, j'ai aussi besoin d'un calendrier papier au mur. 

Étape 1: Pour récapituler où j'en suis, je relis les dernières semaines de mon journal, et je note les nouveaux symptômes et des questions ou mes hypothèses personnelles. 

Étape 2: Ensuite, je me crée un document d'une page max, si possible, sur ce que j'ai lu. En les réécrivant, ça aide un peu ma mémoire mais pas beaucoup, je l'avoue. 

Étape 3: Dès cette semaine, je mettrai les pieds au nouveau CHUM où je vais certainement me chercher sur les étages. Pour éviter bien des angoisses avec le fait de me chercher et d'arriver à temps, je pars une heure d'avance pour me sécuriser. J'imprime le plan du CHUM fourni sur leur site pour m'aider à m'orienter. Je dois également me rendre dans une clinique dont je ne connais pas le chemin: j'imprime, me garantissant une relative sécurité.

Étape 4: Tout est prêt, ou presque. Relaxe, relaxe tout est en place.......aoum!


Le tout ne se fait pas en criant ciseaux, loin de là: je le fais par petits bouts, quand la concentration y est et que l'épuisement ne prend pas trop de place. Dans les faits, cela me prend plusieurs jours pour faire cette synthèse incluant mes questions, bien entendu.

Dans les prochaines semaines, je verrai un groupe de "logues": rhuma, neuro, pneumo, ophtalmo auquel s'ajoutera aussi un physiatre, le médecin de famille et finalement pour couronner le tout, une expertise à venir pour Retraite-Québec. Tous mes papiers sont fins prêts...

Roulement de tambour, et que cette tournée commence !


Ces derniers temps, je n'écarte pas la possibilité de prendre maintenant davantage de taxis: mes hanches sont si douloureuses que je n'ai plus trop de choix. Il est évident que je serai épuisée, je le suis avant même de commencer cette tournée.

Dans tous les cas, je me fais la promesse de prendre ces rendez vous un à la fois, et de faire de mon mieux, tout simplement.  Et oh, vivre le moment présent aussi   :) 

À bientôt

🌻

samedi 13 janvier 2018

Neige, neige....et l'épuisement neuro-immunitaire post-effort.



J'ai les joues rougies par le froid et la neige. Je reviens du dehors où une neige légère mais abondante nous tombe dessus. Hier, je regardais par la fenêtre de ma chambre, je pouvais voir la vieille table du jardin où subsistait un petit petit monticule de neige fondue.

Aujourd'hui, la vieille table est complètement recouverte d'une épaisse couche de neige. Comme quoi la vie -et la météo canadienne-, change parfois rapidement.

Lorsque j'étais enfant, j'étais la première dehors à vouloir me mesurer à la tempête et aux bancs de neige très élevés que cette dernière laissait derrière elle. Armée de ma pelle et de mon traineau, j'aimais enlever la neige accumulée sans faiblir ou jusqu'à ce que je tombe de fatigue. 

Ce matin, j'y suis allée avec passablement de prudence, et pour cause: je me laisse parfois emporter par le plaisir de pelleter!  L'hiver dernier, j'ai un peu trop abusé avec ma pelle, et je me retrouvais en mauvaise posture les jours suivants: muscles et articulations très douloureux, énergie faible pour 3-4 jours et même plus.

Je ne peux plus faire ce genre d'abus, et je me demande si un peu de sagesse s'est instaurée dans mon cerveau. À tout le moins ce matin, je me suis promise d'être attentive et prudente en évaluant l'épaisseur des bancs de neige.

Pelle en main, j'ai dégagé la neige du balcon en poussant sur la pelle, évitant ainsi de la soulever. Ce qui est "traitre" ou tricky" quand on vit avec avec l'encéphalomyélite myalgique, c'est qu' il n'y a pas nécessairement de message de douleur envoyé sur le champ pendant que je pousse la neige. Il n'y a pas d'indicateur ou de jauge -ce serait trop merveilleux d'avoir ça dans notre corps- sur la quantité d'énergie présente, ni celle dépensée etc.

Il me faut donc être présente à mon corps, et aligner mon esprit sur le fait que je ne peux pas me donner à fond comme je le voudrais. L'expérience m'a apprise que la facture arrive dans les heures et jours suivants ce que j'ai fais ou vécu.

Je trouve ça difficile d'être dans une activité que j'adore, et de devoir contrôler le temps et l'énergie que j'y mets. Parfois, j'arrive à me parler intérieurement, me rappelant doucement que mon corps ne peut pas suivre comme avant. Mon corps mérite que je lui témoigne de la compassion, de la patience, et des soins attentionnés. 

Pour tout vous dire, ce matin avec ma pelle, je me suis quasiment attaché les bras avec de la broche pour ne pas déneiger toute la cour au complet!!

Je me rappelle une ergothérapeute qui m'avait dit ceci: "il faut vous en garder, vous n'êtes pas obligée de donner toute votre énergie". 

Cela m'avait fait réfléchir, alors que je n'avais pourtant pas encore de diagnostic d'EM en main à cette époque. J'étais dérangée car je ne pouvais pas reproduire mes performances physiques d'une fois à l'autre de la routine d'entrainement pour un retour au travail de 2010.  Je comprends maintenant pourquoi je ne pouvais pas avoir des résultats similaires d'une fois à l'autre: mon corps est affecté par l'encéphalomyélite myalgique, il est donc normal de ne pas obtenir les mêmes niveaux de performance physique des jours précédents. Le corps affecté par l'encéphalomyélite myalgique n'arrive pas à refaire son énergie comme les corps de personnes en santé. 

L'épuisement neuro-immunitaire post effort est en quelque sorte la "marque spécifique" de l'EM: un effort physique ou mental peut précipiter la personne dans un épuisement qui dure des jours et des jours, et dans certains cas, pendant des semaines. Par exemple, j'ai lu des témoignages de personnes affectées par l'EM qui ont dépassé leurs limites, et qui ont dû être alité pendant des mois, ayant trop "forcé". Je me reconnais aussi dans cette situation lorsque j'ai tant forcé et forcé encore pour demeurer en emploi. Avec du recul aujourd'hui, je suis certaine que cette résistance ne m'a pas servie, au contraire: l'épuisement était beaucoup trop élevé. En 2012 lorsque j'ai quitté mon travail, j'étais fortement épuisée.

D'aucun pourraient dire: "mais ce n'est pas grave si les personnes affectées par l'EM dépassent leurs limites, ils n'ont qu'à se reposer ensuite". Cette affirmation est vraie pour les personnes en santé, mais voyons voir ce que cela signifie pour les personnes affectées par l'EM. 

Dans le cas des personnes affectées par l'EM, ce dépassement de limites se traduit par des malaises physiques et mentaux des plus troublants et difficiles à vivre. Dans mon cas, voici ce qui se passe lorsque je dépasse mes limites: 

-mon corps "brûle" de douleurs des pieds à la tête
-repos ou sommeil très difficile car le système nerveux semble "étiré: je me sens fébrile comme si j'avais avalé 5 cafés d'affilée.
-j'ai des idées franchement plus sombres voire même parfois suicidaires
-perte d'appétit 
-perte d'intérêt pour mes activités habituelles
-pas de musique, pas de radio, et le moins d'interactions, car ça résonne comme des milliers de décibels dans ma tête.
 

Donc oui, on peut bien se reposer quand on est en épuisement neuro-immunitaire, mais il est long,  difficile et très douloureux d'en revenir. Et souvent, on ne revient pas au niveau précédent.

De plus, il semble que ces épisodes d'épuisement neuro-immunitaires auraient des impacts importants sur les organes et le corps de la personne affectée par l'EM, selon cette étude "Neural consequences of post-exertion malaise in Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome:   https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S088915911730051X.

Voici la conclusion des chercheurs: 
 
Overall, this study’s findings emphasize the importance of symptom provocation in the study of ME/CFS by demonstrating significant and characteristically opposite brain and behavioral responses in patients compared to controls – providing evidence that acute exercise can negatively impact neurophysiological processes in ME/CFS. These findings also provide objective evidence for the subjective experience of cognitive symptoms (i.e. brain fog) reported by ME/CFS patients when they attempt to be physically active. Future studies incorporating additional physiological systems (e.g. autonomic, immune, genetic) and alternative fatigue manipulation designs will be necessary to further understand the multifaceted pathophysiology of PEM.

Il est à souhaiter que nous ayons d'autres recherches sur ce sujet spécifique qui permettra aux personnes affectées par l'EM d'être mieux comprises et surtout, d'obtenir une prise en charge médicale qui tienne vraiment compte des besoins spécifiques à l'EM, c'est à dire cesser de pousser sur ces derniers en lien avec la performance physique et l'épuisement neuro-immunitaire post-effort. Car il y a des conséquences importantes pour la personne malade.
 
Je vous souhaite une bonne journée où que vous soyez :) 

 🌻