lundi 11 mai 2020

Encépha....quoi??



Voici ma petite histoire de la fête des mères.  Je me suis blessée à l'index gauche en voulant couper en deux une brochette de bambou, un accident bête.  C'est la brochette qui a gagné 1-0 :) Après avoir essayé de faire cesser le flot de sang (pas tellement réussi), j'ai emballé l'index coupé dans un linge froid, me disant que ça ferait l'affaire pour arrêter le flot et que tout rentrerait dans l'ordre. 

Après quelques minutes, je me rends compte que la coupure est trop profonde pour NE PAS aller à l'hôpital 😑...Avec le covid pourtant....

Pas le choix: j'appelle un fidèle ami à ma rescousse, et il me dépose à l'urgence de l'hôpital Notre-Dame. Au pré-triage dehors, on me dirige ensuite vers le triage où je suis reçue rapidement. Tout le monde est masqué, comme de raison. 

Au triage, je réponds aux questions sur l'accident, et j'en profite pour mentionner que je ne peux pas recevoir d'injection contenant de l'épinéphrine, un composé contre indiqué pour les personnes vivant avec l'encéphalomyélite myalgique. L'infirmier note, puis on me dirige vers la salle d'attente. 

J'attends moins de trente minutes, et on m'amène dans une salle où, -oh bonheur!-, je peux m'étaler....ouf. Pour les personnes EM, s'étaler est prioritaire: nous avons peu d'énergie et encore moins quand on a un accident comme celui-ci. 

J'attends. Je reprends mon souffle. Une résidente entre dans la salle et se présente.  
Elle m'explique qu'elle va s'occuper de mon index lacéré et le recoudre. 


Voici notre dialogue:

Résidente (R): Est-ce que vous avez des maladies, madame? 

Moi (M) : Oui, je vis avec l'encéphalomyélite myalgique.

R: Euh.....encépha....quoi?? 

M: L'encéphalomyélite myalgique. 

R: Ah. C'est une nouvelle maladie? 

M: Non. C'est une maladie neurologique qui a été classifiée en 1969 par l'Organisation mondiale de la santé.

R: Ah ok..... (silence) 

M: C'est une maladie inflammatoire qui affecte les système nerveux, immunitaire et endocrinien. 

R: Je n'ai pas entendu parler de ça...

M: Le syndrome de fatigue chronique, peut être que ça vous dit quelque chose?  (on se rabat sur ce qu'on peut, en désespoir de cause....)

R: Euh non.....(silence)...........Avez-vous d'autres maladies? 

M: oui fibromyalgie etc. 

R: Ah ok. Blablabla.....(elle avait l'air soulagé...ou j'interprétais?)


Et la conversation s'est passée ainsi, vers d'autres sujets pendant que mon index gauche se faisait recoudre (sans épinéphrine, merci). Après les soins et un vaccin de tétanos, je suis repartie avoir passé environ deux heures à l'urgence. 






Je n'ai pas la force mentale pour m'indigner, hurler et arracher ma chemise, mais il reste que je trouve passablement inquiétant qu'une jeune résidente (fraichement sortie des cours de médecine ou en voie de les terminer), ne sache pas ce qu'est l'encéphalomyélite myalgique....en 2020. Pire encore, elle est train de terminer son diplôme...Pire encore, ses collègues en médecine sortent aussi de l'université sans savoir ce qu'est cette maladie. 

Comment serons-nous diagnostiqués et traités? Comment les personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique peuvent être correctement prises en charge par un système de santé ayant à son bord un personnel non formé ou informé ne serait-ce que minimalement, de l'existence de cette maladie invalidante?

C'est d'autant plus inquiétant, considérant que l'actuelle pandémie de covid-19 risque de laisser dans son sillage des personnes qui pourraient probablement être affectées par l'EM: 



Le Dr. Alain Moreau, chercheur et directeur du Réseau canadien de recherche concertée interdisciplinaire sur l’encéphalomyélite myalgique, explique: 

"Il n’y a pas une journée qui passe où je n’ai pas des appels de cliniciens, de patients et même d’organisations qui nous demandent d’aller investiguer cette situation-là parce que plusieurs anticipent le risque de développer l’encéphalomyélite myalgique." 

Faudrait-t-il que les personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique qui se présentent dans les urgences, cliniques ou autres, se promènent sous le bras avec le Manuel du Consensus international à l'usage des médecins?  Pour en avoir parlé avec plusieurs PAEM, ce n'est souvent pas la solution, car le personnel médical semble souvent rechigner à y jeter ne serait-ce qu'un oeil. Quelles que soient les raisons, ça passe rarement et le document n'est pas accepté. Même mon propre médecin de famille dit que j'ai une encéphalite...Pourtant, ce n'est pas du tout la même maladie. Cette dernière se guérit, contrairement à l'EM. 

À la veille du 12 mai, journée Journée internationale de l’encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique, j'avoue que mon constat n'est pas reluisant, et vous savez déjà ce que je peux en dire: les personnes affectées par l'EM ont encore bien du boulot à faire pour éduquer, sensibiliser, expliquer la maladie avec laquelle on vit. Bien sûr, on peut choisir ses batailles, et ne pas s'éparpiller et s'épuiser. 

Pour ma part, je tape moins du pied (pas de force les amis), mais du moins, je suis vigilante sur ce qu'on me propose pour m'occuper de ma santé, et faire attention aux recommandations et résultats de recherches sur l'EM. Mes médecins ne savent pas ce qu'est l'EM ou comment me soigner? Il me revient d'être au courant, malgré moi d'une certaine façon, car je dois protéger ma santé du mieux possible.

Ainsi, la contre-indication concernant l'épinéphrine par exemple, est un élément de vigilance important pour moi, ayant eu à expérimenter les effets sur mon corps. Ça, c'était avant que je n'ai eu vent de ses effets. *D'ailleurs à ce sujet, vous trouverez deux articles sur ce sujet en bas de page pour votre information. 

En terminant, un petit mot pour vous dire que je vais bien malgré un gros épuisement dont je vais me remettre en une semaine. Cet événement m'a fait réaliser, une fois de plus, que j'ai bien peu de réserve émotive et physique devant ce genre de "petit événement" somme toute banal pour monsieur et madame tout-le-monde, mais pas pour une personne vivant avec l'EM.

Quoiqu'il en soit, j'ai réintégré ma maison avec soulagement, et je savoure d'autant plus le calme et le silence qui m'entoure  :)  

🌻



*Un article sur l'anesthésie et l'EM: 

Voir la traduction en français plus bas. Voici le lien original en anglais: https://www.hfme.org/topicanaesthesia.htm



Anesthésie et Syndrome de fatigue chronique/Encéphalomyélite Myalgique

Source de la traduction : 
Anaesthesia_and_ME.pdf de The Hummingbirds'Foundation for ME


Chirurgie pour les personnes affectées par l'EM 
 
Pour le patients EM, lachirurgie devrait être évitée le plus possible

  • Les patients EM doivent avertir leur médecin des problèmes qu'ils ont face à l'anesthésie (et du fait que leur corps ne réagit pas normalement à l’anesthésie) pour que le médecin soit préparé (et informé à ce sujet).
  • Les patients devraient aussi informer leurs médecins au sujet de leurs problèmes orthostatiques pour que les médecins évitent des les placer dans des positions qui vont affecter leur tension artérielle ou leur pouls pendant et après l’intervention
  • Les patients EM doivent s’hydrater avant l'intervention et une solution saline administrée si besoin.
  • Moins de produits d'anesthésie sera nécessaire pour les patients EM. Les médecins devraient commencer par la dose la plus petite que la normale et ensuite en rajouter seulement si nécessaire.
  • Il faut faire attention aux relaxants musculaires avec les patients EM.
  • Les patients EM peuvent avoir besoin de doses plus importantes de médicaments contre la douleur. 
  • Certains médicaments seront peut être à éviter par les patients EM (par exemple, médicaments qui libèrent de l'histamine, l'adrénaline dans les injections dentaires).
  • Certains médicaments communs peuvent être remplacés par d'autres plus adaptés. Par exemple, des anesthésiants dentaires contenant de l'adrénaline peuvent être remplacés par Prilocaine HCLs sans adrénaline et sans conservateur . Les fonctions respiratoires des patients EM sont à surveiller pendant l'intervention, en plus de la fonction cardiaque (ceux-ci sont les plus problématiques chez ces patients).
  • Des suppléments de magnésium et de potassium peuvent être nécessaires avant l'intervention, ainsi que des suppléments à haute dose de vitamine C peuvent être utiles avant et après l'intervention (à noter que la vitamine C devrait être évitée le jour même).
  • Une récupération plus longue doit être planifiée pour les patients EM car une rechute causée par l'intervention ou l'anesthésie peut être courante.