Le quotidien d'une femme vivant avec des maladies chroniques. Parce que le chemin se construit en marchant.
dimanche 27 mars 2022
Le témoignage de John: "mon expérience en tant qu'aidant naturel auprès de mon épouse"
lundi 21 mars 2022
Le déambulateur: ma nouvelle liberté?
La marche a toujours tenue une grande place dans ma vie.
Adolescente, je marchais tous les jours vers l'école secondaire du quartier. Je refusais de prendre l'autobus scolaire, préférant mille fois marcher, beau temps mauvais temps. La marche me servait d'exutoire, de discussions joyeuses avec mes amis ou juste une balade à savourer, seule, avec mes pensées.
Une fois adulte, la marche continuait de faire partie de ma vie. En 2011, je marchais environ douze kilomètres par semaine pour me rendre au Complexe Guy-Favreau, mon lieu de travail. Le vent dans les cheveux, mon sac à dos de ville bien installé, la musique aux oreilles, je marchais sans même m'en rendre compte. C'était MON moment de la semaine que je chérissais.
Depuis que l'encéphalomyélite myalgique gagne du terrain, lentement, ma capacité de marche a elle aussi, diminuée. Mon périmètre de marche se rétrécit avec les années, mine de rien.
Depuis quelques mois, je me suis rendue compte que marcher lentement avec ma canne pendant à peine dix minutes fait grimper ma fréquence cardiaque à 160 battements par minute (BPM). C'est beaucoup trop, considérant que mon seuil anaréobique est d'environ 98 BPM, une seule balade me mettait en crash, et bien entendu, l'épuisement est plus élevé.
Pendant ces balades aussi, je ne cessais de chercher des bancs publics des yeux pour pouvoir me reposer, mais il n'y en a pas suffisamment. De toute façon, ces bancs sont si rares pour les personnes à mobilité réduite.
La solution du déambulateur s'est donc présentée naturellement à mon esprit. Dans mon contexte de vie, en venir à considérer cet achat n'a pas été facile. Au vu de l'introduction, je pense que vous comprenez le pourquoi du comment.
Je fais le deuil de ma capacité de marche. Pour moi, je prends le temps de vivre mes émotions et de me laisser le temps de m'adapter. J'apprivoise un nouveau mode de déplacement...
S'il y a une perte de capacité de marche, avec le déambulateur, eh bien je dois admettre qu'il y a des gains. Le déambulateur va me permettre de continuer à aller dehors, c'est vital pour moi. Je continuerai ainsi à continuer de prendre l'air, voir la nature à mon rythme. Je peux encore me déplacer, mais différemment. Je continue à protéger mon autonomie et une certaine indépendance. Vital, ça aussi.
Que demander de mieux? Finie la course au trésor dans mon quartier pour trouver un banc public pour me reposer. Il y aura moins d'épuisement, et une fréquence cardiaque plus stable et meilleure pour moi.
Avant d'acheter, j'ai fait une recherche approfondie sur internet pour trouver le modèle dont j'aurais besoin. J'ai visité beaucoup de sites américains où on peut commander en ligne. Je n'ai pas retenu cette option, je tenais à acheter au Québec, et surtout, je voulais compter sur un service à la clientèle fiable pour des ajustements ou réparations si nécessaire, ici au Canada. Ce déambulateur est fabriqué au Québec par la compagnie amylior, basée à Vaudreuil-Dorion.
Pour l'achat, mon choix s'est arrêté sur le commerce la Maison André Viger (à noter: je ne suis pas commandité).
Ce déambulateur est un 2 dans 1: il peut aussi se transformer en chaise roulante. Très pratique, là encore, pour qu'on me déplace au niveau des grandes surfaces ou même juste une balade dans le quartier.
En images, voici de quoi il a l'air:
🌻
mardi 8 mars 2022
Courte revue de presse sur la covid longue et l'encéphalomyélite myalgique
La pandémie de covid-19 a débuté fin 2019, début 2020. Deux années plus tard, si le monde médical et de la recherche ont pu récolter des données sur ce virus, reste que c'est peu de temps pour l'étudier à fond et surtout, d'en comprendre les impacts à long terme sur la santé humaine.
Entre-temps, de nombreux témoignages de personnes lourdement affectées des suites d'une infection à ce virus, affluent d'un peu partout dans le monde.
Au Canada, des femmes, des hommes, des enfants et des adolescents témoignent des impacts majeurs de la covid sur leur santé, des impacts et symptômes qui demeurent pendant de longs mois suite à l'infection. Plusieurs d'entre eux n'arrivent pas à reprendre une vie normale ou à retourner sur les bancs d'école. Ils sont trop faibles et malades.
Ils sont affectés par la covid longue. Certains d'entre eux ont obtenu un diagnostic d'encéphalomyélite myalgique. D'autres, non. Ou pas encore. Ou rien n'est envisagé comme explication. Pour le moment, du moins.
Et pourtant...
En lisant les témoignages des personnes frappées par la covid-longue, il est difficile de ne pas faire de lien avec les descriptions des symptômes des personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique. Je ne suis pas médecin ni experte en la matière, reste qu'en lisant les articles, je me reconnais dans ces descriptions, et je ne suis pas la seule: plusieurs personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique (PAEM) s'y reconnaissent également.
Des adultes, des enfants et des adolescents sont affectés par la covid-longue. Des recherches s'organisent un peu partout dans le monde. Reste à savoir quand nous obtiendrons des résultats probants.
Voici une courte revue de presse non exhaustive sur la covid-longue. Sans surprise, plusieurs articles ne font pas le lien avec l'encéphalomyélite myalgique. Il sera intéressant de voir, avec les années, ce que les recherches obtiendront comme résultats. Et surtout, si les personnes affectées par la covid-longue arrivent enfin à obtenir un diagnostic, une des pierres angulaires pour prendre soin de sa santé.
Bonne lecture
2020-2021:
https://www.quebecscience.qc.ca/sante/syndrome-post-covid-sequelles/
Trois articles publiés dans LE DEVOIR:
https://www.lapresse.ca/covid-19/2021-05-10/le-long-combat-contre-la-covid-longue.php
2022
https://www.lapresse.ca/covid-19/2022-02-15/la-covid-sans-fin.php
https://lactualite.com/sante-et-science/covid-longue-un-calvaire-sans-fin/?fbclid=IwAR0Ro1PVfL-pNu_TE_uZOGXg7hLLB5ezSDZ6tkmXyPYS0LBsMkcHDL1nfQQ
Enfants et adolescents
En anglais
Recherches
https://www.omfcanada.ngo/du-syndrome-post-covid-a-lem-sfc/?lang=fr
mercredi 2 mars 2022
"Laissez-moi rêver": le témoignage d'Hélène F.
Laissez-moi rêver. Il fait beau. Je cours dans la montagne. J’enjambe les pierres, je grimpe puis dévale à toute allure, je cours sur les sentiers. Je respire profondément. Je me sens profondément vivante et heureuse dans cette immensité. Car ma vie est toute autre. Ne
me réduisez pas à ma maladie.
Mais après une grosse intervention chirurgicale, les anesthésiants ont réveillé ce qui sommeillait en moi : le syndrome de tachycardie orthostatique posturale (plus connu sous le nom de POTS), le syndrome d'activation mastocytaires (SAMA), et l’encéphalomyélite myalgique.
J'ai toujours été hyper active, ultra sportive, militante dans de nombreuses associations. Je travaillais dans le secteur social. Mon métier était de défendre les plus fragiles. Je faisais régulièrement des marathons, des trails en montagne.
Tout s’est intriqué, tout s’est déréglé. Mon EM, comme je l’appelle, ne se guérit pas, mais on s’apprivoise. Elle devient une compagne
de voyage.
Mes enfants grandissent, leur horizon s'est élargi. Je suis heureuse pour eux. Le mien s'est progressivement rétréci, à ma ville, mon quartier, ma résidence, mon appartement, mon lit.
Désormais l’épuisement me broie. Le terme de "fatigue" ne peut être approprié. C’est bien plus que cela. C’est un écrasement. Jamais de récupération.
Il interdit d’abord toute vie professionnelle, puis associative, puis sociale, puis familiale. Tout est trop. Tout épuise. Tout limiter, tout fractionner, différer. Ne plus sortir. Réduire les visites. Ne pas trop téléphoner. S’exclure un peu plus chaque jour, se sentir aller vers une disparition sociale, pourtant actuellement une question de survie. C’est un long et permanent renoncement à la vie d’avant.
Maintenant une petite vie, à petit feu avec la faiblesse musculaire, les vertiges, les nausées, la tachycardie, les douleurs chroniques, le brouillard cérébral. S’endormir avec, se réveiller en les retrouvant. Les tenir à distance. Se sentir engluée mentalement.
J’étais marathonienne. L’effort, l'endurance, le mental, c'était ma spécialité. Maintenant mon marathon c’est juste parfois un transfert entre le lit et le fauteuil électrique où je dois tenir assise quelques minutes. Mon marathon, c’est parfois juste une douche assise par mon auxiliaire de vie.
Mon marathon, c’est parfois juste le plaisir émotionnel de voir ceux que j’aime pendant deux heures, et le payer ensuite pendant des jours. Le plus difficile, ce sont les "malaises post-effort". Une visite animée ou un appel téléphonique un peu long, et c’est le Trop. Pas vraiment des malaises, j’appelle ça mes "crashs".
Quelques heures après un effort dérisoire mais trop important pour moi, brutalement mon corps m'abandonne : ne plus pouvoir lever le bras, tenir sa tête, se mouvoir, parler. Je ne panique pas.
J’ai mes bouteilles d’eau près du lit, mon seau pour mes besoins. Il suffit d’attendre pendant quelques heures jours semaines dans une semi-torpeur. Tout est flou, le jour, la nuit, je ne sais plus trop où j’en suis.
Ne pas chercher à comprendre pour préserver ses forces. Juste lâcher, vivre le moment et attendre. Alors je me sens redevenir animal. Boire, uriner, prendre mes médicaments. Tout le reste est dérisoire. Plus besoin de manger, de se laver, de changer de dessous, il faut uniquement survivre en attendant le mieux.
Je dois toujours être prête à l'abandon brutal de mon corps, mes bouteilles d’eau remplies et le seau contre mon lit, les rideaux prêts à être baissés.
La lumière, le bruit m'agressent. J'ai mal partout. Les douleurs sont terrifiantes. L’impression que ma tête va exploser. Mes muscles flétris que j’avais autrefois savamment sculptés me font si mal. La tête, les articulations, les os, les décharges électriques. Les fourmillements et picotements permanents. Les brûlures de mes plantes de pieds et de mes paumes.
Et le brouillard cérébral qui rend flou toute réflexion structurée. L’obscurité m’est alors douceur. Puisse le sommeil m’épargner un peu les douleurs.
Mes anciennes médailles sont rangées. Les performances n’ont plus aucun sens. Toute ma vie se réécrit patiemment. Accepter, cheminer, vivre avec cette nouvelle compagne qu'est l'EM. Ne pas inquiéter. Protéger son entourage. Et puis parfois, pleurer dans les bras réconfortants d’un proche ou de mes enfants. Le contact physique de leurs bras me soulage. Il me rend ma dignité et mon humanité dans des moments où je me sens si vulnérable.
La vie est là, alors, je tente d’anticiper, de m’organiser. Mais comment? De quoi sera fait demain? Dans quel état serai-je ? Que prévoir de plus ? J’ai déjà mis en place la téléalarme, une planche de bain, un déambulateur, un fauteuil roulant électrique, des auxiliaires de vie. J’ai accepté de montrer ma nudité pour être lavée par d’autres.
Et quand il y a un léger mieux, je me sens revivre, c'est une joie indescriptible, tout à coup une énergie dévorante. Mais c'est le piège. Surtout ne pas faire plus que d’habitude : se contraindre à ne rien faire de plus : ne pas ranger un peu mon linge, ne pas rester un peu trop assise, sinon ce sera un nouveau crash assuré, et une violente coupure de courant s’abattra sur moi et m’interdira à nouveau brutalement de bouger, de parler.
Désormais il me faut éviter coûte que coûte les crash, je perds à chaque fois un peu plus d’énergie. Ma batterie ne récupère jamais suffisamment avant la rechute
suivante. Maintenant je les redoute: me sentir prisonnière et abandonnée de mon corps, perdre mes compétences cognitives, ne plus parvenir à faire des tâches complexes. Devoir demander à d’autres ce que je savais faire si facilement. Me voir de plus en plus limitée. Mes crash entraînent et accompagnent pour l'instant lentement mon déclin.
Ma vie n’est plus qu’attente. Le temps file, les heures, jours, mois, les années passent. Car je sais qu'avec beaucoup de précautions, de renoncements, de limitation, je peux progressivement me stabiliser et récupérer un peu de capacités.
Alors j’attends du meilleur, une stabilisation, un traitement. Pour demain, ou après-demain. Espérer sans trop s’épuiser. Juste y croire.
Juste savourer chaque moment partagé avec mes enfants, chaque message de mes proches, le ciel bleu que j’aperçois depuis mon lit, les chants des oiseaux par la fenêtre entrouverte, les clapotis de la pluie. Ça me remplit de bonheur. Et je suis sûre que je vais aller mieux, que bientôt je retournerai dans la montagne.
Alors en attendant je ferme les yeux et je cours heureuse sur les sentiers escarpés…
Hélène F.
Massy, France