mardi 22 août 2023

Témoignage: L'encéphalomyélite myalgique très sévère par Hélène F.




Je suis habituellement en état sévère de l'encéphalomyélite myalgique. Une aggravation progressive suite à un malaise post-effort me plonge actuellement dans l'état très sévère. Depuis longtemps, mon lit est déjà devenu mon unique univers, je suis enfermée dans mon corps. L'encéphalomyélite myalgique, c'est ça aussi. 

Je suis allongée dans mon lit, un peu recroquevillée, c’est le nid où je vis. Je n’en sors quasiment plus jamais.

Il fait noir ou plutôt j’ai les yeux fermés, j’ai du mal à supporter la lumière ; je suis trop fatiguée pour soulever les paupières. Je crois qu’on est en début d’après-midi, mais je ne sais plus vraiment si mes auxiliaires sont déjà venues, et si elles m’ont déjà donné ou non mon petit déjeuner. Je ne sais plus trop ; mais si, il me semble qu’elles m’ont déjà fait ma toilette au lit. Je ne sais plus. Je me rendors à moitié. 

Je suis trop fatiguée, je pense à une seule chose : limiter tous mes mouvements. Mon corps est à la fois endolori et mes cuisses me font mal. J’ai soif, j’ai ma bouteille d’eau tout contre moi, mais je m’interdis de boire. Ma grande question est: comment vais-je arriver à aller sur ma chaise percée contre mon lit ? J’ai besoin d’aller aux toilettes. Réfléchir est trop fatigant. J’attends, je peux toujours attendre, on verra plus tard. Je me rendors.

Il faut que je boive, j’ai vraiment trop soif. C’est difficile de bouger les bras, d’attraper ma bouteille pourtant contre moi, d’ouvrir le bouchon, de la soulever un peu, elle pèse des tonnes. Heureusement, je sais maintenant boire allongée sans bouger, quelle que soit ma position. Je referme ma bouteille, me recroqueville. Il faut maintenant que je récupère. Je me rendors.

J’aimerais écouter un podcast pour m’évader un petit peu, autrement que dans mes rêveries. Mon téléphone est contre moi, avec tous mes podcasts. J’en choisis un au hasard, tous m’intéressent. Cela fait maintenant 30 secondes que l’émission a commencé, mais je n’ai rien suivi. Je suis trop fatiguée. J’éteins mon téléphone et me rendors.

J’ai besoin d’aller aux toilettes, je ne vais plus pouvoir me retenir longtemps. Je ne sais pas comment font les malades qui ne peuvent plus du tout bouger. Il faut que je me retourne dans mon lit pour pouvoir ensuite me relever. Mon corps est si lourd à déplacer juste de quelques centimètres. J’utilise la télécommande de mon lit médicalisé. Il relève mon buste. Grâce au kiné, je sais comment basculer mes jambes et me hisser en utilisant le moins d’énergie possible. Ces mouvements me sont précieux. Je suis maintenant assise contre sur mon lit. Ma chaise percée est quasiment contre moi. Il va falloir que je me soulève un peu en tournant pour me transférer dessus. Je dois auparavant récupérer un peu, mais en même temps je ne peux pas rester longtemps assise, c’est trop dur. Je prends mon élan et retombe un peu brutalement sur ma chaise percée. Il faut encore que j’arrive à enlever ma culotte. Encore un effort et j’y suis presque. Ça y est, je peux enfin uriner. Je remonte ma culotte en restant assise, j’y arrive avec cette chaise percée. Je reprends mon élan pour repasser assise sur mon lit, mais m’écroule directement allongée. Il faut encore que je me tracte pour me réinstaller bien, la tête contre mon oreiller, c’est là où je suis le mieux. Je me rendors.

Je ne sais plus quelle heure il est, j’ai oublié de regarder sur mon téléphone. Tant pis je le reprendrai plus tard, tout peut attendre de toute façon. Je suis trop fatiguée. Mes membres sont lourds, tout m’écrase, je suis écrasée par l’apesanteur et l’épuisement. Je me rendors.

J’aimerais pouvoir me mouvoir, mais tout mon corps me fait trop mal. Il a comme été broyé. Je cherche une position la moins douloureuse et inconfortable, me recale. Ma torpeur est salutaire. Je retourne dans mes rêveries sans fin.

Je rêve de montagnes, de fleurs, de papillons. Je rêve de torrents, de sentiers. Je rêve de marcher, de courir, de voler. J’y retournerai, mais plus tard. Pour l’instant, je voyage dans ma tête. 

Ce qui me semblait encore un peu possible avant l’été, c’était aller parfois dans mon jardin m’allonger sur ma chaise longue. J’ai réussi seulement 3 fois en deux mois. Trois fois un petit quart d’heure début juillet. Trois fois en un an et demi. Mais ces dernières semaines, tout est devenu trop dur, je n’arrive plus à me mouvoir. Je reste dans mon lit, j’y suis bien, c’est là que je vis, c’est mon nid douillet. 

Je laisse le temps glisser sur moi, je ne me soucie plus du quotidien pour vider ma chaise percée, pour me donner à manger. Je suis confiante, mes auxiliaires viendront le moment venu. Je me rendors. 

Le temps glisse. Demain ou après-demain sera un jour meilleur. Et je profiterai de l’été sur ma chaise longue l’année prochaine, ou l’année d’après. Puis de mes montagnes tant aimées. Ce n’est pas grave, l’important c’est d’abord de me reposer et de me réécrouler pour dormir. Pour me restaurer. Pour survivre. 


Ce qui reste essentiel alors pour les PAEM en état très sévère, à mon avis : 

- satisfaire les besoins de 1ère nécessité du malade,
- donner au malade un sentiment de sécurité qui permet le lâcher-prise
- abolir toute stimulation pour privilégier le calme absolu,
- sans oublier d'avoir l'affection indéfectible des proches".

Merci pour nous...


Hélène F, 
Massy, France


lundi 14 août 2023

En perte de vitesse





J’ai pensé que c’était à cause de la saison estivale
Les canicules, les pluies diluviennes, la fumée des feux de forêt, etc.
Je me suis reposée encore un peu plus.
J’ai diminué mes activités...
J’ai lâché prise sur le rangement, sur le degré de propreté de ma maison.
J’ai diminué de cuisiner aussi, sans toutefois sacrifier de bien me nourrir.
Mes petits plats congelés m’ont été fort utiles.

Cet été, je constate que mon endurance a diminué.
L’énergie est plus basse. 
Ma fréquence cardiaque a tendance à s’emballer plus facilement.
Je suis plus irritable, j’ai la mèche courte, comme on dit au Québec.
Je suis aussi plus intolérante encore aux bruits, à la lumière forte.

Une visite d'une seule personne pour pas même une heure me demande une énergie folle.
 
Mes sorties à l’extérieur ont diminué.

Même ma montre intelligente (elle fait bien son boulot) m’indique que je brûle moins de calories, et que ma démarche est faible, même avec mon déambulateur. 
 
Bien entendu, je me pose des questions, celles que presque toutes les personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique se posent:
 
Est-ce une situation temporaire ?
Est-ce tout juste l’évolution normale de l’EM ?  
 
Je ne sais pas, seul le temps le dira.
 
C’est aussi ça, vivre avec l’encéphalomyélite myalgique : pas mal de questions, pas souvent de réponses claires ou concluantes.
 
 



Aider pour être aidée?
 
Le 8 juin dernier, j’ai rencontré ma nouvelle médecin de famille, une jeune femme qui a gradué en 2017. J’avoue avoir de la chance : mon ancien médecin avait demandé que je sois prise en charge après son départ, et ça a fonctionné. 
 
J’avais préparé ma liste et imprimé les documents de l’INESSS sur l’EM. À la question de savoir si elle connaissait l’EM, elle a été honnête en avouant que c’est par la pandémie qu’elle en a entendu parler pour la première fois. Petit commentaire ici: cela semble confirmer que le cursus de médecine universitaire au Québec n’étudie ni ne mentionne aucunement l’encéphalomyélite myalgique. Quelle surprise, n'est-ce pas?
 
Elle a pris tous les documents, ajoutant même qu’elle les lirait la fin de semaine. Wow, incroyable. C’est vrai, ils sont rares les médecins qui veulent apprendre ou entendre parler de l’EM. 
 
Que la docteure ait accepté de lire les documents est en soi une bonne chose. Mais j’ose dire que ce n’est pas assez : il nous faut bien plus que ça. Ce n’est quand même pas normal que ce soit le malade qui fasse ce « boulot » de sensibilisation et d’information. 

Mine de rien, c’est tout de même un certain poids qui repose sur les épaules du malade, celui d’expliquer ou de démontrer ce qu’est cette maladie et ses conséquences.  
 
Il faut aider pour se faire aider...

Je le fais parce que j’y crois, et parce que je ne peux pas la fermer…

Reste que c’est incroyable, en 2023, que les malades en soient encore à voir leurs médecins avec des documents sous le bras, -comme des cartes de visite -, pour qu’on soit compris, bien pris en charge médicalement parlant, etc., et le tout avec des résultats plus ou moins au rendez-vous. Les seuls moments où le médecin nous voit, c’est quand nous sommes dans son bureau, bien entendu. Et c'est sans compter sur des réactions parfois à la limite du mépris par certains médecins. 

Mais une fois dans le creux de mon lit -ou de mon divan -, il y a moi… et l’encéphalomyélite myalgique. 

Y a pas de médecin qui pourrait de visu, voir ce que c’est de vivre avec une faible énergie ou d’être en malaise post-effort pour des jours, voire des semaines. 
 
D’ici là, je continue mon circuit divan-lit, lit-divan avec quelques petits détours vers la cuisine ou ma petite cour fleurie. 

J’attends les couleurs d’automne pour si possible, aller en profiter avec mon déambulateur que j’aime plus que jamais. 

Et en espérant que la perte de vitesse de mon état de santé se stabilise.

Bonne fin d'été 

🌻