"Parler est un besoin, écouter est un art" -Goethe
Aujourd'hui, je me suis lancée un petit défi: sortir de la maison, prendre l'air. Et tiens pourquoi pas, me rendre au commerce de récupération en tout genre du quartier où on annonçait une vente de 50% sur les livres. Les livres usagés, j'adore. Je me tâte et je m'évalue, question de savoir si j'ai assez d'énergie. Ma fiche technique interne m'indique: "ok, une heure aller-retour".
Je marche lentement jusqu'au commerce, et je fouine dans les livres usagés passant d'un pied à l'autre car il n'y a pas de quoi s'asseoir. Je trouve deux petits bouquins intéressants puis je me rends à la caisse où une ligne de clients attendent. Ah non, surtout pas ça......😓. Les files d'attente sont mes bêtes noires!
Je cherche des yeux où je peux m'asseoir, je ne peux pas attendre debout.
J'aperçois un divan à vendre et je fonce m'y asseoir.
Ouf............
Aucune importance que la file de clients s'étire.
J'ai -presque- tout mon temps.
Un homme qui attendait aussi à la caisse quitte la file et vient s'asseoir à côté de moi sur le divan. Sans plus attendre, il me demande comment ça va.
Évaluation rapide: je ne le sentais pas envahissant. Ni en train de me draguer non plus.
Juste besoin de parler...
Et il se met à me raconter sa vie. Dans la quarantaine, il me racontait qu'il vient de subir une épidurale en lien avec les disques de sa colonne vertébrale.
Il souffre de douleurs dorsales, prend des antidouleurs, dont de la morphine entre autre.
Il vient de se séparer de sa femme. Il a trois enfants qu'il adore.
Il a fondé sa propre compagnie de déneigement-construction.
J'écoutais, tout simplement.
Je sentais qu'il fallait seulement être présente, écouter.
Quand il a cessé de parler, je lui ai demandé s'il conduisait des véhicules actuellement. Il m'a regardé avec un air piteux, et m'a répondu que oui, il conduit malgré la prise d'antidouleurs.
Sentant que le commentaire passerait, je lui ai dit de faire attention à la conduite de véhicules pour sa propre sécurité et celle des autres. Le fera -t-il? Je ne sais pas.
Cependant, j'ai senti que ça touchait quelque chose chez lui.
Le court moment s'est achevé lorsque son ami avait terminé ses achats. L'homme s'est soulevé à grand peine du divan, m'a salué en me serrant la main. Je lui ai dit de prendre soin de lui.
À peine si j'avais dit quelque chose et le tout n'a duré que quelques minutes.
Ça m'a fait penser que les personnes affectées par la fibromyalgie et l'encéphalomyélite myalgique ne sont certes pas les seules à souffrir de douleurs.
Nous sommes plusieurs à vivre avec des douleurs.
Et parfois, la pression est si forte sur nous, qu'on a urgent besoin d'en parler, voire même pour certains à des inconnus. C'est dire comment les douleurs peuvent prendre beaucoup de place dans une vie.
Vivre avec la douleur n'est pas facile. Mais vivre avec la douleur et y ajouter l'isolement social, c'est une douleur supplémentaire qui s'ajoute à celles ressenties dans son corps. Après tout, qui voient ces douleurs invisibles?
À tout le moins, j'espère que cet homme trouvera comment faire pour améliorer sa santé et sa situation en général.
Partager ses douleurs physiques et morales est un geste important tant pour celui qui parle que celui qui écoute. La situation ne change pas pour autant dans les minutes qui suivent, mais le temps du partage devient un espace où on projette ce qui se passe, où on se dépose quelques minutes auprès d'une oreille à l'écoute.
Nous avons tous besoin d'une oreille de temps à autre, de silence ou de bien peu de mots pour dire, pour nommer. Après tout, Lao Tseu n'a-t-il pas dit: "c'est ce qui manque qui donne la raison d'être"?
Je suis repartie avec mes bouquins sous le bras en pensant à ce père de famille souffrant...
Le bonus du jour est que j'ai respecté mon énergie et le temps limite que je m'étais fixé.
J'aime ça 😌
Bonne journée :)
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