Le mot d'ordre....! |
Je suis la "locomotive" d'une famille qui comportera, d'ici fin juillet, 20 membres, c'est à dire filles, gendres et petits enfants. Inutile de vous dire qu'une telle foule ne peut entrer dans mon logement, et quand bien même: je ne suis pas en mesure d'être en présence de TOUT ce monde. Impossible sauf si je veux consciemment me mettre dans un crash profond. C'est tout récemment que j'ai réalisé ce fait.
Je suis devenue grand maman en 2007 alors que j’avais 45
ans. À ce moment là, même si je ne savais pas ce qui m’attendait, j’avais déjà
des problèmes de santé mais pas encore de diagnostics, et surtout pas un épuisement
aussi profond et aussi important comme je le vis aujourd’hui.
Que nous soyons malades ou pas, nous vieillissons
tous. Mais qu’est-ce que ça fait d’être une grand-maman malade,
d’être affectée par l’encéphalomyélite myalgique?
L’énergie que j’avais en 2007 n’est pas la même qu’en
2019. Au fil du temps, je vieillis, et douze années plus tard –en y
ajoutant des diagnostics cette fois-, il est évident que mon rôle de mamie est différent puisque ma vie et ma santé sont
différentes. Je suis dans un processus de vieillissement, mais je vis
aussi également dans un contexte de maladie chronique. Le vieillissement et le déclin de ma santé se mélangent, et je sens que l'usure de mon corps gagne du terrain. J'ai plutôt parfois l'impression d'être une ancêtre beaucoup plus vieille en réalité. Peut être est-ce le cas? Physiquement, je me sens plutôt comme si j'avais 80 ans.
Comme vous, je me demande si la diminution de mes forces est de nature temporaire ou bien si c'est la maladie qui suit son évolution. Comment savoir? Ce n'est qu'avec le temps que je serai en mesure de répondre.
Dernièrement, une de mes filles fêtait les deux ans de sa
fille. Bien sûr j'étais invitée mais j’ai déjà mentionné à ma fille qu’il me
serait difficile d’y être et pour cause : il y
avait présence de plusieurs parents avec leurs jeunes enfants. Pour moi, cela
signifie des montagnes de
bruits très forts et de mouvements (bien sûr, le monde est vivant!) des personnes et ….beaucoup
d’énergie pour sourire, discuter, partager un repas etc., sans
compter le temps de transport aller-retour. Je n'ai pas le choix que de me transformer en comptable agréée, faire tous ces calculs pour arriver à me situer sur le plan
énergétique. Ce que je trouve le plus difficile, en fait, c’est de ne pas
pouvoir être présente à certains évènements où mes petits enfants, filles
et gendres participent. Je pense, par exemple, à un spectacle d’école, à une remise de
diplôme ou une cérémonie officielle: les bruits et les mouvements sont si
intenses qu’y assister est impensable tellement ça siphonne mon énergie en un
temps record. Si j'ai la mauvaise idée de forcer et de participer malgré tout à ce type d'évènement, je suis dans les problèmes pour plusieurs jours d'affilée: inflammation à la grandeur du corps (ça brûle!), et épuisement profond qui dure et dure, au point où je dois limiter les appels (on sauve eaucoup d'énergie en ne parlant pas), et me reposer en évitant les stimulations.
Un autre exemple. Une autre de mes fille vivait une situation d'urgence avec un de ses enfants, et il fallait l'aider rapidement, et aller la rejoindre chez elle. J'étais au bout du fil, et j'ai fais ce que j'ai pu pour aider mais ça m'a aussi mise devant la réalité de ce type de situation: je ne peux pas intervenir physiquement, je suis trop affaiblie. Ma fille s'est organisée bien entendu, mais ça illustre le genre de situation où je ne saurais pas être capable d'apporter mon aide. C'est frustrant, mais c'est la réalité!
Je me rappelle avoir tant poussé mon corps pour assister aux
parties de soccer de mes filles. J’adorais les voir jouer et j’étais le genre
de mère qui hurlait ses encouragements dans les gradins. Ce temps est passé, et
avant même d’être grand-mère, on dirait que je suis déjà une ancêtre avec un
pied dans un CHLSD.
Une autre de mes filles vient d’accoucher. J’aurais aimé
faire plein de petits plats pour sa famille, comme je l’avais déjà fait pour
ses sœurs aînées. Je manque d’énergie. Parfois, ça me frustre tellement que je
tourne en rond chez moi. Ma tête a beau savoir que je suis MALADE, mon esprit
lui, se rappelle du passé, et il se rappelle très bien que ce corps en faisait pas
mal plus avant l’arrivée de
l’encéphalomyélite myalgique.
Jean Gastaldi a dit: « Une
grand-mère, c'est une maman qui a trop grandi. »
Je vis de la frustration, de la tristesse de ne pas pouvoir faire tout ce que je veux. J'aimerais être une mamie beaucoup plus présente physiquement que je ne le suis actuellement. Si j'en crois Jean Gastaldi, et si c'est vrai que j'ai trop grandi, il va donc falloir que je me raisonne un peu plus, et que je gère au mieux ces frustrations. Que je trouve le moyen d''apaiser le tout, et de continuer de profiter des petites occasions où je peux être présente à ma famille.
Quand on est malade et qu'on ne bouge pas trop de la maison, le téléphone est un outil fort utile pour socialiser à distance. Je suis à l'écoute de mes filles, c'est déjà ça! C'est un des aspects que je trouve le plus formidable dans le fait d'être grand-maman: je peux écouter, conseiller si besoin est, et partager mes propres expériences soit avec mes filles ou mes petits-enfants.
Mamie virtuelle?
Même si certains jours je grogne après l’EM et après mon
corps qui ne collabore pas comme je le voudrais, reste qu’il me faut faire ce que je peux avec ce que j’ai en main. J’ai
beau ne pas avoir une santé du tonnerre, je souhaite être présente aux membres de ma famille.
À ma
façon, comme je peux.
Ainsi, je suis un peu plus une mamie virtuelle par certains
aspects. J’utilise Facetime, skype et autres applis de ce monde : ça m’aide à suivre le quotidien de mes filles
et de mes petits enfants. On peut parler en direct, et il m’arrive même de
chanter pour mes petits enfants! Rien de tel qu’une petite poulette avant
d’aller au dodo...
Dernièrement, ma petite fille de 12 ans s’est mise à me
texter et depuis, on s’écrit de temps à autre. Elle me parle de son quotidien,
de ses amis, de son école. J’adore nos échanges texto J et ça me permet de
garder le contact.
Récemment, je suis devenue grand-maman pour le 9e
fois. Ma petite fille a maintenant près de trois semaines, et pour le moment,
j’arrive à la prendre dans mes bras pendant 15-20 minutes. D’ici quelques mois,
ce sera autre chose!
D’ici fin juillet, j’accueillerai mon dixième petit enfant. Pour être honnête, ma condition de santé ne semble pas aller
dans le sens d’une amélioration depuis l'automne dernier.
Je garde quand même espoir d'être en mesure de pouvoir
continuer à suivre toute cette belle progéniture qui tel un beau champ semé, semble s'étendre à perte de vue!