Y a des jours où je me demande si je ne suis pas en train de régresser dans mes façons de composer avec l'encéphalomyélite myalgique.
Ma fille m'avait informé qu'un collège du centre-ville de Montréal offre une vente annuelle de cactus au public pour je ne sais quelle collecte de fonds. Sachant que j'aime les plantes, elle m'offrit de l'argent pour que je m'en choisisse. Comme elle travaillait, elle n'a pu m'y accompagner.
Bien sûr, la décision m'incombait: j'essayais de faire un petit calcul dans ma tête avec le transport, le "comment se sera sur place", un temps court pour l'aller-retour.
Évaluation rapide: j'y vais. Il est vrai que j'adore les plantes. Mais un autre élément a pesé dans ma décision. J'ai des petits soucis qui tournent dans ma tête, et dans ce cas, je ne suis pas tout à fait "présente": j'ai tendance à planer, à ne pas être concentrée sur ce que je suis en train de faire.
Bref, j'étais dans ce genre d'état quand j'ai finalement attrapé l'autobus vers 10:15.
Ouf, ça commence pas trop bien: pas de place assise, je dois donc me tenir comme je peux. Finalement une place se libère et en moins de 20 minutes, j'arrive à destination.
En marchant vers le collège, j'ai pris conscience que ça n'avait pas de sens de faire ce que j'étais en train de faire! Je sentais déjà la fatigue, les jambes molles, les nombreux mouvements autour de moi me donne le vertige etc.
J'y suis, j'y reste!
Comme j'y étais déjà, j'ai "forcé" et je suis entrée.
Comme j'y étais déjà, j'ai "forcé" et je suis entrée.
Niveau de bruits: force 1 000! Bien sûr, c'est un milieu étudiant très vivant et mouvementé.
J'attrape mes écouteurs de cellulaire pour bloquer les sons puis je suis les indications pour la vente. Que vois-je? Une file d'attente :(
Ah non.
L'horreur pour les personnes affectées par l'EM.
L'horreur pour les personnes affectées par l'EM.
Il est 10:38 et les portes ouvrent à 11:00.
Le débat fait rage intérieurement: comment vais-je faire pour tenir debout jusqu'à l'ouverture des portes?
Je prends rapidement ma place dans la file derrière une vingtaine de personnes.
Je m'appuie sur les casiers, jambes étendues.
Pas même cinq minutes que je suis là, et mon coeur bat comme un fou.
Comment tenir malgré et avec les malaises ?
J'ai l'impression que je vais m'écrouler tellement je me sens faible, pas bien.
Comme si je coule.
Je mets de la musique pour essayer de me changer les idées.
Ouf.
J'observe les jeunes autour de moi, ça parle facebook, examens, copains etc.
J'évalue qu'il me reste à m'asseoir par terre comme les étudiants que je vois faire, avec leurs cellulaires, si jamais je n'arrive plus à tenir.
Tout à coup, la file avance: les portes s'ouvrent.
Enfin.
Enfin.
Je reprends espoir malgré la fatigue, que dis-je, l'épuisement grandissant.
Je pense aux cactus, une ancienne passion.
On avance.
Je me dis que je suis vraiment folle d'être venue ici, et d'attendre debout en file pour acheter des f........cactus.
Bon, on avance....mais par tranche de 5-6 personnes à la fois.
La torture que je m'impose moi-même se poursuit.
Je suis près de la porte!
Dur dur de tenir le coup.
Finalement j'entre.
Des tables avec plein de cactus...................
Oui.
Mais pour être honnête, j'ai été un peu déçue, car les cactus les moins chers étaient....minuscules :) et à 5$. Qu'à cela ne tienne, les voilà.................
J'ai payé puis je suis sortie rapidement pour reprendre le chemin du retour.
Oh joie! Un abribus avec un siège où je me suis empressée de m'asseoir.
Je ne peux pas exprimer tout le soulagement que j'ai ressenti.........................
Une dame âgée (enfin, plus que moi) est entrée dans l'abribus.
En temps normal, je me serai levée à toute vitesse pour lui céder ma place.
En temps normal, je me serai levée à toute vitesse pour lui céder ma place.
Pour ajouter une petite couche sur mon état, je me suis sentie coupable de ne pas lui offrir ma place, trop épuisée.
Je me suis choisie, et je suis restée assise jusqu'à l'arrivée de l'autobus à 11:20.
Je me suis choisie, et je suis restée assise jusqu'à l'arrivée de l'autobus à 11:20.
J'étais renversée de constater qu'il s'était écoulée à peine 1 heure 30 depuis que j'étais partie de la maison.
L'épuisement dans lequel je me trouvais était beaucoup trop élevé.
Je sais que je suis allée trop loin, que j'ai dépassé mes limites.
Mais voilà: ce n'est pas parce qu'on le sait qu'on le fait!
Ces temps-ci, je suis plus vulnérable émotivement, plus préoccupée, moins sereine.
Et dans ces cas-là, j'ai tendance à me perdre de vue.
Quand je suis dans cet état où je plane, où mes idées sont ailleurs, j'évalue alors moins bien mes limites. J'ai tendance à escamoter ma propre évaluation des énergies. Et dans ce cas-ci, cela m'a conduit à me mettre dans le trouble comme on dit au Québec, et ce, en moins de deux heures.
Faut le faire quand même.
Il est vrai que c'est un triste exploit, mais je tenais à le partager.
Je ne suis pas madame-perfection, loin de là.
Et c'est aussi pour dire que même si l'on vit avec l'EM depuis des années, on peut encore vivre ce type de situation.
On enseigne ce que l'on a besoin d'apprendre, parait-il.
Alors s'il en est ainsi, je n'ai vraiment pas fini d'enseigner :)
Bonne fin de journée,
Mwasi Kitoko
P.S. Nous sommes samedi matin à Montréal. La nuit fut atroce, rien de moins. J'ai diminué les activités en fin d'après-midi afin de calmer mon système nerveux. Malgré cela, la nuit n'a pas été réparatrice, bien au contraire. Un endormissement très laborieux (plus de deux heures), puis une fois le sommeil qui se pointe, mes yeux ne cessent de s'ouvrir, et dès 4:00, impossible de me rendormir. Grosse dette de sommeil que je lie à mes cactus d'hier, ainsi que ma vulnérabilité émotive accrue. Aujourd'hui sera une journée de compassion et de ralentissement. Promis.