En juillet 1969, l'astronaute Neil Armstrong fut le premier être humain à fouler le sol de la lune. Je suis certaine qu'une onde de choc a parcouru la planète Terre à l'annonce de cette nouvelle pour le moins étonnante. Ça a dû tournebouler les bulletins de nouvelles des médias de l'époque, c'est clair.
En 1969, j'avais huit ans. J'ai un souvenir vague que les adultes autour de moi était captivé par la télévision en noir et blanc, un souvenir embrumé. J'étais probablement occupée à jouer avec mes poupées, à pédaler sur mon petit vélo ou à construire des châteaux de sable.
Je pense souvent à cette classification dans le grand livre des maladies de cet organisme de santé international.
Je suis étonnée, que dis-je indignée, de constater qu'en 2016, des gouvernements, compagnies d'assurance et professionnels du monde médical en soient encore à nier cette maladie ou pire encore, en arrivent à dire aux patients et leur entourage, que c'est dans la tête, cette maladie. Qu'il faut que les personnes affectées par l'EM se "fouettent" ou se secouent pour se remettre au travail et retrouver la forme.
Si on pouvait échanger nos corps avec ceux qui disent tout haut ces horreurs, je suis convaincue qu'un grand silence s'ensuivrait....Ça ne pourrait pas faire autrement, car vivre avec l'EM est une expérience que seuls ceux qui en souffrent peuvent vraiment comprendre et décrire. L'épuisement, les douleurs chaque jour usent nos corps prématurément. Oui, on peut comparer avec d'autres maladies et autres douleurs similaires. Mais qu'on ne se fassent pas d'illusion: les personnes affectées par l'EM n'ont pas envie de s'amuser à se traîner au travail, ni de vivre dans la pauvreté faute de moyens financiers, ni de perdre tout ce qu'on peut perdre. Le travail, la vie intime, la vie sociale, les repères d'une vie dite "normale".
Nous sommes malades. Est-ce si difficile à comprendre?
Comment des milliers de personnes affectées par l'EM se seraient concertées à travers le monde, pour avoir les mêmes symptômes, vivre des périodes de douleurs et d'épuisement avec des atteintes physiologiques et psychologiques similaires? Il faudrait être tous sacrément forts pour avoir pu faire cela. J'en conviens, mon raisonnement est un peu naïf, mais ça tient quand même. Et ce qui me sidère, c'est que malgré la classification officielle faite par l'OMS en 1969, nous avons avancé un peu en terme de compréhension de ce qu'est cette foutue maladie, mais je me demande quel qualificatif serait approprié si on veut voir de près l'évolution des mentalités face à l'encéphalomyélite myalgique et ceux qui en souffrent?
Je garde ça en tête. G93.3. Ça ne me donne rien de spécial, cette classification, c'est vrai. Mais pour d'autres raisons que j'ignore, ça me frappe. J'avais 8 ans quand cette maladie a été officiellement classifiée par l'OMS. Et dire que les humains arrivent à marcher sur la lune, sans toutefois accepter ni comprendre scientifiquement et moralement ce qu'est de vivre avec cette maladie d'enfer.
L'encéphalomyélite myalgique existe pour vrai, mes amis.
Ce n'est pas une fantaisie farfelue qu'on a envie de vivre pour se rendre intéressants, croyez-moi.
Nous aurions aimé faire autre chose de nos vies que de se tâter l'énergie à chaque instant pour vérifier si on a la capacité de se lever, de faire sa toilette, de parler à un ami, de faire ses courses.
Nous aurions aimé continuer de travailler, car travailler ne consiste pas qu'à obtenir un salaire pour vivre. Un emploi, c'est aussi une identité, des compétences professionnelles et personnelles utiles à la société, des relations qui se nouent et se tissent.
Nous aurions aimé mener notre vie exactement comme on l'entend, avec un corps qui nous suit, et non pas l'inverse: nous devons suivre notre corps avant de suivre ce qui nous passe par l'esprit.
Dodo fragmenté
Petit bulletin de santé, ici. Je ne ferai pas semblant et vous dire que tout va super bien physiquement, car ce n'est pas le cas.
Mes nuits sont plus qu'agitées ces dernières semaines: c'est la java, le super rave de nuit, avec ces jambes qui font mal et bougent sans arrêt. Ajoutons des douleurs aux deux hanches très fortes et sérieusement, je ne sais plus quelle position adopter pour arriver enfin à m'assoupir. J'ai donc un paquet d'heures d'insomnie à mon actif, au point de me relever souvent ces dernières nuits. Tout cela donne un niveau d'épuisement plus élevé, et le cercle infernal des douleurs qui augmentent aussi. Les balades à pied dans mon quartier ont diminuées, autre conséquence logique.
Pas assez "d'argent en banque", d'énergie.
Mon corps ne parle pas, non. Je dirais plutôt qu'il hurle.
Cette fois, je fais mon possible pour porter davantage attention aux besoins de mon corps. Au lieu de me fâcher, j'ai plutôt choisie la voie de la compassion. De la compassion, une douce compréhension et reconnaissance de ce qui se passe vraiment dans mon corps.
Et d'y répondre avec amour.
Ne pas forcer.
Lâcher prise.
Res-pi-rer.
Ralentir la machine à pensées, aussi.
Pour détourner doucement mon attention, j'écoute un peu la radio. Ce qui m'a fait découvrir que Nina Simone a une fille,
Lisa, qui vient de jouer au festival de Jazz à Montréal. Dans une entrevue, j'ai entendu les propos d'une femme unique. Lisa Simone me touche profondément pour une montagne de raisons: parcours en zig zag, son ouverture au monde, son amour pour sa mère, pour ses enfants. Sa musique me fait oublier les douleurs, l'espace de quelques minutes. Tout est bon à prendre pour se changer un peu les idées.
Mon entourage sait combien j'adore les proverbes et citations. Je les collectionnent et je conserve les plus inspirants.
Ce qui m'inspire ces jours-ci: "Si tu cherches encore cette personne qui changera ta vie, regarde-toi dans le miroir" (Roman Price)
J'aime cette citation, car elle me ramène à moi-même, à mes besoins, et à ce que je peux faire pour créer mon bonheur. Elle me fait aussi penser à mon unicité, tout comme cette pierre naturellement teintée d'orange au travers de teintes beiges. Les deux teintes se marient harmonieusement.
Aujourd'hui, sera une journée consacrée au plaisir. J'ai décidé de choisir ou de faire que ce qui m'apporte du plaisir, en autant que je reste dans mes limites énergétiques un peu serrées, mais quand même: y a moyen de faire quelque chose :)
Avec ce niveau d'épuisement, je pleure souvent quand je suis touchée par une lecture ou une discussion. Y de ces larmes cachées quelque part en moi, et qui jaillissent sans que j'ai le temps de m'en rendre compte, et je me retrouve avec les joues inondées de larmes. Je sens cette fragilité en moi. Une certaine vulnérabilité.
Mais je suis encore là, à vous écrire ce qui me passe par la tête ou à résumer ce qui se passe dans ma vie rapetissée à quelques centimètres, il me semble.
Le ciel bleu m'interpelle, et peut être une courte balade dans un petit cercle autour de chez moi.
Je vous dis à bientôt.
Et que l'été vous soit profitable. C'est si court :)
Mwasi Kitoko