Jongler avec un autre diagnostic (Source: pixabay) |
Il y a une semaine, je me
trouvais dans le bureau d’un généticien au CHUM. Au printemps dernier, j’apprenais
qu'un membre de ma famille vit avec le syndrome de Marfan. Par la suite,
j'ai fait les tests pour vérifier si j’étais aussi atteinte.
Rencontré en septembre dernier,
le généticien m’a expliqué qu’il s’agit tout juste de faire une prise de sang, et ma fiole a été envoyée dans un labo externe. En me regardant de la tête au
pieds, le généticien m’a dit que je n’avais pas le « look » du syndrome
de Marfan. De fait, il y a certains traits physiques particuliers reliés à cette maladie.
La semaine dernière, je recevais
les résultats. Une surprise m’attendait : un document imprimé qui révélait
les tests effectués, et la confirmation que je suis atteinte de cette maladie
génétique. Je ne m’y attendais pas, surtout après
l’affirmation du médecin en septembre. C’est le cas de le dire, j’ai été prise
par surprise…
Je vais être claire : ma vie
n’est pas menacée dans l’immédiat, et selon les tests cardiaques effectués
récemment, mon cœur est ok, pas de problème d’aorte. Pour le moment, du moins. Ce que j’ai trouvé difficile, c’est
le fait que l’annonce de ce diagnostic s’est faite comme ça, sans rien de prononcé autre que les tests faits. Pas de counseling
de la part du médecin. Oui, il m’a donné quelques informations pertinentes sur
ma santé et sur la maladie, expliquant la procédure pour que mes enfants soient
aussi testés. Mais sans plus.
Ce qui était difficile, c’est le
fait que le médecin n’a pas cherché à vérifier comment je recevais cette
nouvelle. Ne m’a pas posé la question si ça va, si je suis accompagnée etc. Ce
n’est pas que je pleurais ou quoi, non. J’étais juste là, sidérée, à l’écouter ou
du moins tenter de l’écouter au travers du brouillard épais dont était
enveloppé mon cerveau. Rien. J’ai pris le document que j’ai soigneusement plié,
j’ai regroupé mes effets et je suis sortie de son bureau. Confuse, je cherchais
par où j’étais venue. J’étais perdue dans ma tête, j’étais perdue dans le
couloir. Toujours
« assommée » en cherchant comment ressortir, j’ai
fini par retrouver mon chemin non sans l’avoir refait trois ou quatre fois. J’étais lessivée physiquement et mentalement. Rien
ne sortait, pas même une larme.
C’est le pilote automatique qui a
pris le relais : j’ai préféré prendre le métro, j’avais besoin de me
retrouver parmi les badauds et non pas de sauter dans un taxi. Je sais, c’est un
non sens, car je suis vidée. Je voulais sentir la vie autour de moi. Embrumée
toujours, je suis parvenue à rentrer à la maison. Purement réflexe, j’ai appelée
chacune de mes filles pour leur annoncer cette nouvelle. Et c’est suite à cela que j’ai pu me laisser
aller…J’ai pleuré de tristesse, de colère. Non mais! Une autre couche de
maladie sur les autres couches?! Oui, très en colère.
Comme si mon corps me trahit une
nouvelle fois. Depuis, j’ai repris mes esprits.
Je ne sais pas si j’ai tout réglé émotivement, mais déjà, je sens que je
reprends pied. Mes trucs? Se permettre de pleurer, d’exprimer sa peine avec une
personne de confiance, si possible. Ou même seule. Ce que j'ai fait en pleurant tout mon saoul. J’ai discuté avec des amis proches, ça
aide. L’autre truc : augmenter les sessions de méditation. Si la concentration
est difficile, je passe de 20 à 10 minutes de méditation, quitte à méditer à
nouveau dans la journée. Calmer le mental, calmer le système nerveux. Le nourrir de silence, de respirations lentes et calmes...Sinon y a pas de recette miracle, on le sait tous. Chaque personne a ses trucs propres à lui dans ces situations.
Je ne suis certes pas la seule à
recevoir un autre diagnostic par-dessus ceux avec lesquels je vis déjà : encéphalomyélite
myalgique, fibromyalgie, syndrome des jambes sans repos, bursite des deux
hanches, amen…Je concède que ce n’est pas un cancer agressif dont je souffre, et
ma vie n’est pas menacée dans l’immédiat. Reste que ça provoque des réactions
tout à fait normales et humaines.
Pour ce qui est du généticien avec lequel je ne me suis pas sentie soutenue, je ne suis pas la première à
noter cette lacune dans le monde médical. Comment rendre cette étape plus
humaine? J’aurais souhaité que le
généticien prenne ne serait-ce que 5 minutes pour discuter avec moi.
Imaginons un peu comment un dialogue médecin-patient agréable et pertinent pourrait être...
Généticien : Madame, quel
effet vous fait ce diagnostic? Comment vous sentez-vous?
Moi : Je suis sous le choc,
j’avoue. C’est une couche supplémentaire de diagnostic avec les autres que j’ai
déjà….
Généticien : Oh je vois. Ça
en fait beaucoup pour vous aujourd’hui, si je comprends bien ce que vous me
dites?
Moi : Oui, c’est ça….Ça fait
beaucoup pour moi.
De mon point de vue, il n’était
pas nécessaire de consacrer plus de quelques minutes pour vérifier comment se
sent un patient. Et ces quelques paroles échangées peuvent faire une
vraie différence pour que le patient reprenne pied du moins temporairement, et
qu’il se sente soutenu. Ce n’est pas parfait, mais c’est déjà un pas pour
vérifier comment le patient reçoit la nouvelle. Un counseling de quelques
minutes seulement permet d’accueillir le patient, et de lui envoyer un message
clair que l’on prend soin de lui, dans l’ici et maintenant avec la nouvelle qu’il
vient de recevoir.
Visite à la clinique de la
douleur du CHUM
Autre tranche de vie médicale :
il y a deux jours, j’étais à la clinique de la douleur du CHUM. Ce jour-là, j’en
ai pris pour mon rhume car j’avais des préjugés avant de me rendre à ce rendez-vous. Avec les deux médecins qui m’ont
reçu, nous avons fait le tour de ma santé sans oublier tout ce que j’ai pu
essayer comme médicaments depuis dix ans maintenant. J’ai à peu près tout
essayé, et je ne me lancerai pas dans la liste de médicaments, il y en a des
pages. Il reste une seule solution pour me soulager, et ce sont des perfusions
de kétamine. Je réfléchis à cette solution, et je rendrai ma décision plus tard.
Il faut dire que la référence à
cette clinique date de….2012. Oui, vous avez bien lu : sept ans avant d'être appelée à cette clinique! Donc depuis, je me suis débrouillée seule
-et certains médecins- -, pour gérer mes douleurs.
Les préjugés que j’avais étaient
ceux-ci : j’étais convaincue qu’on chercherait à me convaincre
d'essayer des techniques spéciales ou même
qu’on me déconseillerait fortement de continuer à prendre du cannabis médicinal
pour traiter mes douleurs. J’étais complètement dans le champ : les
médecins étaient chaleureuses et préoccupées par le niveau de douleurs dans mon
corps, et j’apprenais que plusieurs de leurs patients consomment du cannabis médicinal pour soulager les douleurs. Vous voyez? Au contraire, elles ont pris en note certains effets bénéfiques.
Quant au récent diagnostic reçu,
une des médecins m’a regardé et m’a dit : « ça fait une autre maladie
de plus pour vous, hein? », je n’en suis pas revenue. Elle avait compris déjà ce que je ressentais. Avant même que je ne m'exprime là-dessus, elle
avait déjà mis le doigt sur ce qui me faisait mal, soit les couches de
diagnostic. En moins d’une semaine, j’avais
rencontré un généticien disons, plutôt glacial, puis finalement, je rencontre des médecins spécialisés sur
la douleur, humains et chaleureux. Comme
quoi il y a de tous les genres chez les médecins...
Où j’en suis?
Après deux semaines intenses en
rendez-vous médicaux (médecin de famille, tests divers etc.), je suis vidée.
Écrire tout cela me permet de faire le point dans mes tripes et dans ma tête. Et
de vous le partager, car je sais que plusieurs se retrouveront dans ce que j’écris,
c’est inévitable. Si je le vis, c’est que vous le vivez aussi!
Dans les prochains jours, je mets
en place un plan de chouchoutage plus marqué encore qu’à l’habitude : lecture, méditation, télé, popote légère,
siestes et bien entendu, mes petits bols d’air de marche essentiels dans le
quartier. Il est temps de réduire les efforts en tout genre, et de me concentrer
sur moi pour refaire des forces. Là, il est plus que temps de débrancher et de me reposer. Vraiment.
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