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lundi 13 août 2018

Anti-athlète





La première fois que j'ai entendu parler du malaise post-effort, c'était avec mon rhumatologue. Mon diagnostic était assez récent, et je ne connaissais pas grand chose sur l'EM.


Moi:  J'aime beaucoup nager, docteur. Mais j'ai remarqué que dernièrement,  lorsque je vais nager, 24 heures et parfois 48 heures plus tard, je me retrouve si épuisée, j'arrive pas à fonctionner. Pas bien du tout dans mon corps.

Docteur: Madame, c'est l'encéphalomyélite myalgique qui fait ça.

Moi: Hein, 48 heures plus tard?!! Mais je fais comment pour continuer à nager?

Docteur: Eh oui, c'est comme ça. Il vous faut réduire votre activité physique et faire attention à vos limites maintenant...


😳😨😞😟😱


Dans le monde médical, il y a de nombreux courants de pensée sur ce que les personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique (PAEM) devraient faire ou ne pas faire en terme d'activités physiques.

Les uns se font conseiller de bouger, de faire du sport pour ne pas perdre leurs capacités. Certains  médecins s’y mettent aussi sinon souvent, en encourageant les efforts physiques des personnes affectées par l’EM. 

Dans les faits, bouger au quotidien se révèle être important pour les muscles, pour l’oxygénation, et dans l’ensemble pour maintenir la forme. Pour une personne en santé, du moins.

Dans le cas des PAEM cependant, il est impératif de faire vraiment attention à ne pas dépasser ses limites.

Ce n’est pas par paresse ou par fantaisie que cette mise en garde existe, soit celle d’être vigilant et de ne pas dépasser ses limites quand on vit avec l'EM. Ainsi pour certaines personnes affectées,  le seul fait de se lever et de brosser ses dents constitue un effort intense qui peut les plonger dans une période de malaise post-effort des plus intense, et qui peut augmenter l’épuisement de telle sorte que la personne ne sera plus capable de faire quoi que ce soit pendant des jours.  Ce sont des cas extrêmes, c'est vrai, mais ils existent. Dans les faits, plusieurs d'entre nous vivent ces situations, et sont carrément invisibles. On ne les entend pas, on ne les voient pas et pourtant elles existent, péniblement.

Les PAEM ne sont pas en mesure de produire une énergie comme les autres personnes: cette anomalie est à prendre au sérieux, car elle conduit rapidement les personnes à s'épuiser et se retrouver ainsi en malaise post-effort profond pouvant durer des jours, des semaines voire des mois pour certains. Ces limites varient inévitablement d'une personne à l'autre, raison pour laquelle en tant que personne malade, nous devons être très attentif à ce qui se passe dans nos corps. 

Qu'est-ce que ça fait d'être aussi épuisé, d'être en malaise post-effort?  

Pour ma part, mon corps brûle de la tête au pied, comme une sorte d'inflammation généralisée. J'arrive difficilement à dormir, et les douleurs sont fortes, encore là de la tête aux pieds. À cela s'ajoute des pensées sombres qui s'accompagnent de sentiments très forts d'inutilité, et de confusion. Saupoudrez à tout cela une intolérance plus forte face aux bruits environnants, à la lumière, à la vie quoi, et vous aurez un tableau assez complet de mon allure.


La Fondation Workwell  


Sans tambours ni trompette, la fondation Workwell a publiée une lettre importante s’adressant aux médecins spécifiquement à ce sujet.

Basée en Californie, la fondation Workwell se consacre à l'EM, et a pour mission de se concentrer sur la recherche concernant les aspects fonctionnels de l'encéphalomyélite myalgique. La fondation vise à faciliter la compréhension des bases biologiques de la fatigue et de fournir des interventions thérapeutiques objectivement déterminées qui amélioreront la qualité de vie des PAEM.  Leur contribution unique consiste à éduquer les patients en collaboration avec des professionnels de la santé et du conditionnement physique.

En outre, on y retrouve Staci Stevens, une spécialiste en médecine sportive qui a développé toute une expertise en lien avec l’encéphalomyélite myalgique et l’exercice physique.

Pour revenir à cette lettre que je qualifie de majeure, les experts de cette fondation se prononcent résolument contre la promotion de la thérapie de l’exercice auprès des personnes affectées par l’EM, et explique succinctement les raisons de leur prise de position. La position de cette fondation rejoint aussi celle du Center disease d’Atlanta qui l’an dernier, discrètement, s’est aligné aussi sur cette même position.

Ces petites voix discordantes dans tout le lot de personnes qui poussent les PAEM vers l’activité physique sont importantes.  Les PAEM sont les personnes les mieux placées dans nos corps épuisés sans fin pour exprimer ce refus de suivre ces conseils pour le moins dangereux pour notre santé. Nous habitons ce corps depuis des années après tout...

Cependant, on ne peut se cacher que de vivre avec l’EM ET respecter à la fois ses limites physiques -et même les limites mentales-, constitue un sacré défi, et ce presqu’à chaque jour pour la plupart d’entre nous. Je crois même que c'est le défi de toute une vie.

Je vous encourage à imprimer cette lettre et à la faire lire à votre médecin ou au personnel médical: la position professionnelle de cette fondation est solidement ancrée dans une expérience de plus de 20 ans auprès des personnes affectées par l’EM.

Résistez aux conseils qui vous poussent à vous dépasser physiquement: c’est un réel danger pour notre santé. Nous sommes plutôt des anti-athlètes...

Récemment, il y a aussi eu un article médical qui appuie également cette position: dépasser ses limites physiques et se retrouver en crash ou malaise port effort causerait des dommages cérébraux: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S088915911730051. 


Voici la lettre de la fondation Workwell (traduction google). Pour la version originale anglaise (cliquez sur letter to health care providers) :  http://www.workwellfoundation.org/research-and-latest-news/. Tout juste à côté, il y a aussi un document intéressant sur le malaise post-effort.



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Mai 2018


Opposition à la thérapie par l'exercice graduel (TEG) pour l'EM/ CFS.


Chers fournisseurs de soins de santé,

Nous sommes très préoccupés par la promotion de la thérapie par l'exercice graduel (TEG) en tant qu'intervention pour l'encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique (EM/ SFC) [1]. Nos expériences de travail avec des patients EM/ CFS montrent qu'un exercice graduel visant à entraîner le système énergétique aérobie ne parvient pas seulement à améliorer le fonctionnement mais nuit à la santé des patients et ne devrait pas être recommandé.

La thérapie par l'exercice graduel suppose à tort que la fatigue et l'incapacité dues à l'EM / SFC résultent de l'inactivité et du déconditionnement [2]. Toutefois, l'exercice en tant que traitement semble contre-intuitif lorsque la caractéristique de ME / SFC est un malaise post-effort ou malaise post-effort distinctif, où même un effort physique ou mental minimal entraîne une exacerbation des symptômes et une diminution des fonctions [3]. ME / CFS ne déconditionne pas et ses symptômes ne sont pas expliqués par l'inactivité. C'est une maladie multisystémique complexe impliquant des altérations neurologiques, immunologiques, autonomes et du métabolisme énergétique [4]. La débilité dans ME / CFS est beaucoup plus grande que celle observée avec le déconditionnement [5].

Des études scientifiques ont démontré que même un exercice léger peut provoquer des symptômes d'EM / SFC [6]. Cette faible tolérance à l'activité physique est caractérisée par une transition anormalement précoce vers le métabolisme anaérobie [7]. Dans ME / CFS, le système énergétique aérobie ne fonctionne pas normalement. L'effort physique suscite une réaction si distincte que de nombreux chercheurs, y compris l'étude ME / CFS Intramural de l'Institut national de la santé [8] et le Centre de recherche ME / CFS de Cornell [9], utilisent l'exercice, non pas comme thérapie, mais comme moyen de aggraver la maladie pour qu'elle puisse être étudiée.


Les indications de dysfonctionnement métabolique de l’EM/CFS suggèrent que limiter l'activité soutenue chaque fois que possible est une approche thérapeutique plus raisonnable. Cela minimise le risque de rechute. Nous soutenons que l'écoute des patients fournit un soutien fondé sur des preuves pour les interventions qui aident plutôt que de nuire. Les programmes de gestion pour les patients ME / CFS doivent d'abord viser à réduire et à stabiliser les symptômes avant d'augmenter les niveaux d'activité. Nous pensons que cela est mieux réalisé grâce à une stimulation qui utilise des techniques de conservation de l'énergie qui tiennent compte des limites de fréquence cardiaque. Alors seulement, on peut entamer un entraînement minutieux du système énergétique anaérobie (c.-à-d. Améliorer la tolérance et la capacité du corps à éliminer le lactate tout en augmentant l'ATP dans le muscle au repos) [10].
Cette lettre est motivée par des inquiétudes concernant le danger potentiel pour les patients EM/CFS du GET. Les opinions exprimées ici reflètent les expériences de nombreux patients atteints de ME / SFC, que nous pensons bien soutenus par la littérature scientifique.


J. Mark VanNess, Ph.D. 

Todd E. Davenport, PT, DPT, MPH, OCS
Department of Health and Exercise Science Department of Physical Therapy
University of the Pacific University of the Pacific

Christopher R. Snell, PhD

Staci Stevens, MA
Scientific Director Founder, Exercise Physiologist
Workwell Foundation Workwell Foundation



References

1. Dannaway J, New CC, New CH, Maher CG. Exercise therapy is a beneficial intervention for chronic fatigue syndrome (PEDro synthesis). Br J Sports Med Published Online First: 05 October 2017. http://bjsm.bmj.com/content/52/8/542.

2. Burgess M, Chalder T. PACE Manual for Therapists. Cognitive Behavioral Therapy for CFS/ME. MREC Version 2. PACE Trial Management Group. November 2004. http://www.wolfson.qmul.ac.uk/images/pdfs/3.cbt-therapist-manual.pdf.

3. Bavinton J, Darbishire L, White PD. “PACE Manual for Therapists. Graded Exercise Therapy for CFS/ME.” MREC Version 2. PACE Trial Management Group. November 2004. https://www.wolfson.qmul.ac.uk/images/pdfs/5.get-therapist-manual.pdf.

4. Beyond Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome: Redefining an Illness. National Academy of Medicine. February 10, 2015. http://www.nationalacademies.org/hmd/Reports/2015/ME-CFS.aspx Page 86.

5. Beyond Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome: Redefining an Illness. National Academy of Medicine. February 10, 2015. http://www.nationalacademies.org/hmd/Reports/2015/ME-CFS.aspx Pages 83, 86, 100-106, 119, 148-152.

6. Tucker, M. IOM Gives Chronic Fatigue Syndrome a New Name and Definition. Medscape. February 10, 2015. http://www.medscape.com/viewarticle/839532 Page 86.

7. VanNess JM, Stevens SR, Bateman L, Stiles TL, Snell CR. “Post-exertional malaise in women with chronic fatigue syndrome.” J Women’s Health (Larchmt) February 2010; 19(2): 239-44. http://dx.doi.org/10.1089/jwh.2009.1507.

8. Snell C, Stevens S, Davenport T, Van Ness M. “Discriminative Validity of Metabolic and Workload Measurements for Identifying People With Chronic Fatigue Syndrome.” Physical Therapy November 2013; 93(11): 1484-1492. http://dx.doi.org/10.2522/ptj.20110368.

9. NIH Intramural Study on Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome. National Institutes of Health. https://mecfs.ctss.nih.gov/.

10. Ramanujan, K. $9.4M NIH grant funds chronic fatigue syndrome center. Cornell Chronicle. September 27, 2017. http://news.cornell.edu/stories/2017/09/94m-nih-grant-funds-chronic-fatigue-syndrome-center.

11. Davenport T, Stevens S, VanNess M, Snell C, Little T. Conceptual Model for Physical Therapist Management of Chronic Fatigue Syndrome/Myalgic Encephalomyelitis. Physical Therapy, April 1, 2010. Volume 90 (4) 602–614. https://doi.org/10.2522/ptj.20090047.

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 Pour approfondir ce sujet, voici quelques suggestions de lecture:

https://howtogeton.wordpress.com/2017/09/14/why-do-some-people-think-exercise-is-dangerous-for-people-with-me-and-cfs/


https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22181560

http://www.cfidsselfhelp.org/library/pacing-numbers-using-your-heart-rate-to-stay-inside-energy-envelope


jeudi 27 octobre 2016

Mauvais calcul

Je sirote une tisane de gingembre. Je me lève de ma sieste sacrée. Le décompte de mon état n'est pas bien réjouissant aujourd'hui, et pour cause: j'ai royalement pété mes limites. Je me sens en mille miettes. 

Lundi, je devais me rendre dans un organisme communautaire de mon quartier pour m'inscrire sur la liste de distribution de denrées de Noël du quartier. En principe, j'aurais dû avoir une voiture prêtée, mais ce ne fut pas le cas. Alors je me suis dit que je pouvais me rendre à pied question de ménager le budget serré, mais qu'au retour, je prendrai l'autobus et ne pas trop m'épuiser. 

Je me rends jusqu'à l'organisme et tout se déroule bien.  Je repars et une fois sur la rue principale au lieu de prendre le dit autobus, je me dis que je pourrais acheter des brocolis pour me cuisiner un potage.

Et c'est là que le problème débute....

Dans mon plan initial de déplacement, ce léger détour à l'épicerie n'était pas prévu. J'improvisais. Pendant que j'attendais mon tour pour payer, je me suis rappelée brièvement l'autobus. Une fois dehors, j'ai glissé les courroies de mon sac sur l'épaule, et je suis mise à marcher tranquillement sur le chemin habituel vers la maison. Ce n'est que quelques minutes plus tard que je me suis rendue compte que j'avais oublié de prendre l'autobus! 

Vraiment oublié.
Je me suis arrêtée. 
Que faire? 
Je prends le bus ou pas?
La maison était proche, et je ne voulais pas utiliser ma précieuse carte d'autobus alors que j'étais si près. En principe du moins. 

J'ai finalement continué de marcher.
Allez, tu peux le faire...
Je ne sais pas comment je suis arrivée jusqu'à la maison. 
Mon corps me semblait fait de plomb, de ciment ou de je ne sais quel autre matériau lourd. 

Chaque pas demandait une énergie folle.
J'avais l'impression de reculer et non d'avancer. 
J'ai fini par arriver à la maison, quel soulagement..... arrrrrrg!


Moi et mon cerveau embrumé...me reconnaissez-vous?


J'ai toutes les raisons de monde de m'en vouloir, croyez-moi. 
Surtout avec cet épuisement que je sens dans mon corps.   
Mais j'ai décidé que ce n'était pas utile.

Très faible
Coeur qui bat comme un fou
Difficulté accrue pour m'endormir
Douleurs au top (et les médocs aussi)
Faible comme un petit pou 
Pas d'humeur
Envie de rien  
Me sens en mille miettes

Un bon gros malaise post-effort comme je n'en ai pas eu depuis longtemps.
J'ai trop marché, trop forcé.
J'ai pété mes limites lundi.
Et jeudi, je suis encore en mille miettes bien "scrap"
Ça fait un bon bout de temps que je n'ai pas vécu cela mais cette fois, c'est fort.

Où est mon cerveau? 
Comment se fait-il qu'à l'épicerie, j'ai pensé à l'autobus mais qu'une fois sortie, l'idée s'est carrément évaporée? 
Je sais que les personnes affectées par l'EM ont de sérieux problèmes de mémoire.
Je place cette histoire dans ce même rayon, mais je suis intriguée par le fait que je n'ai plus pensé à l'autobus alors que je sentais bien comment la fatigue me gagnait.

Je me suis aussi demandée si ce n'étaient pas mes circuits neuronaux -dont Rick Hanson parle souvent- qui font que nous accomplissons des actions de façon automatique, qui ont tout simplement pris le relais, sans que je n'en prenne vraiment conscience. 

Bien sûr, on peut travailler ces circuits et en créer de nouveaux.

Sans en faire tout un plat, reste que cet épisode m'a préoccupée, questionnée. 
Je veux trouver des astuces pour ne plus me retrouver dans ce genre de situation.
Faut-il que je m'écrive un message avant de partir, et que je le relise pendant mon trajet? 
Peut être est-il temps de penser à instaurer un chrono quand je sors sur mon cellulaire, car je risque d'oublier ce que j'avais prévu? 

Quoi d'autre.....? 


J'aimais improviser "avant" que l'EM ne fasse partie de ma vie, mais ce n'est plus vraiment quelque chose de possible: il y a un risque élevé de me retrouver à court d'énergie, sans compter les effets néfastes sur mon état les jours suivants. 

Ce fut un mauvais calcul de ma part, en y ajoutant toutes les autres considérations.
Je ne perds pas espoir de trouver des trucs pour ne plus me retrouver dans ces situations. 

Emballée dans mes vêtements de laine, je me prépare à suivre un peu de télé de fin de journée. 
Une petite gâterie qui me permet de ne pas trop penser à la lourdeur de mon corps.

Et à mon moral, en forme aplatie ces jours-ci.

À bientôt,

Mwasi


P.S. Faites lire cette histoire à une personne qui ne connait pas l'EM. Il n'y verra que du feu, et se demandera comment on peut se retrouver aussi "scrap" JUSTE après avoir un peu trop marché. C'est fou quand même...