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mardi 4 juin 2024

Facture salée


"Tous les coûts sont dans la facture" -Jacques Pater


Ce silence s’explique par une facture salée. Une bien grosse facture à digérer.

À tort ou à raison, je perçois souvent les crash ou malaises post effort comme des factures à payer. Cette fois, la facture était élevée. 

Suite à ce magnifique séjour en forêt en avril, je me suis retrouvée en malaise post-effort, mais dix jours plus tard. C’est la première fois que je vivais un MPE différé aussi loin. 

Ce fut intense, difficile à vivre. 

Ce que je n’aime pas particulièrement quand je suis dans cet état, c’est non seulement la souffrance physique accrue qui s’exprime par une hausse importante des douleurs, mais surtout la souffrance morale qui l’accompagne. Quand je suis dans cet état, les idées sombres se pointent. Je pense à la mort, à la fin de ma vie, à cesser de souffrir de la sorte. Je ne pense pas au suicide, non. Je pense plutôt à l’aide médicale à mourir. Et je me demande comment il est possible d’endurer de telles douleurs et de se retrouver si mal en point? 

Dans ce tourbillon, je tente de garder le cap en me rappelant que j’ai déjà vécu cela. À de nombreuses reprises. Étant de nature optimiste en général, je tente de faire appel à ce stock de patience que j’imagine entreposé quelque part en moi. Stock de patience, et stock d’auto-compassion aussi. Je sais, c’est étrange de parler de « stock », mais c’est ainsi que je visualise ces qualités. J’imagine des collines verdoyantes, des fleurs, etc. : l’idée, c’est de mettre une image qui me parle…Ça m’aide à accepter ce malaise post-effort que je ne veux pourtant pas. Je lui laisse de la place. 

Je lui laisse de la place, même si ce n'est pas plaisant, même si je veux en sortir au plus vite. "Ce à quoi tu résistes, persiste." , disait je ne sais plus qui. Je ne veux plus résister, mais bien accepter que je suis mal en point. C'est ce qui coûte le "moins cher" pour moi, que de résister.

Je fais mon circuit lit-divan, divan-lit ou je m'assois quelques minutes dans ma petite cour. Je repense à ce qui me peut me faire du bien, me soulager, me soutenir. Ma table de nuit ressemble à une pharmacie: divers anti-douleurs à avaler, des gels anti-douleurs pour le corps, en passant par des crèmes et lotions en tout genre, selon les douleurs ressenties. Je m'accorde des petites douceurs si je peux, et c'est le moment idéal pour décongeler les petits plats que j'ai pu me concocter quand je vais mieux. Mais surtout, surtout.....j'ai un immense besoin de silence. De silence, de lectures.  

Aujourd’hui, je ne suis pas certaine d’être revenue à mon niveau initial, s’il y en avait un. 

Comme j’écrivais à une amie, les certitudes sont difficiles quand on vit avec l’EM. Je formule l’hypothèse que je ne suis pas revenue au niveau précédent, mais peut être n’est-ce pas le problème? Je l’ignore. 

Je peux seulement dire que ce voyage en avril a été merveilleux oui, ET qu’il a aussi été très coûteux à la fois, avec un gros malaise post-effort. 

La tentation serait grande de tout envoyer promener, et de ne plus rien surveiller, ce qui me mettrait encore plus dans les problèmes, n’est-ce pas? Cette vieille attitude rebelle ne me sers plus, et pire encore, elle ne me dessert pas, car cela irait fortement à l’encontre de ma santé dans tous ses aspects. 

J’ai décidé que suite à cette facture salée, qu’il n’était pas question de me reprocher ce séjour. J’ai aussi décidé, -même si j’ai des piles de document sur le sujet-, de me faire aider. J’ai fait appel à une ergo pour m’aider à mieux organiser mes activités pour ne plus me retrouver face à de grosses factures comme je viens d'en vivre une. 

J’en apprends encore sur l’EM. Même si cela fait près de vingt ans que je vis avec cette maladie. Cela n'empêche pas de me faire aider, cela va de soi.  

J’espère vous en parler davantage prochainement quand j’aurai débuté les rencontres le mois prochain. 

D'ici là, je vous souhaite un bel été rempli de doux moments de bonheur dans la nature si vous le pouvez. 

🌻


jeudi 9 novembre 2023

Ma relation au repos


Le repos est la base de toute activité. 
Le calme est la base de tout dynamisme -Sadhguru


Le dernier épisode de Glie Factory sur le pacing https://www.youtube.com/watch?v=_mDfPxQnOpU m’a inspiré d’écrire ce billet sur ma relation au repos. 

Cette relation a évolué au fil du temps, et surtout depuis que j'ai eu un diagnostic d'encéphalomyélite myalgique. Mais avant toute chose, je trace ici à gros traits les influences sur cette relation... 


Une petite histoire générationnelle

*Ma grand-mère maternelle est née en 1901. Elle s'est mariée à l’âge de 16 ans, et elle a eu 16 enfants, dont 13 vivants. Parait-il qu'elle menait la maisonnée comme un général d'armée. Entre autres, on m’a raconté que ses filles (dont ma mère) avaient toujours beaucoup de tâches de maison à accomplir pour satisfaire ma grand-mère. Si l’une d’elles avait le malheur d’être retrouvée assise sur le balcon à se reposer et à ne rien faire, elle était houspillée rapidement par ma grand-mère:  pas question de rêvasser, et de suite, elle trouvait des tâches demandant à être accomplies sur le champ tel que de la broderie, du repassage, lavage etc.

Rappelons-nous qu'à cette époque, l’église catholique avait une influence considérable sur la société québécoise. Entre autres, les curés prétendaient que de rester à ne rien faire était un réel danger : c’était dans ces moments que venaient les « mauvaises pensées » ! L'église a-t-elle forgé des hyperactifs, c'est à se demander...

*Ma mère a eu quatre enfants dont je suis l’aînée. Du plus loin que je puisse me rappeler, ma mère a toujours fait aussi beaucoup de choses à la maison. De ma perception, elle semblait être incapable de s’arrêter ou de se détendre : il y avait toujours quelque chose à organiser, à faire, à ranger, à cuisiner etc. Je me rappelle même que mon père lui disait souvent « viens donc t’asseoir, relaxe ». La voir assise sans rien faire tenait quasiment du miracle tellement elle s’activait constamment. Chaque minute semblait être occupée à quelque chose d’essentiel à faire. 

J’ai grandi dans une famille avec ces modèles de femmes fort occupées ou s’organisant pour être occupées. Qu'on le veuille ou non, nous subissons tous plus ou moins ces influences. Dans mon cas, j'ai eu la chance d'examiner le tout de près en thérapie: c'est fort instructif et intéressant de plonger dans ce sujet.

*Maman solo avec cinq enfants, je faisais mon maximum pour abattre le boulot à faire, comme une course à obstacles. Bien sûr, je vous accorde que s’occuper de 5 enfants, c’était du lourd, et il y avait beaucoup à faire. Il reste que même lorsque mes enfants ont grandi et sont parties, je ne pouvais ignorer que ma propension au repos était difficile. J’avais gardé dans mon corps et dans ma tête le mode "occupation maximale" comme ma grand-mère -excluant l’influence religieuse catholique-, et ma mère semblaient l'avoir fait, en étant pratiquement incapable de se reposer. Faire le maximum, tout le temps, c’était pas mal mon mode de vie. Pas le temps de me reposer, moi.

Ça, c’était avant l’arrivée de l’encéphalomyélite myalgique. 

En 2011, c'est le diagnostic.

Au début, j’étais incapable de comprendre ce qu’est exactement la maladie, et encore moins ce qu'était le malaise post-effort.
Physiquement et intellectuellement, je ne comprenais pas de quoi il s’agissait.
Une fois que j'ai commencé à saisir un peu de quoi il était question, je me suis mise à nier, en quelque sorte.

Alors je vivais encore en mode « faire le max » au début de la maladie.
Se reposer? Oui, oui, mais après que j’ai fini de faire ceci ou cela… 
Comme de raison, je me suis souvent retrouvée en crash. 

Je pousse, je suis en crash= douleurs, pleurs pour des jours et des jours.
Et on recommence, une fois que je revenais presque à la normale.
Je vivais alors à crédit ….et ma carte de crédit était pleine.

Jusque dans quelle mesure je prenais le repos au sérieux? Très peu. 
C’était une notion sur papier. Point.

Quelques années après le diagnostic, je commençais à mieux saisir de quoi il s’agissait. Mais ça m'a pris du temps, j'avoue.

J’ai réalisé que me reposer n’était plus une option, mais bien une obligation pour protéger mon corps épuisé. Il fallait me donner une chance, comme on dit au Québec. Lui donner ce repos, sous peine que mon corps ne plonge dans des abimes de douleurs et de symptômes de malaise post-effort pour des jours. Et avec le risque d'y rester coincée. 

Un des pièges que j’ai identifié chez moi, c’est la fameuse tendance à enchaîner sur ce que j’ai à faire. C’était logique : en voulant rentabiliser mon temps, j’enchainais les activités pour arriver à mon but, et me sentir satisfaite. 




Maintenant, c'est comment?

Plutôt que de mettre l’accent sur ce que je n’ai pas pu accomplir comme je le voulais, j’ai découvert que l’autocompassion est un outil fort précieux pour m'aider à travailler ma relation au repos. 

Faire preuve de compassion envers moi-même m’a vraiment aidée à avancer et à comprendre que c’est nettement mieux pour mon corps et mon esprit de m’accorder du repos, et ce dès que j’en ressens le besoin. Je ménage ma monture, dirait peut être ma grand-mère aujourd'hui, si elle vivait encore. 
 
Je me traite aussi moins durement. Je vois nettement comment j’exigeais beaucoup trop de moi, alors que mon corps avait un besoin irrépressible de détente et de repos. J'ai révisé mes exigences à la baisse....ouf, ça fait du bien. J’ai aussi réduit mes attentes face à moi-même. J’étais -et encore parfois- très exigeante envers moi-même, dépassant mes forces. 

« J’ai fait une petite partie de ce que je veux, maintenant je me repose. »

Depuis quelques mois maintenant, j’ai commencé à me parler à voix haute, seule chez moi. Je ne sais pas expliquer pourquoi, mais je sens que de me parler ainsi contribue à mon bien-être et aide mon cerveau. Pour nourrir le repos et l'autocompassion en moi, je me traite avec plus de douceur...


Mes petites phrases clés

"c’est assez pour aujourd’hui…tu en as assez fait."
"je suis contente (fière, heureuse, etc. ) de ce que j’ai pu accomplir. Le reste attendra" 
"je m’en garde pour demain ou après-demain"
"je reprends ça une autre fois"
"wow tu es bonne, tu t'es arrêtée à temps pour te reposer"
"hey body, comment ça se passe pour toi? As-tu besoin d’une petite pause? "

Comme je suis grand-mère, j’utilise même mon titre pour me parler : 

"ok mamie, là on s’arrête un peu"
"hey mamie, as-tu besoin d’une petite collation?"
"mamie a besoin de repos, là tout de suite"
etc....


Mes constats:  

-il y aura toujours quelque chose à faire, à ranger, nettoyer, etc. Ça ne manquera JAMAIS. Alors, j’arrête. Là, maintenant. 
-Parfois, j'ai un mental hyperactif, et un corps qui « processe » les douleurs et inconforts dus à la maladie. Que se passe-t-il dans ton corps aujourd’hui? Ok, aujourd'hui, on ne fait rien. Je me chouchoute, en toute douceur.
-j’ai encore des réactions de type enchainement, qui m’emmène loin des besoins de mon corps. À surveiller 
-Rester branchée sur ce qui se passe dans mon corps: je suis à son service, et non pas l'inverse. 

Ma relation avec le repos est plus apaisée maintenant. Reste que je surveille les  enchainements, surtout lorsque le plaisir est au rendez-vous. Elle est loin d'être parfaite, et j'y travaille chaque jour. J'approfondie actuellement l'autocompassion par des lectures dont je vous parlerai plus avant prochainement. 


Et vous, comment est votre relation face au repos? 

🌻


mercredi 29 mars 2023

Une nuit à l'urgence





Vivre une nuit à l’urgence quand on vit avec l'encéphalomyélite myalgique (EM), équivaut-il à envoyer une personne de 80 ans danser dans un rave toute une nuit? Ou grimper une énorme montagne pendant des heures sans aucun entrainement physique préalable?  

Je ne sais pas. Bien malgré moi, je cherche des exemples plus ou moins farfelus pour faire comprendre autour de moi comment ce type d’évènement est très rude physiquement et mentalement pour les personnes affectées par l'EM (PAEM).

Vivre une nuit dans une urgence est une expérience assez difficile à vivre pour le citoyen ordinaire. On le sait, l’urgence d’un hôpital n’est pas un lieu de tout repos, tant s’en faut. Le niveau de stimulus de toutes sortes est très élevé. Mais pour une personne affectée par l’EM, c’est une expérience qui relève du cauchemar et qui nous affecte très durement. 

Et que dire des impacts, quelques jours plus tard? 

***
 
« Allo René? Peux-tu m’accompagner à l’urgence, je ne me sens pas bien. »
 
J’appelle mon voisin et hop, nous voilà partis vers l'urgence de de l’institut de cardiologie de Montréal.  Quelques minutes plus tard, on me passe déjà un ECG puis on me branche à un moniteur cardiaque. Une de mes filles vient me rejoindre. Un visage connue et aimé, ça fait du bien. 
 
Même si selon elle, il n’y a rien d’inquiétant, la cardiologue du triage recommande que je reste en observation pour une nuit. J’accepte. On m’installe sur ma civière…ça bouge dans tout sens à l’urgence, comme dans toutes les urgences. Pour ajouter au chaos ambiant, on m’informe que l’urgence déménage dans quelques heures dans de nouveaux locaux. Une sorte de journée historique à venir pour tout le personnel (1).

18 :00 une fois dûment branchée à un super écran qui détaille tout, une infirmière vient me voir pour des prises de sang et le test covid. 
 
Je mange une pomme que j’avais apporté au hasard. Je ne demande pas de repas, je suis déjà trop épuisée. Tout ce que je veux, c’est m’allonger et dormir, même si je me doute bien que ce sera un sacré défi. 

Nous le savons tous, de simples rideaux de coton ne peuvent bloquer ni bruits ni lumières. Même avec mes bouchons performants, impossible de m’endormir. J’écoute tout, j’entends tout.  Les conversations, les bruits des appareils, les chariots qui roulent etc. Je fixe le plafond de mon petit espace, rêvant de ma chambre et de mon lit. Je respire doucement, essayant de faire le vide... je sais bien que les prochaines heures seront difficiles à vivre. 
 
21 :30 : Un cardiologue vient me voir. Je lui décris les sensations, lui montre mes valeurs cardiaques. Il m’ausculte…Est-ce un mauvais timing de ma part ou...? Dans tous les cas, je montre au cardiologue un document sur l’EM et lui dit: se pourrait-il qu’il y ait un lien avec cette maladie? 

Il jette tout au plus un œil et dit: « Moi madame, je traite le cœur. C’est ça que je connais. Je ne connais pas cette maladie. Je vais donc me concentrer sur ce que je connais, le cœur . » Il me redonne le document et il quitte. 

À ce point de la soirée, j’en viens même à douter de la pertinence d’être venue à l’urgence. N’étais-je pas mieux de remballer mes affaires et de rentrer chez moi? La réaction du cardiologue m'a dérangée, j'avoue. Je suis convaincue que mon état d’épuisement avancé et un sacré brouillard de cerveau me faisaient douter. Le bon sens l’a emporté : que l’encéphalomyélite myalgique soit connue ou pas des cardiologues de l’urgence, et que ce soit la cause ou non de mes malaises, il faut que mon cœur soit examiné de près. 
 
11 :30 incapable de m’assoupir. Est-ce parce que j’ai faim sans le ressentir? Dans tous les cas, je mange un muffin que j’avais pu emporter, assise sur ma civière. Je m'allonge à nouveau et j’essaie de respirer lentement et de me laisser aller…
 
3 :00  un grand bruit, deux civières plus loin. Une patiente, en voulant se lever, a fait tomber sa chaise d’aisance et tout son contenu… Je vous laisse imaginer le branle-bas de combat de bruits et de manœuvres en pleine nuit pour nettoyer les dégâts. 
 
Je me lève plusieurs fois pour aller aux toilettes, aveuglée par les lumières. Tant pis, je retourne m’allonger. Peu de sommeil dans le corps. Si je me fie à ma montre intelligente, il semble que j’aurais dormi environ 1 :30 cette nuit-là.
 
7 :00 sans surprise, j’ai des maux de tête, les yeux rouges comme un lapin, mais on s’en fiche. Tout ce que je veux, c’est VOIR LE CARDIOLOGUE et qu’on me dise ce qui se passe. 
 
8 :00 c’est la distribution du petit-déjeuner. Du pain, au départ rôti, est maintenant tout mou sous la cloche de plastique. On s’en fout. J’ai faim, je suis au-delà de l’épuisement. Quel est le mot plus fort que celui-ci, ensuite? 
 
Une infirmière m’avertit que le déménagement de l’urgence commence dans moins d’une heure. Sur ma civière, je déménage comme les autres patients vers la nouvelle urgence avant d’être vue par le cardiologue et d’obtenir mon congé. 
 
9 :00  on déménage. Une infirmière attrape mes effets et on se dirige vers la nouvelle urgence. Je serai la première patiente qui a utilisé la chambre 21 de l'institut. 

So what? Si les nouvelles urgences des hôpitaux du Québec sont comme celles-ci, alors nous sommes devant une évolution vraiment positive. Le poste des infirmières est entouré de chambres non plus séparés de rideaux, mais bien des chambres avec de grandes portes vitrées coulissantes. Ces portes coupent les bruits de façon vraiment notable. Une fois dans cette chambre et avec de meilleures conditions, c’est là où j’aurais probablement pu m’endormir. D’ailleurs, j’ai pu réussir à m’assoupir quelques minutes avant de voir le cardiologue. 
 
Finalement, le cardiologue a ajusté ma médication, effectués certains tests avant la sortie et prescrits d’autres tests plus poussés à faire dans les prochaines semaines.
 
12 :30 un dernier test signe ma sortie.  J’appelle un ami qui vient me chercher. Je n’attends même pas qu’il soit arrivé : je m’installe dehors assise dans mon déambulateur. Je respire à pleins poumons l’air frais qui me manquait tant depuis hier. J'ai tellement hâte d'arriver chez moi.

 


Retour à la maison


Abasourdie et crevée, je prends une douche et saute directement dans mon lit. Le lendemain, ma fille aînée est venue me visiter pour une heure. J'étais encore sous le coup de l'adrénaline des dernières heures et j'ai pu discuter un peu avec elle. Ça m'a fait un bien fou de la voir et de la serrer dans mes bras.
 
Les deux premiers soirs, j’ai dormi "presque normalement", c’est-à-dire 8 heures d’un sommeil de mauvaise qualité, celui auquel je suis habituée depuis tant d'années!

3 jours plus tard, ça y est : c’est le malaise posteffort et ses effets dévastateurs.

C’est là où personne ne nous voit ramer, du moins pour ceux qui vivent seuls comme moi.
 
-les muscles du corps qui brûlent
-appétit disparu 
-concentration et attention difficile
-maux de tête
-jambes qui tremblent
-forte intolérance aux bruits, lumières
-forte sensation de faiblesse, comme si j’allais mourir. Je répète: comme si j'allais mourir. 
-les yeux grands ouverts, JE VEUX DORMIR. J'y arrive difficilement: je suis électrique, survoltée
-difficulté à parler
-Brouillard cognitif fort 
-Intolérance plus élevée aux odeurs et parfums


Bien sûr, ce n’est pas la première fois que je vis un malaise post-effort de cette ampleur, aussi puissant. Mais c’est toujours une fois de trop, on s’entend. 

Une difficulté nouvelle s’est ajoutée, celle de parler. J’avais encore ma voix, mais parler me demandait un tel effort, comme si je manquais d’air pour arriver à la faire sortir. Je crois plutôt que c’était dû au malaise post-effort élevé. Je ne suis pas médecin ni scientifique, mais je soupçonne que ce problème pourrait être relié au nerf vague. 

En malaise post-effort, le corps est dans un état d’inflammation encore plus aiguë, et le nerf vague est certainement mis à très rude épreuve dans ces cas-là. Il essaie bien de remettre les choses en place dans ce corps malmené, mais le défi reste de taille. 
 
Comme un ordinateur, j’ai « fermé des fenêtres ». Réduction de lumière, de bruits, de télé, de stimulations. Pour quelques jours, pas d’appel, peu de texto, de télé, question de donner une chance à mon corps de récupérer. Dans ma petite cour remplie de neige, je me suis assise sur un petit banc pour faire un peu de cohérence cardiaque, question de m’oxygéner en même temps. De l'air frais pour mon système immunitaire et ma santé mentale. J'ai aussi usé le circuit divan-lit, lit-divan à gogo, même si dormir relevait du défi. S'étaler, c'est déjà ça.
 
Avec le recul, je sais que cette nuit à l’urgence m’a coûté très cher. Trois jours avant, j’avais eu un rendez-vous médical dont je n’avais pas encore récupéré, un épuisement qui s’est ajouté à ce qui allait venir. 

Je suis prise dans une sorte de malaise post-effort multicouches dans mon corps.
 
C’est maintenant devenu systématique pour moi, comme pour beaucoup de personnes affectées par l’EM : un rendez-vous médical égale un malaise post-effort à tout coup. S’il est vrai que c’est déjà difficile à vivre et à « aplatir » avec le pacing, il reste que des extra, comme cette nuit à l’urgence, viennent encore compliquer les choses pour les malades de l’EM. 
Ces extra coûtent chers et comportent aussi des risques : celui de rester « coincé » dans une phase aiguë, en bref, de rempirer la situation de santé déjà hypothéquée. 

La santé peut-elle s’hypothéquer davantage avec ces malaises post-effort à répétition? La réponse est oui.  (2) 

Je ne suis pas en état sévère, mais le risque est pourtant bien réel de s'y retrouver si je ne fais pas attention à ma précieuse énergie. L'idée n'est pas de vivre dans la peur (quoi que...), mais plutôt d'en être conscient et d'appliquer le pacing (3) le plus possible. Je ne vois pas d'autres manières de conserver le peu d'énergie physique. 

À elle seule, l’encéphalomyélite myalgique demande beaucoup d’énergie au quotidien, ne serait-ce que de composer avec les symptômes imprévisibles et une énergie sur laquelle on peut difficilement compter, car incertaine et instable. D’autres problématiques de santé s’ajoutent, alourdissant encore davantage la situation de santé. Je pense ici aux personnes affectées qui sont passées à travers un ou des cancers et bien d’autres maladies. 

Je relève lentement et péniblement de cette nuit. Je recommence à peine à reprendre le cours normal de ma vie. C'est fragile pour tout vous dire. 

Au moment de terminer ce billet, on vient de m'appeler pour me donner un rendez-vous à l'institut dans les prochains jours, un des tests à effectuer.  

J’espère au moins ne pas revivre une telle nuit de si tôt. Les coûts physiques et émotifs sont éminemment élevés. Je n’ai pas le moyen de vivre de tels coûts sans conséquences importantes sur ma vie. 

Je mise sur l'arrivée du printemps et de la douceur du temps pour me remettre encore mieux sur pied, si cela se peut.

🌻





dimanche 18 septembre 2022

Méli-mélo de l'automne



L'automne est un deuxième ressort où chaque feuille est une fleur 
-Albert Camus

Après un été somme toute assez calme et sans trop de grosses chaleurs, me voilà nez à nez avec l’automne. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, je sens comme si cet été a passé à grande vitesse. Il me semble qu’il y a peu, je m’amusais encore à arroser mes tomates ! Il semble que notre perception du temps serait liée à notre cerveau vieillissant, si l’on en croit cet article: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1159507/temps-perception-vieillissement-cerveau-traitement-images
 
Soudain, je suis aussi à rentrer les plantes du jardin qui reviennent prendre leur place dans la maison. Il y a tant de choses à faire : ranger d’autres objets, 
« fermer » le jardin. Puis il y a les vêtements d’été à ranger pour sortir ceux plus chauds, pour l’hiver.  J’aime l’automne, que dis-je, je l’adore. C’est le temps de l’air vivifiant et frais, des feuilles colorées qui s’envolent au vent avant de disparaitre. J’ai hâte d’aller me balader avec mon déambulateur et de porter mes polars douillets.
 
 
Sérénité mise à l’épreuve
 
Ces derniers jours ont été rudes. La belle sérénité s'est envolée pour faire place à un stress intense. Depuis quelques mois, il y a présence de rongeurs dans le bloc où j’habite et malgré une méthode artisanale du proprio, le problème a persisté. Dans une mise en demeure, j'ai expliqué à ce dernier les impacts sur ma santé avec un sommeil de 4 heures et l’appétit coupé de stress. Dans la même semaine, 4 rats ont été tués dans des pièges. Le proprio a finalement fait venir un exterminateur qui a pris les choses en main. Me voilà rassurée, du moins en partie. C'est un épisode qui m'a ébranlée, au point de songer sérieusement à déménager, même en sachant ce que cela signifie pour une personne EM, c'est à dire des montagnes d’épuisement et de malaises post-effort et les risques associés. 

Le mal est fait : gros crash.

 




Et la santé, ça va? 
 
Au travers de cette épopée, les rendez-vous médicaux en neurologie et le doc de famille. Depuis deux ans, je souffre de douleurs à la tête. On a cru que c’était la névralgie du trijumeau : il n’en est rien selon trois IRM. Le problème n’est pas dentaire ni neurologique, mais serait du domaine de la chirurgie maxillo-faciale. Je n'en ai donc pas terminé avec cette tête :)  

Toute une addition: rats et stress intense+ 2 rdv médicaux = super crash
 
Si je raconte tout cela, c’est surtout pour partager un constat qui n’a rien de révolutionnaire. Quand on vit avec l’encéphalomyélite myalgique, la marge de marge de manœuvre énergétique est très très mince que ce soit sur le plan émotif, physique et cognitif. C'est clair, j'ai très peu de marge de manoeuvre.  Tous ces événements ont demandé une grande quantité d’énergie mentale et physique comme je ne l’ai pas ressentie depuis des années. 
 
Gérer ce genre de situation est déjà difficile en soi, et si on y ajoute le fait de vivre avec l’encéphalomyélite myalgique, ça devient une catastrophe dont personne ne soupçonne l’étendue -sauf ceux qui savent ce que cela signifie. Séances de siestes à répétition avec peu ou pas d’endormissement, fréquence cardiaque instable et élevée, sueurs froides/chaudes, maux de gorge, intolérance à la lumière forte et aux bruits, etc.
 
Certaines personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique connaissent la 
« recette » pour calmer ce corps qui a trop donné : repos, réduction des appels et activités, etc. D’ailleurs, Millions missing France a publié un guide fort bien fait sur ce sujet : https://millionsmissing.fr/article9/pacing-1-partage-d-experience. L'AQEM offre aussi une section ressources très fournie et où on peut trouver passablement d'informations sur l'EM: https://aqem.ca/wp-content/uploads/2022/05/La-boite-a-outils-pour-eviter-les-malaises-post-effort.pdf

Je continue à réduire cette montagne d’épuisement, en accordant à mon corps ce dont il a besoin pour reprendre le chemin vers une énergie de base. J'apprend encore à gérer le malaise post-effort même après dix-sept ans à vivre avec l’EM. 
 
Vivre avec l’encéphalomyélite myalgique demande beaucoup de patience et de résilience. Quand je suis dans un creux de vague comme celui-ci, je m’en rends bien compte…
 
Je nous souhaite à tous un bel automne avec ses magnifiques couleurs. J'ai hâte de reprendre de l'énergie pour en profiter à plein. 

🌻


P.S. Une autre ressource sur le malaise post-effort, mais on le lie aussi à la covid-19: https://www.santemonteregie.qc.ca/sites/default/files/2022/01/fiche2_malaise-post-effort_covid-19.pdf
 
 

mardi 1 décembre 2020

Une expérience avec mon corps

 


L'idée trottait dans ma tête depuis au moins deux années. Je peaufinais les détails de ce que je ferais, quand, comment et toutes les étapes à suivre. 

Mon sac était prêt, n'attendant que ma décision. 

Avant le diagnostic d'encéphalomyélite myalgique, j'allais régulièrement nager mes 30 longueurs de piscine hebdomadaire. 
J'adorais nager et j'étais satisfaite de ma performance. 
En bonus, je sautais sur mon vélo pour revenir à la maison. 
J'ai peu à peu cessé d'aller nager, une fois que j'ai compris ce qu'était le malaise post effort que je ressentais de plus en plus fort. 

Mais l'idée de retourner dans l'eau ne m'a jamais quitté, à vrai dire.
Je me disais que c'était possible....si je faisais vraiment attention. 


L'expérience


Il y a de cela quelques temps, je suis allée dans une piscine près de chez moi. Comme nous sommes en pandémie, j'ai porté un masque pour entrer, et nous devons le conserver jusqu'au moment d'entrer dans l'eau. 

Assise sur le bord de la piscine, j'ai regardé l'heure: 10:39. 
Et je me suis imposée de sortir de là dans 10 minutes exactement. 
C'est le temps que je m'étais fixé pour ne pas que mon corps ne soit trop sollicité.





Je suis entrée dans l'eau.....oh le bonheur....!
La mémoire de mon corps a réagit rapidement: mes bras voulaient s'étirer pour nager, pour tenter un mouvement de brasse...

Mais je n'ai pas nagé. Non.
J'ai flotté lentement, en toute douceur.
J'ai souri aux lumières du plafond, trop heureuse de ce moment béni des dieux. 
Je n'avais pas à supporter le poids de mon corps...
Sensation merveilleuse que je tentais d'emmagasiner. 
Je voulais retenir le souvenir de ce moment de plaisir dans mon corps épuisé.

Le seul luxe que je me suis payé, c'est de marcher d'un bord à l'autre de la piscine, en maintenant mon corps dans l'eau pour ne pas avoir froid. 
Un seul petit aller-retour en fait, et très lent.

10:49 allez, on sort de là, que ça me plaise ou non.

Je saisis la rampe pour m'extirper de l'eau, oups....

Je n'avais pas prévu que ce serait aussi difficile pour moi d'en sortir, mais j'y suis arrivé. 

Mes bras sont sans force.

Une fois sortie, je prends mes affaires et je m'habille lentement. 

Comme nous n'avons pas accès aux douches, je me remballe et je refais le chemin du retour, soit une dizaine de minutes de marche. 

Une fois sortie dehors, je sentais comment les muscles de mon corps étaient tièdes et détendus, une sensation vraiment rarissime éprouvé chez moi. 

Je savourais ces sensations merveilleuses. Nous étions le matin.

C'est une fois au lit le soir, que le malaise post effort a commencé à se faire sentir. Mon corps s'est mis à brûler un peu partout, la fréquence cardiaque s'est élevée, et je sentais qu'à mes nerfs survoltés -je vous le donne dans le mille-, l'endormissement serait plus lent et difficile que d'habitude. 

J'ai dû m'endormir vers minuit si ma mémoire est bonne, moi qui m'endort généralement vers 19:00.

Comment ces sensations de bien être vécues dans cette expérience-piscine ont-elles pu se transformer en malaise post-effort? 

Ce n'est rien de le dire, mais l'effort a été fort probablement trop intense pour mon corps même si j'ai fait très attention à ne pas nager, et que j'ai même limité le temps. 

Il me faut revoir l'expérience en entier.
Réévaluer.
Découper chaque action pour y insérer davantage de pacing. 
Outre le temps limité dans la piscine, il semble que je n'ai pas prévu assez de temps de repos entre les actions, fort probablement. 

Aussi, il y a les facteurs aggravants dont je n'ai pas tenu compte tels que les bruits ambiants, les odeurs de chlore, le manque d'accès aux douches, le temps de marche pour me rendre, etc.

La piscine peut accueillir un maximum de 20 baigneurs, et ce jour-là, il y avait quelques enfants joyeux, mais bruyants pour moi. 

Peut être que cet élément a contribué, c'est à voir également.

Comme vous pouvez l'imaginer, les effets du crash ont continué les jours suivants. 
Je m'attendais à ce que mon corps réagisse, mais pas avec autant d'amplitude. 

Est-ce que je vais réitérer l'expérience-piscine? 
Oui, je vais le faire. 
Mais pas dans l'immédiat. 
Mon sac est toujours prêt, il n'attend que moi.

La prochaine fois cependant, je vais peut être esquiver la marche aller-retour vers la piscine, question de me donner une chance. 

Et prévoir plus de pacing, c'est clair. 

Je veux flotter encore...
Et sourire encore aux lumières du plafond de cette piscine :) 

🌻