Je suis une femme de 49 ans
atteinte de l'encéphalomyélite myalgique diagnostiquée depuis 2010.
Tout a commencé avec des râlements aux
poumons accompagnés de fatigue. Comme je
pensais avoir une pneumonie, je suis allée à la clinique médicale où le médecin
m’a envoyé à l’hôpital pour des tests.
Résultat : embolie pulmonaire.
Anticoagulants pour 6 mois et repos 2 semaines, ce qui ne faisait pas du
tout mon affaire.
Durant les jours
suivants mon état a empiré, l’hôpital m’a envoyé à Montréal pour
investigations. Résultat : rien,
les symptômes que je décrivais étaient impossibles, "reposez-vous et faites
des marches madame, c’est de l’anxiété’’.
Durant cette hospitalisation, mon mari m’annonçait qu’il partait
travailler à Val D’Or et ne reviendrait que les fins de semaine. Je reviens donc à la maison incapable de tout, même la douche
est pénible. J’avais alors 3
adolescentes à la maison dont une qui conduisait, heureusement, pour prendre la
relève de l’épicerie et du taxi-maman. Deux ans plus tard, cet homme me quittait du
jour au lendemain, sans avertissement.
J’ai fait une dépression majeure avec tentatives de suicide, et ce, malgré mon amour pour mes trois filles
adolescentes dont je m’occupais en permanence.
Avant la maladie, je pratiquais
et enseignais l’ostéopathie et j’étais
responsable de la recherche dans ce domaine. Je possède également un baccalauréat en ergothérapie. Je pratiquais le karaté, le ski alpin et je jouais
une heure de violoncelle par jour. La
famille est très importante pour moi, et je m’occupais de mes filles du mieux
que je pouvais malgré des douleurs chroniques au dos issues d’une septicémie en
2001. Avec le recul, je me demande si la
maladie n’a pas commencé bien plus tôt qu’en 2010 mais j’étais très active
malgré tout même en ayant diminué les heures de
travail.
L’encéphalomyélite myalgique
apporte avec elle une charge incroyable à tous les niveaux. Comme beaucoup d’entre nous, j’ai dû me
battre contre mes assurances et la première étape était de trouver un
diagnostic à mes multiples problèmes.
Heureusement, l’avocate que je consultais m’a référé pour une évaluation
privée avec un spécialiste de la fibromyalgie et de l’encéphalomyélite myalgique. J’ai reçu les deux diagnostics.
Il m’a fallu des mois avant d’accepter que
ces pathologies existent et que j’en souffrais.
C’est en lisant le consensus canadien sur l’EM que je n’ai pu me cacher
la vérité puisque j’avais tous les symptômes de l’encéphalomyélite
myalgique….Tout un choc. Pour moi, cela
a pris 3 ans sans salaire et $10000 avant d’être reconnue invalide par les
assurances privées qui m’ont ensuite envoyée en réadaptation. J’ai heureusement mis fin à ce programme
grâce à un malheureux événement. En
2014, ma maison a passé au feu et encore des problèmes avec les assureurs….J’y
ai perdu énergie, mon moral et $50000.
En raison de mes études passées,
je connaissais déjà les méthodes de gestion d’énergie et de douleur. J’ai aussi toujours été prévoyante et
organisée, ce qui m’aide beaucoup. Par
contre, psychologiquement, il est encore difficile d’accepter la maladie et les
limites. Avec le temps, je suis
maintenant en mesure de faire des repas et un peu de musique surtout depuis que
les enfants sont partis, ce qui a beaucoup diminué la charge quotidienne. J’ai eu la chance de rencontrer un nouveau
conjoint qui respecte mes limites et qui m’aide beaucoup, car à nous deux nous avons 5 enfants adultes.
Je dois faire une sieste chaque
jour et être extrêmement routinière. Je
peux faire de petites sorties avec préparation et récupération. Je peux même voyager si ma routine ne change
pas, donc sieste en milieu de journée et plus d’aide en tout genre (location de
fauteuil roulant, taxis etc.) et c’est beaucoup plus dispendieux ! Et ce serait
impossible sans mon conjoint, je l’avoue.
J’ai toujours une canne pliante avec moi et j’essaie de mettre mon
orgueil de côté et me faire pousser dans un fauteuil roulant au besoin. Afin de conserver mes facultés mentales, j’ai
suivi des cours universitaires par internet à mon rythme mais cela prend trop
d’énergie que je préfère garder pour la musique présentement. De
toute façon, pour accéder aux prochain cours je dois travailler…donc finito les
études!
La maladie est très difficile, car
très stigmatisée, inconnue et incomprise même par mon médecin de famille. Je ne vais même plus à l’urgence même si je
pense avoir une crise cardiaque…J’utilise mon diagnostic de fibromyalgie pour
parler aux gens car que je dise syndrome de fatigue chronique ou
encéphalomyélite myalgique, les gens me considère folle ou usurpatrice. J’ai tout essayé! De la médication aux thérapies alternatives
et même guérisseurs et autres miracles sans succès, toute les diètes ou presque. Beaucoup de temps d’énergie et d’argent pour
rien.
Donc ce qui fonctionne pour
moi : repos, vivre le moment présent, la méditation, la relaxation, les
Fleurs de Bach, mon conjoint actuel qui me dit ‘’calme toi, repose toi’’, la
musique, mes animaux, ne plus me soucier de diètes miracles et manger ce que
j’ai le goût et que je digère, accepter de prendre des médicaments pour la
douleur et l’humeur au besoin, ne pas avoir peur de faire une activité tout en
s’attendant à devoir arrêter.
Tranquillement,
je me trouve de nouvelles activités, j’ai mis une mangeoire à oiseaux que je
peux toujours voir de la table de cuisine et je me suis inscrite sur un site
d’identification d’oiseaux. La musique
est assez demandante cognitivement et physiquement. J’ai joué du piano jusqu’au Bac et j’ai appris
le violoncelle 7 ans avec plusieurs coupures.
J’ai recommencé le violoncelle il y a un an et depuis le début de ma
maladie, j’ai aussi commencé le chant classique de chœur. Je me suis équipée pour de la peinture et du dessin mais sans formation ou
cours. J’ai appris à tricoter par
internet ce qui donne des résultats mitigés….
Je suis encore en processus d’acceptation
et de quête d’identité. Passer de
professionnelle et super maman à la limace de sofa est très difficile pour
moi. Je ressens un grand sentiment d’inutilité,
moi qui ai toujours aidé tout le monde avec mon rôle de sauveur…J’ai aussi peur
du futur. Après quelques années, mon
état s’était amélioré mais tend maintenant à diminuer. Je pense aux pertes, celles passées, celles
présentes et celles futures comme l’incapacité de prendre soin de ma mère ou de
mes futurs petits-enfants.
Sommes-nous
ce qu’on est ou ce qu’on fait? Notre société axée sur le faire ne nous aide
pas, il faut absolument retourner à la base de qui on est avec nos valeurs, nos
qualités, etc. (difficile dans mon cas
de femme d’action), mais il faut tendre à notre moi intérieur même si notre vie
n’est que ça.
Myriam