Les faits saillants:
1) diagnostic EM en 2011
2) 2012: arrêt de travail
3) l'assureur verse quelques prestations, sous condition que je me soumette à des évaluations "d'experts". Une physiothérapeute et une psychologue diront que je suis "une comédienne qui acte ses maladies". Prestations coupées fin 2013. On me souhaite bonne chance pour la suite.
4) 2014: dépôt de ma poursuite en cour.
5) Je remporte ma cause en 2018 en règlement à l'amiable. Ça vaut la peine de mentionner que l'assureur a voulu régler 4 jours avant l'audience prévue en cour. Ce qui me fait dire que si je n'avais pas intenté cette poursuite, l'assureur aurait probablement continué à ne pas reconnaitre mon état et verser les prestations qui étaient dues.
Dans la cadre de cette poursuite, l'assureur a demandé à ce que je sois évaluée par un rhumatologue. Tout de suite après cette rencontre, je suis sortie du bureau et je me suis isolée pour écrire tout de suite le déroulement et les questions de la rencontre. Je voulais en profiter pendant que tout était frais à ma mémoire. Voici ce que j'avais rédigé à l'époque, le plus clairement possible.
Cela peut donner une idée du genre de questions que des experts peuvent poser. Pour les PAEM qui sont actuellement dans un parcours de justice, cela pourrait peut être vous donner un coup de main.
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Avril 2016
L’expertise s’est déroulée de 9 :00 à 10 :50, avec une pause d’environ 8-9 minutes. Je suis arrivée au bureau XXX vers 8 :30. On m’a demandé une pièce d’identité. J’ai signé le formulaire de consentement pour l’expertise puis je me suis assise dans la salle d’attente.
J’ai vu le Dr. XXX qui est passé derrière le comptoir de la réception pour demander en anglais, si j’étais arrivée. La réceptionniste a fait un mouvement de tête pour indiquer que je suis en face du bureau. Le Dre XXX a relevé légèrement les yeux pour me situer, puis il a demandé tout bas si j’ai signé le formulaire de consentement, la réceptionniste a répondu oui. Le Dr est reparti vers ses bureaux.
Quelques minutes plus tard, le dr. est venue me chercher dans la salle d’attente. Il m’a tendu la main pour la serrer. Je lui ai répondu que je ne serre plus les mains maintenant. Il a semblé légèrement surpris (très court), puis il m’a indiqué le chemin vers son bureau.
Une fois installés, le Dr a commencé à expliquer qu’il ferait une collecte d’informations avec des questions et que la rencontre allait durer deux heures. J’ai été étonnée, mais je n’ai rien dit. Alors qu’il allait parler, j’ai demandé s’il était possible d’éteindre les néons du plafond, trop fort pour mes yeux. Il semblait hésitant devant ma demande mais il s’est finalement levé et a fermé les néons. J’ai aussi demandé s’il était possible de fermer le calorifère, qui était très bruyant. Il a dit qu"il avait froid, et ne l’a pas fermé. Ce bruit m’a dérangé tout le long de la rencontre.
Il a débuté avec des questions. Il a demandé si j’avais des problèmes d’audition, car je lui ai fait répéter plusieurs fois des questions qu'il me posait. Il avait l’air contrarié par ces répétitions.
En vrac, voici les questions posées, avec certaines de mes réponses. À noter que les questions ne sont pas en ordre, mais selon mes souvenirs.
Q : question sur mon enfance (maladies)
Q : Parcours scolaire à partir du CEGEP jusqu’à l’université. A demandé quel était le lien entre une maîtrise en sciences de l’éducation et ma spécialité développé au niveau communautaire. J’allais répondre, mais il a enchaîné avec une autre question.
Q : Parcours professionnel à partir de 1991
Q : Description de mes dernières fonctions à mon dernier emploi.
Q :Demande si j’ai un médecin de famille (nouveau médecin) et pourquoi j’ai ce médecin maintenant, mais il ne me laisse pas le temps de répondre à sa question et enchaîne avec une autre.
Q : La santé de mes parents, frères et soeur.
Q : question sur mes relations avec mes filles (si elles sont bonnes etc).
Q : A demandé à quel âge je me suis mariée.
Comme je n’arrivais pas à faire le calcul mental (difficultés cognitives), j’ai pris mon cellulaire pour le faire et je lui ai répondu « 37 ans ». J’ai remis mon cellulaire dans mon sac à main. Le Dr m’a regardé et a dit d’un ton dur : « est-ce que vous n’êtes pas en train d’enregistrer, là? ». Calmement, j’ai repris le cellulaire et je l’ai déposé devant lui, en disant «vérifiez par vous-même, docteur ». Il n’a rien dit, n’a pas regardé mon cellulaire, et a continué à écrire. J’ai replacé mon cellulaire dans mon sac à main. Il a continué à poser ses questions comme si de rien n’était.
Q : Comment est mon moral ces jours-ci. A demandé si j’ai déjà fait des crises de panique, si j’ai déjà consulté pour des problèmes d’angoisse.
Q : A demandé s’il y a un jardin dans ma cour.
Q : Y a-t-il un animal à la maison, et à qui appartient-il ?
Q : A demandé où est situé mon logement, quelle en est la grandeur, avec qui j’habite, si j’ai de l’aide pour les tâches de la maison.
Q : Est-ce que je cuisine
Q : A demandé si j’ai déjà voyagé, pris des vacances à l’extérieur du Canada. Il a dit «vous n’êtes pas le genre de personne qui prend des vacances et voyage à l’extérieur ».
Q : Quels spécialistes je vois: fréquence de visites, ce qu’ils ont dit, qui a prescrit quels médicaments, pourquoi. A demandé qui avait signé le congé maladie actuel, et si c’est toujours le même médecin qui signe ce congé.
Q : Concernant le rhumatologue qui me suit: a demandé s’il a déjà proposé que je suive un programme de remise en forme. A-t-il conseillé des activités physiques? J’ai mentionné que mon médecin a augmenté un des antidouleurs, car douleurs plus fortes. La Dr a dit : « Donc ce dr. vous donne seulement des pilules ». Je n’ai pas répondu (tentative de provocation?)
Q : Question sur les symptômes actuels qui me dérangent le plus. Revient à plusieurs reprises sur cette question (ne semblait pas satisfait de mes réponses). J ‘ai demandé la permission de consulter un document sur mes symptômes qui était dans mon sac, en expliquant mes problèmes de mémoire. Il a refusé.
Q : Journée type : décrire ce que je fais toute la journée, heure par heure. Je faisais le récit, mais il avait l’air exaspéré, et il avançait plus loin dans ma journée pour poser d’autres questions avant même d’écouter la fin de ma réponse.
Q : est revenue à 3 reprises sur depuis quand je prends un antidouleur en particulier.
Examen physique
-Prise de pression, grandeur, poids
-Battements cardiaques, respiration
-Examen neurogologique (démarche, réflexes, yeux, joindre doigts, etc.)
-Examen rhumatolo (tender points, flexibilité des membres etc). Examen très douloureux, cependant je me suis retenue à plusieurs reprises de dire que ça faisait mal. Pour les points les plus douloureux, je me suis cependant exprimé avec des sons et en verbalisant (ex. cette région fait très mal etc).
Pour les examens, j’ai enlevé mes vêtements sauf les sous-vêtements et il m’a donné une chemise de papier pour me couvrir. Le Dre pliait mes membres d’une façon raide, sans douceur. J’ai mentionné à quelques reprises qu’il me faisait mal, ou je m’exclamais de douleur à certains moments. C’était un examen très pénible durant lequel j’étais très tendue. Le dr ne cessait de répéter « détendez-vous », à plusieurs reprises.
Q : À la fin de l’entrevue, a demandé où je me voyais dans 30 ans (mais qui en est capable?!!), comment je vois mon avenir, et si j’avais un but. J’ai répondu que mon but est de prendre soin de ma santé, que je veux vivre auprès de mes filles et petits-enfants, et les voir évoluer. Que mes rêves ont beaucoup changés depuis que je suis malade.
Q : A demandé comment j’ai fait pour travailler entre 2005 jusqu’à 2012. J’ai répondu que je me suis accrochée du mieux que j’ai pu à mon travail, sauf qu’en 2012, l’épuisement est devenu trop profond pour continuer à travailler.
A demandé pourquoi je ne serre plus les mains des gens, comme je l’ai fait en arrivant. J’ai expliqué que les gens ont différentes forces pour serrer les mains, et que ça me fait trop mal. Ai cité un exemple récent pour illustrer le propos. A demandé si j’avais d’autres intolérances. J’ai répondu intolérance aux parfums et aux bruits environnants que je traite avec le port de bouchons aux oreilles.
Il a déclaré la rencontre terminée et a écrit l’heure sur le coin de ses papiers.
J’ai dit « je suis épuisée » et je suis partie.
Mes commentaires
Le Dr. posait les questions rapidement, beaucoup trop pour moi. Quand je commençais à donner une réponse, je n’avais pas le temps de finir qu’il m’interrompait souvent avec une autre question à répondre. Je me demande jusque dans quelle mesure il ne faisait pas cela pour « m’étourdir » (réussi en tk) ou tester mes réactions. Je suis restée calme et je l’ai laissé aller. J’ai sentie que ses questions étaient souvent dirigées ou contenaient des informations qui laissaient supposer qu’il connaissait déjà les réponses.
Le fait que je ne lui ai pas serré pas la main en entrant a semblé le déstabiliser un court instant, car il est aussi revenu sur cette question à la fin de la rencontre.
À 9 :38, j’ai demandé une pause de quelques minutes. Je suis sortie environ 5-7 minutes des bureaux, puis je suis revenue. Avec du recul, j’aurais dû demander plus de pauses pour mon bien-être. J'étais vraiment trop fatiguée.
J’ai remis l'historique médical que j’avais préparé. Le dr l’a pris, mais ne l’a pas regardé devant moi.
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Avril 2022
Évidemment, je suis sortie de là épuisée. Il ne pouvait pas en être autrement!
Et sans surprise, le rhumatologue a conclu dans son rapport, qu'il fallait m'envoyer en réadaptation pour me retourner ensuite au travail. Dieu merci, mon avocat savait que ce médecin donnerait cette recommandation, et il m'en avait avertie. Paraît-il qu'il est reconnu pour promouvoir ces recommandations qui n'ont aucun sens face à l'encéphalomyélite myalgique, une maladie si invalidante.
Quand je relis ce document et que j'ai été là pendant deux heures (sans compter le transport), je ne sais pas comment j'ai fait pour tenir le coup physiquement et émotivement. Aujourd'hui, je serais incapable de faire cette rencontre sans devoir me reposer ou m'étaler quelque part, et plusieurs fois...
Ces façons de faire sont inhumaines et dévastatrices pour ceux qui les subissent. C'est le moins qu'on puisse dire. Horrible quand on pense qu'il faut passer par là pour obtenir ce à quoi nous avons droit, les assurés malades.
Aux PAEM qui luttent actuellement, je pense à vous, très souvent.
Je suis de tout coeur avec vous.
🌻
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