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vendredi 22 avril 2022

"Vivre avec l’EM, une histoire d’équipe" par Hélène F.


L’encéphalomyélite myalgique m’a pris une part de mon autonomie. J’étais toujours la première à donner un coup de main à mon entourage. Je savais l’importance de travailler avec et pour les autres, en collaboration. Mais il m’est plus facile d’aider que d’accepter d’être aidée. J’étais si fière d’être indépendante, de me débrouiller seule. Quelle illusion ! Il m’était même difficile de faire confiance. Mais j’ai appris à mettre ailleurs ma fierté. 

Je ne sors plus, les autres sont mes pieds, mes yeux, mes mains à l’extérieur. Ils sont aussi parfois mon cerveau quand je suis trop engluée. Je ne suis plus non plus capable de prendre soin de moi toute seule. Mais il faut continuer, avancer. 

Des auxiliaires de vie m’accompagnent au quotidien : elles m’aident pour la toilette, la cuisine, les courses, l’entretien du linge et de la maison. C’est très aidant, mais ce n’est pas suffisant, il y a tellement d’autres choses à faire : j’ai besoin d’aide pour des courses imprévues, pour du jardinage, pour des démarches bancaires, pour la poste, pour acheter des cadeaux pour mon entourage, pour m’accompagner à la dernière minute chez le médecin, pour aller en catastrophe à la pharmacie, pour m’acheter des vêtements, pour des conseils administratifs, pour m’aider à comparer des mutuelles quand je suis engluée…

Alors mes amis me sont essentiels. Ils complètent mes auxiliaires de vie, mais aussi ma fille, mon fils, mes voisins, mes proches. Leur regard soutenant m’a porté. Et il faut alléger la charge de ma fille avec laquelle je vis, l’aider à prendre son envol sans qu’elle ait peur de me laisser. La voir partir vivre sa vie sera ma fierté, tout comme son frère il y a quelques années. 

Moi qui ne savais pas solliciter de l’aide, j’ai appris à doucement demander. C’est peut-être finalement une preuve de maturité. La maladie m’a fait progressivement changer.  Et mes amis se sont mobilisés. Si certains se sont envolés, de simples connaissances se sont révélées des soutiens précieux et solides, et mes fidèles amis ont répondu présents. Tous sont aux petits soins !

Chacun a su doucement en toute simplicité trouver sa place, au rythme de mon aggravation, selon son temps, ses compétences, ses centres d’intérêt et sa disponibilité. Avec des personnalités variées : J’ai Dominique ou Roland qui m’accompagnent à des RV médicaux, parfois jusqu’à Angers. J’ai Fatima pour aller à la pharmacie en urgence. J’ai Fabienne qui me retire de l’argent au distributeur pour que mes auxiliaires puissent faire mes courses. J’ai la petite Zoé et ses parents qui me rapportent du bon pain bio de régime. J’ai Valérie ma fournisseuse attitrée de madeleines, mes petites gourmandises. J’ai Anita et Véronique pour des conseils douleurs ou d’ergothérapie si importants. J’ai Pédro qui vient jardiner. J’ai Claire et Philippe, mes spécialistes du bricolage. J’ai Jeanne pour ses conseils pour mon licenciement. J’ai ma cousine Anne-Dominique pour des avis financiers. Et je ne peux tous les citer. Partager la tâche pour alléger mon fardeau.
Ils ont su trouver une juste distance entre respect de mon intimité et de mon autonomie, et soutien précieux et aidant. Ils sont constants et biens présents. Je peux les appeler pour une aide matérielle ou juste pour échanger. Ils partagent mon intimité sans jamais rien révéler. 

Grâce à eux j’ai un jardin agréable, des courses nécessaires, des vêtements à ma taille, des conseils autour de la parentalité…J’évite de solliciter toujours les mêmes, j’essaie de faire tourner la nécessité de venir m’aider. Pour préserver et ne pas épuiser. Pour que toujours venir me voir reste un plaisir avec un lien d’amitié partagé. 

Cela a apaisé mes enfants et me rassure tellement. La présence fiable discrète de mes amis est un trésor si précieux ! Et ce ne sont pas seulement des aidants, ils sont bien plus que cela : Ce sont d’abord des Amis. Ils sont mes liens, ils sont ma liberté. Ils apportent l’extérieur à la maison. Ils sont ma bouffée d’oxygène. Ils me racontent leurs histoires, tout m’intéresse. Nous échangeons et ces liens me sont aussi précieux que leurs soins. Ils forment une équipe fidèle aux valeurs d’entraide, de solidarité, d’humanité que j’ai essayé de porter toute ma vie. 

Cette belle équipe s’organise, communique, et à mon grand étonnement les amis se coordonnent parfois même entre eux pour alléger ma tâche quand l’épuisement m’écrase, quand simplement parler m’est difficile, ou quand la charge émotionnelle devient trop lourde pour moi seule. Parfois ils se répartissent des tâches. L’équipe vit autour de moi, mais aussi sans moi, pour moi. C’est une chance infinie.

J’essaie d’entretenir l’amitié, de bien penser aux anniversaires, aux temps forts importants pour chacun. Toujours s’émerveiller et partager. Mes réflexions, mes lectures audios, mes contemplations, mes rêves. Surtout toujours remercier. Mais avec en tête que ce n’est pas totalement à sens unique. Je pense aussi leur apporter, d’une autre façon. Je me sens moins fragile à travers eux. Ils pallient ma vulnérabilité. Nous grandissons ensemble.

Cette équipe m’émerveille. Je voulais vous remercier.  Vivre l’EM est difficile, mais vous me l’allégez tellement ! Au fur et à mesure que la maladie m’atteignait, vous avez transformé ma vie. Je peux dire en tant qu’ancienne athlète que ma vie est devenue un sport d’équipe. Le sens de mes valeurs a changé. Mes amis, vous êtes de belles personnes. Vous m’avez fait grandir et je vous remercie.  C’est à vous et à mes enfants que je dédie ce texte. 

Je vous aime. 


Hélène F.
Massy, France
 

dimanche 6 juin 2021

Une amitié de quarante ans....qui résiste à l'encéphalomyélite myalgique.




« Un ami, c’est quelqu’un qui te connaît tel que tu es, qui comprend qui tu as été, qui accepte ce que tu es devenu, et encore, qui te permet de te développer.» William Shakespeare


J'aimerais vous parler d'une histoire d'amitié qui dure depuis bientôt 40 ans. C'est  mon amitié avec Gisèle.
 
Gisèle et moi sommes toutes les deux nées à l'été 1961, presque un mois jour pour jour. Je la taquine souvent en lui disant qu'elle est mon aînée. Nous avions toutes les deux 21 ans. Rien ou presque, pouvait nous destiner à être des amies. Je dis cela car nous avons toutes deux des personnalités bien différentes. Présentée l'une à l'autre par une amie commune, rien ne pouvait prédire que ce serait le début d'une longue amitié.

Et pourtant...

Gisèle a à peu près tout vu de ma vie. 
Elle a connu mes conjoints, vu naître toutes mes filles.
Elle m'a même accompagnée lors de mon dernier accouchement. 
De nature généreuse et accueillante, Gisèle  nous recevaient chez elle avec des repas gargantuesques dont on gardait longtemps le souvenir. Elle était et est toujours la "tante" de mes filles quoi qu'on en dise. 

Même mes petits enfants la connaissent bien. Elle fait partie de l'ADN de la famille. 
                                       
En 2011, le diagnostic d'encéphalomyélite myalgique est arrivée dans ma vie. Gisèle aurait pu s'éloigner ou même prendre ses jambes à son cou et fuir notre relation. Pourtant, il n'en est rien. Elle est restée. Depuis que je suis malade, elle est encore présente dans ma vie. 

Elle a choisi de rester.

Je le dis, car lorsque qu'on vit avec l'encéphalomyélite myalgique, nous perdons parfois, sinon souvent des amis et des relations en cours de route. 

Gisèle est une femme très observatrice. Quand nous sommes ensembles, elle sait avant moi-même que je suis crevée. Elle lit mon non verbal comme personne, et elle sait ce que parfois je ne sais même pas encore, dans mon corps. Qui dit mieux?

Elle connaît fort bien l'encéphalomyélite myalgique et la fibromyalgie.
À un point tel qu'on ne pourrait même pas soupçonner.




Gisèle travaille dans un organisme qui accueille des centaines d'immigrants par année. Dans la salle d'attente, elle voit une femme d'origine latino américaine qui pleure.  Elle s'approche et demande à la dame de la suivre dans son bureau. Une fois assise, Gisèle demande à cette femme pourquoi elle pleure. 

Gisèle la regarde de plus près et elle aperçoit ses yeux brillants de larmes. Mais elle y voit aussi autre chose: la maladie. Elle vient de reconnaître dans ce regard, et dans son visage, ce qu'elle voit aussi dans le mien depuis plus un peu plus de dix ans. Elle y a vu les douleurs, le manque de sommeil etc.

La dame explique alors qu'elle est malade, et que sa famille ne la croit tout simplement pas.  Et Gisèle de lui demander si, par hasard, elle n'aurait pas la fibromyalgie et/ ou l'encéphalomyélite myalgique. 

La dame a tout de suite relevé la tête en disant: "mais, comment vous savez ça?".
Gisèle avait vu juste. Effectivement, la dame souffrait de ces deux maladies invalidantes. Mon amie a tenté de la réconforter comme elle le pouvait.

Cette histoire m'a émue pour plusieurs raisons. La première est que cette dame était probablement en détresse du fait que les membres de sa famille ne la croyait pas malade. Comment ne pas être mal à l'aise si et quand nos proches ne nous croient pas malades alors qu'on est là sous leurs yeux, à souffrir? C'est difficile à vivre...Pourtant, je sais que cette dame n'est pas la seule à se buter à ce genre d'obstacles. Qui ne fait pas face à ce genre de difficultés, même parfois avec son propre médecin?

Le fait qu'elle ait rencontré Gisèle -qui avait perçu ses souffrances- a dû lui procurer, du moins je l'espère, ne serait-ce qu'un peu de réconfort et de soulagement. 

La deuxième raison, c'est que mon amie Gisèle ait été en mesure de reconnaître les signes visibles de ces maladies...et d'en parler ouvertement avec elle, même si elle n'est pas malade elle-même. 

Il est vrai qu'elle n'est pas médecin, mais il reste que son grand sens de l'observation avec mon propre cas, lui a permis de soutenir cette dame. Sa délicatesse et son grand sens du respect de l'autre ont fait le boulot.

À mon sens, ce n'est pas rien...Comment ne pas se rendre compte de la grande chance d'avoir une amie comme Gisèle, qui même à son travail, a été en mesure de percevoir la tristesse et le désespoir de cette dame incomprise? 

Je mesure ma chance aujourd'hui d'avoir une amie comme Gisèle à mes côtés. Depuis tout ce temps.

Et ce que j'aime particulièrement dans notre relation amicale, c'est que nous sommes libres.

Nous nous appuyons l'une sur l'autre si et quand besoin est. Parfois, c'est Gisèle qui a besoin de parler, de se confier. Je peux l'écouter sans juger. Et si même je n'ai plus l'énergie de nos vingt ans avec la maladie, elle est toujours mon amie.  

On se parle de tout et de rien.
On se parle de sujets plus importants.
Tout y passe....
On refait le monde chaque matin avec nos cafés respectifs.
On se rappelle notre jeunesse, notre ancienne fougue, nos sorties folles.
On se rappelle aussi quand j'allais mieux, et que ma vie était différente.
Je sautais alors dans un autobus pour lui rendre visite, tout simplement. 
Maintenant, je vis un autre vie.
Une vie plus lente, plus calme. 
Elle le comprend.
Elle l'accepte aussi, parfois mieux que moi-même.
Elle m'aide, me soutient, me conseille même souvent.

Je l'ai dit déjà, elle a tout vu de ma vie.
Même maintenant alors que l'encéphalomyélite myalgique gagne du terrain, lentement. 

Elle est encore et toujours là, Gisèle.

Je ressens une immense gratitude d'avoir encore cette amie dans ma vie.

Sachant que faire face à l'encéphalomyélite myalgique est déjà tout un défi pour nous les malades, je me sens privilégiée d'avoir la chance de vivre cette grande amitié. 

Merci à toi mon amie de faire partie de ma vie depuis 40 années 💜 

🌻


P.S. Un billet de 2016 où je parle de mon amie Gisèle: https://vivreavecem.blogspot.com/2016/03/une-histoire-vraie.html

 


lundi 16 février 2015

Un cadeau de Saint-Valentin

Alors, comment s'est passé votre fin de semaine?

Ici, elle fut très calme. 
C'est le mot d'ordre ces temps-ci: le calme.

Nous voilà au début d'une autre semaine.
Lundi matin plus que frisquet sur Montréal et sur l'ensemble du Québec.
Sous l'emprise d'un froid polaire sous forme d'un vortex, ce système tourne sur lui-même, nous emprisonnant dans des froids extrêmes autour de -30.

Peu de possibilité de sortir par un froid pareil.

Depuis environ un mois, je ressens un épuisement plus profond qu'à l'habitude.
Je me traine, je "force" à bouger ne serait-ce qu'un peu.
Mais je me suis rendue compte que j'ai développé la croyance que si je ne bouge pas un peu tous les jours, je risque de perdre le peu de capacité que j'ai...

Comme le disait une de mes filles, espérons que je ne resterai pas à cette étape là, que ce n'est pas là pour rester.

Dans ce contexte, sortir et marcher autour de la maison est à peu près ce que je peux faire de mieux présentement, avec l'énergie disponible. J'aimerais faire plus, sortir de la maison, sortir de la ville, changer d'air comme on dit. J'ai une vie sociale presque limitée au téléphone, que j'appelle affectueusement "mon facebook"!





Mes filles m'ont offert un très beau cadeau ces derniers jours: un billet aller-retour pour rendre visite à ma grande amie de Québec. 

Je me réjouissais d'y aller et j'aurais tant aimé voyager. 

J'ai pris le temps d'évaluer mon état sérieusement, d'en parler avec mon amie et mon entourage. Nous en sommes tous venus à la même conclusion: il me fallait reconnaître que pour le moment, je n'ai pas assez de force pour partir de la maison, sortir de la ville. 

Pour le moment, il est plus sage d'être prudente avec mon état actuel.  C'est donc partie remise. 

Mais je reviens sur ce cadeau qui m'a émue. Je me sens choyée d'avoir des filles aussi attentionnées à mon égard. Je me sens reconnaissante. Je ne suis pas seule. Je me sens soutenue, comprise et acceptée comme je suis. Et ce n'est pas tout le monde qui a cette chance, il faut bien le reconnaitre.

Merci mes belles. Vous avez un grand coeur!

Je vous laisse sur ces quelques lignes, en vous souhaitant d'être aussi bien entourée et aimée comme j'ai la chance de l'être...


Bonne journée,


Mwasi Kitoko