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mardi 12 avril 2022

Partage d'expérience: rencontre avec un expert embauché par l'assureur.

 


Parmi les expériences que peuvent vivre les personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique, dont celles qui poursuivent leurs assureurs, les rencontres avec des experts pour être évalué est une étape nécessaire pour pouvoir obtenir justice.  

J'ai vécu cette expérience à quelques reprises. J'ai pensé vous partager un de ces documents que j'ai rédigé à l'époque, suite à une rencontre avec un expert. Dans un deuxième billet à venir, je vous partagerai les conseils que j'ai obtenu pour ces rencontres.

Les faits saillants: 

1) diagnostic EM en 2011  
2) 2012: arrêt de travail
3) l'assureur verse quelques prestations, sous condition que je me soumette à des évaluations "d'experts". Une physiothérapeute et une psychologue diront que je suis "une comédienne qui acte ses maladies". Prestations coupées fin 2013. On me souhaite bonne chance pour la suite. 
4)  2014: dépôt de ma poursuite en cour. 
5) Je remporte ma cause en 2018 en règlement à l'amiable. Ça vaut la peine de mentionner que l'assureur a voulu régler 4 jours avant l'audience prévue en cour. Ce qui me fait dire que si je n'avais pas intenté cette poursuite, l'assureur aurait probablement continué à ne pas reconnaitre mon état et verser les prestations qui étaient dues. 

Dans la cadre de cette poursuite, l'assureur a demandé à ce que je sois évaluée par un rhumatologue.  Tout de suite après cette rencontre, je suis sortie du bureau et je me suis isolée pour écrire tout de suite le déroulement et les questions de la rencontre. Je voulais en profiter pendant que tout était frais à ma mémoire. Voici ce que j'avais rédigé à l'époque, le plus clairement possible. 

Cela peut donner une idée du genre de questions que des experts peuvent poser. Pour les PAEM qui sont actuellement dans un parcours de justice, cela pourrait peut être vous donner un coup de main.  

                                                    *****

Avril 2016

L’expertise s’est déroulée de 9 :00 à 10 :50, avec une pause d’environ 8-9 minutes. Je suis arrivée au bureau XXX vers 8 :30. On m’a demandé une pièce d’identité. J’ai signé le formulaire de consentement pour l’expertise puis je me suis assise dans la salle d’attente. 
 
J’ai vu le Dr. XXX qui est passé derrière le comptoir de la réception pour demander en anglais, si j’étais arrivée. La réceptionniste a fait un mouvement de tête pour indiquer que je suis en face du bureau. Le Dre XXX a relevé légèrement les yeux pour me situer, puis il a demandé tout bas si j’ai signé le formulaire de consentement, la réceptionniste a répondu oui.  Le Dr est reparti vers ses bureaux.
 
Quelques minutes plus tard, le dr. est venue me chercher dans la salle d’attente. Il m’a tendu la main pour la serrer. Je lui ai répondu que je ne serre plus les mains maintenant.  Il a semblé légèrement surpris (très court), puis il m’a indiqué le chemin vers son bureau.
 
Une fois installés, le Dr a commencé à expliquer qu’il ferait une collecte d’informations avec des questions et que la rencontre allait durer deux heures. J’ai été étonnée, mais je n’ai rien dit.  Alors qu’il allait parler, j’ai demandé s’il était possible d’éteindre les néons du plafond, trop fort pour mes yeux. Il semblait hésitant devant ma demande mais il s’est finalement levé et a fermé les néons. J’ai aussi demandé s’il était possible de fermer le calorifère, qui était très bruyant. Il a dit qu"il avait froid, et ne l’a pas fermé. Ce bruit m’a dérangé tout le long de la rencontre.
 
Il a débuté avec des questions. Il a demandé si j’avais des problèmes d’audition, car je lui ai fait répéter plusieurs fois des questions qu'il me posait. Il avait l’air contrarié par ces répétitions.
 
En vrac, voici les questions posées, avec certaines de mes réponses. À noter que les questions ne sont pas en ordre, mais selon mes souvenirs. 
 
Q : question sur mon enfance (maladies)
Q : Parcours scolaire à partir du CEGEP jusqu’à l’université. A demandé quel était le lien entre une maîtrise en sciences de l’éducation et ma spécialité développé au niveau communautaire. J’allais répondre, mais il a enchaîné avec une autre question.
Q : Parcours professionnel à partir de 1991
Q : Description de mes dernières fonctions à mon dernier emploi.
Q :Demande si j’ai un médecin de famille (nouveau médecin) et pourquoi j’ai ce médecin maintenant, mais il ne me laisse pas le temps de répondre à sa question et enchaîne avec une autre.
Q : La santé de mes parents, frères et soeur.
Q : question sur mes relations avec mes filles (si elles sont bonnes etc).
Q : A demandé à quel âge je me suis mariée. 

Comme je n’arrivais pas à faire le calcul mental (difficultés cognitives), j’ai pris mon cellulaire pour le faire et je lui ai répondu « 37 ans ». J’ai remis mon cellulaire dans mon sac à main. Le Dr m’a regardé et a dit d’un ton dur : « est-ce que vous n’êtes pas en train d’enregistrer, là? ». Calmement, j’ai repris le cellulaire et je l’ai déposé devant lui, en disant «vérifiez par vous-même, docteur ». Il n’a rien dit, n’a pas regardé mon cellulaire, et a continué à écrire. J’ai replacé mon cellulaire dans mon sac à main. Il a continué à poser ses questions comme si de rien n’était.

Q : Comment est mon moral ces jours-ci. A demandé si j’ai déjà fait des crises de panique, si j’ai déjà consulté pour des problèmes d’angoisse. 
Q : A demandé s’il y a un jardin dans ma cour. 
Q : Y a-t-il un animal à la maison, et à qui appartient-il ? 
Q : A demandé où est situé mon logement, quelle en est la grandeur, avec qui j’habite, si j’ai de l’aide pour les tâches de la maison. 
Q : Est-ce que je cuisine 
Q : A demandé si j’ai déjà voyagé, pris des vacances à l’extérieur du Canada. Il a dit «vous n’êtes pas le genre de personne qui prend des vacances et voyage à l’extérieur ». 
Q : Quels spécialistes je vois: fréquence de visites, ce qu’ils ont dit, qui a prescrit quels médicaments, pourquoi. A demandé qui avait signé le congé maladie actuel, et si c’est toujours le même médecin qui signe ce congé.
Q : Concernant le rhumatologue qui me suit: a demandé s’il a déjà proposé que je suive un programme de remise en forme. A-t-il conseillé des activités physiques? J’ai mentionné que mon médecin a augmenté un des antidouleurs, car douleurs plus fortes.  La Dr a dit : « Donc ce dr. vous donne seulement des pilules ». Je n’ai pas répondu (tentative de provocation?) 
Q : Question sur les symptômes actuels qui me dérangent le plus. Revient à plusieurs reprises sur cette question (ne semblait pas satisfait de mes réponses). J ‘ai demandé la permission de consulter un document sur mes symptômes qui était dans mon sac, en expliquant mes problèmes de mémoire. Il a refusé.
Q : Journée type : décrire ce que je fais toute la journée, heure par heure. Je faisais le récit, mais il avait l’air exaspéré, et il avançait plus loin dans ma journée pour poser d’autres questions avant même d’écouter la fin de ma réponse.
Q : est revenue à 3 reprises sur depuis quand je prends un antidouleur en particulier. 
 

Examen physique 
 
-Prise de pression, grandeur, poids
-Battements cardiaques, respiration
-Examen neurogologique (démarche, réflexes, yeux, joindre doigts, etc.)
-Examen rhumatolo (tender points, flexibilité des membres etc). Examen très douloureux, cependant je me suis retenue à plusieurs reprises de dire que ça faisait mal. Pour les points les plus douloureux, je me suis cependant exprimé avec des sons et en verbalisant (ex. cette région fait très mal etc).
 
Pour les examens, j’ai enlevé mes vêtements sauf les sous-vêtements et il m’a donné une chemise de papier pour me couvrir. Le Dre pliait mes membres d’une façon raide, sans douceur. J’ai mentionné à quelques reprises qu’il me faisait mal, ou je m’exclamais de douleur à certains moments. C’était un examen très pénible durant lequel j’étais très tendue. Le dr ne cessait de répéter « détendez-vous », à plusieurs reprises. 
 
Q : À la fin de l’entrevue, a demandé où je me voyais dans 30 ans (mais qui en est capable?!!), comment je vois mon avenir, et si j’avais un but. J’ai répondu que mon but est de prendre soin de ma santé, que je veux vivre auprès de mes filles et petits-enfants, et les voir évoluer. Que mes rêves ont beaucoup changés depuis que je suis malade.
 
Q : A demandé comment j’ai fait pour travailler entre 2005 jusqu’à 2012. J’ai répondu que je me suis accrochée du mieux que j’ai pu à mon travail, sauf qu’en 2012, l’épuisement est devenu trop profond pour continuer à travailler. 
 
A demandé pourquoi je ne serre plus les mains des gens, comme je l’ai fait en arrivant. J’ai expliqué que les gens ont différentes forces pour serrer les mains, et que ça me fait trop mal. Ai cité un exemple récent pour illustrer le propos. A demandé si j’avais d’autres intolérances. J’ai répondu intolérance aux parfums et aux bruits environnants que je traite avec le port de bouchons aux oreilles.
 
Il a déclaré la rencontre terminée et a écrit l’heure sur le coin de ses papiers. 
J’ai dit « je suis épuisée » et je suis partie.
 
Mes commentaires
 
Le Dr. posait les questions rapidement, beaucoup trop pour moi. Quand je commençais à donner une réponse, je n’avais pas le temps de finir qu’il m’interrompait souvent avec une autre question à répondre. Je me demande jusque dans quelle mesure il ne faisait pas cela pour « m’étourdir » (réussi en tk) ou tester mes réactions. Je suis restée calme et je l’ai laissé aller. J’ai sentie que ses questions étaient souvent dirigées ou contenaient des informations qui laissaient supposer qu’il connaissait déjà les réponses.  
 
Le fait que je ne lui ai pas serré pas la main en entrant a semblé le déstabiliser un court instant, car il est aussi revenu sur cette question à la fin de la rencontre.
 
À 9 :38, j’ai demandé une pause de quelques minutes. Je suis sortie environ 5-7 minutes des bureaux, puis je suis revenue. Avec du recul, j’aurais dû demander plus de pauses pour mon bien-être. J'étais vraiment trop fatiguée. 
 
J’ai remis l'historique médical que j’avais préparé. Le dr l’a pris, mais ne l’a pas regardé devant moi. 

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Avril 2022

Évidemment, je suis sortie de là épuisée. Il ne pouvait pas en être autrement!

Et sans surprise, le rhumatologue a conclu dans son rapport, qu'il fallait m'envoyer en réadaptation pour me retourner ensuite au travail. Dieu merci, mon avocat savait que ce médecin donnerait cette recommandation, et il m'en avait avertie. Paraît-il qu'il est reconnu pour promouvoir ces recommandations qui n'ont aucun sens face à l'encéphalomyélite myalgique, une maladie si invalidante. 

Quand je relis ce document et que j'ai été là pendant deux heures (sans compter le transport), je ne sais pas comment j'ai fait pour tenir le coup physiquement et émotivement. Aujourd'hui, je serais incapable de faire cette rencontre sans devoir me reposer ou m'étaler quelque part, et plusieurs fois...

Ces façons de faire sont inhumaines et dévastatrices pour ceux qui les subissent. C'est le moins qu'on puisse dire. Horrible quand on pense qu'il faut passer par là pour obtenir ce à quoi nous avons droit, les assurés malades. 

Aux PAEM qui luttent actuellement, je pense à vous, très souvent. 
Je suis de tout coeur avec vous.


🌻


*Prenez note qu'à l'AQEM, il est possible de parler à des conseillers qui peuvent vous aider dans vos démarches juridiques et médicales. Contactez l'organisme pour de plus amples informations. 


 


mercredi 23 octobre 2019

Une année après le règlement à l'amiable





Il y a un an exactement, moi et mon assureur avons signé un règlement à l'amiable qui mettait fin à une poursuite de près de cinq ans.

Au début de cette lutte en 2014, la haute gestion du syndicat à Ottawa recommandait que je soumette ce dossier dit litigieux auprès du comité national mixte (CNM) de la fonction publique du Canada. Les versements de prestations d'invalidité avaient alors déjà été coupées par l'assureur, et ce pour des raisons farfelues. Selon mon assureur, j'actais mes maladies, et j'étais aussi une comédienne qui s'ignore.

J'apprenais que ce comité en question reçoit les dossiers litigieux dans mon genre, mais sans toutefois avoir un pouvoir exécutif d'aucune sorte. En gros, même si mon assureur aurait été trouvé "coupable" de mal agir envers moi dans le cadre de ce comité, il n'y avait rien qui aurait pu forcer l'assureur à respecter ses engagements et donc à payer ce qu'il me devait. Même si j'étais très mal en point physiquement et mentalement en 2014, j'avais réussi à comprendre que le seul endroit au monde où mon assureur pouvait être forcé de me payer mon dû, c'était devant un juge dans un palais de justice. C'est ainsi que j'en suis venue à démarrer cette fameuse poursuite en 2014. Et aujourd'hui plus que jamais, je reconnais que cette poursuite était nécessaire pour en arriver la où j'en suis, car c'est bel et bien jusqu'à la dernière minute que l'assureur a tiré la couverture de son côté, pour négocier à la dure en plus, à quelques heures seulement avant l'ouverture prévu du procès. Il aura fallu l'épée de Damoclès des dates de procès fixé au-dessus de la tête de cet assureur pour qu'enfin, j'ai pu accéder à ce que à quoi j'ai cotisé pendant des années.




Un an plus tard, où en suis-je?

Les premiers temps après le règlement à l'amiable, j'étais un peu comme dans un état second. Je me sentais embrouillée, la tête dans le coton, fortement épuisée émotivement et physiquement. J'étais "sonnée" par la fin de ce méga tourbillon de cinq années, un peu comme une sorte de grand silence qui s'installe après des bruits trop forts.

Il me fallait revenir souvent à ce fait: la bataille est terminée. Pour vrai...

Même la nuit, je me réveillais et je me répétais cela. 

J'aurais souhaité célébrer avec ma famille et mes amis, avec un service traiteur, des bulles, du plaisir et des rires à profusion au travers de ballons colorés. Trop épuisée pour même envisager l'idée. Alors on a laissé comme ça...

Les mois suivants, les moments de contentement euphorie alternaient avec d'autres, plus sombres, où je me mettais à repenser aux frustrations cumulées, aux délais où nous aurions pu gagner du temps dans cette cause....Comme si je pouvais refaire le passé, le corriger. 

Je ressentais agressivité et colère envers l'assureur qui m'avait démolie, trop pressurisée alors que j'étais déjà si mal en point. Le détail culminant est lorsque j'apercevais de temps à autre le logo de l'assureur sur les immenses panneaux publicitaires de la ville. Là, j'explosais de colère, de rage. 

J'ai senti combien mon corps et mon esprit étaient noués, comme un poing fermé. Trop d'intensité de lutte pendant des années, ça laisse des traces et des blessures, et des lacunes énergétiques encore plus grandes, même si en étant affectée par l'encéphalomyélite myalgique, nous sommes déjà fortement hypothéqués de ce côté.

Je ne sais même pas comment j'ai pu, physiquement et moralement, passer au travers de cette épreuve traumatisante. 

Je suis sur un long et lent chemin pour arriver à me retrouver, et à retrouver le calme intérieur après avoir été autant "brassée". Et c'est loin d'être terminé.  À dire vrai, je n'en suis qu'au début.




Je consacre maintenant passablement de temps à prendre soin de moi, à refaire mes énergies mentales, morales et physiques. Je me fais un devoir de marcher dehors, beau temps mauvais temps. Je m'accorde du temps pour méditer, pour lire, et recevoir la visite de mes filles, petits-enfants et amis, si mon état de santé me le permet, et si je le veux, bien entendu.

Je me sens encore fragile par moments. Souvent même. J'apprends lentement à mieux gérer mes émotions pour arriver à mieux gérer encore mon énergie, une énergie plus précieuse encore que de l'or.

J'apprends aussi à lâcher prise, de plus en plus, et je l'espère, de mieux en mieux.  Et ce même en pensant à cette expérience de règlement à l'amiable.

J'exerce mon esprit aux petits moments de bonheur qui se cachent dans le quotidien: une nouvelle pousse d'une plante longtemps endormie, le sourire de mes petites filles bébés, l'appel surprise d'un ami ou juste le silence de mon appartement. Chaque jour, je vais m'assoir au parc près de chez moi. J'apprends à juste être là, à respirer lentement en regardant ce que la nature m'offre: des écureuils courant partout, des feuilles colorées emportées par le vent.

Même si ce n'est pas encore tout à fait réussi, mon esprit est de plus en plus libre, de plus en plus détendu. Et un esprit plus calme a de meilleures chances d'influencer un corps épuisé par toute une panoplie de symptômes qui ne lâchent pas, de jour comme de nuit. 

Lentement, je sens qu'il y a une reconnexion de chacun des fils qui me composent. Je sais que patience sera de mise, mais j'ai tout mon temps maintenant :)  

J'entrevois même un peu de ciel bleu, à l'horizon.

À ceux qui sont en pleine lutte juridique présentement, je vous dis: accrochez-vous, si vous le pouvez...

Chaque combat est unique, aussi vous êtes le seul juge de votre situation, avec votre avocat.

 « Sachez plier lorsque la résistance est vaine, mais ne rompez pas » -François-Rodolphe Weiss





Pour ceux qui aimeraient relire\obtenir plus de détails sur cet événement survenu en 2018:

https://vivreavecem.blogspot.com/2018/09/le-temps-des-recoltes-partie-1.html 

https://vivreavecem.blogspot.com/2018/10/)




lundi 22 octobre 2018

Le temps des récoltes, partie 2. (règlement à l'amiable avec l'assureur)





 « Sachez plier lorsque la résistance est vaine, mais ne rompez pas »
-François-Rodolphe Weiss


Dans la première partie, j’ai évoqué les étapes de mon parcours EM en lien et celui avec le domaine juridique et l'assurance invalidité. Comme plusieurs personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique, mon assureur ne voulait pas reconnaitre mon état de santé pourtant bien documenté. La poursuite a été intentée en 2014. C’est donc près de cinq années de lutte qui s’achève dans les prochaines semaines.

Comment raconter quatre années de lutte en quelques lignes?

Ce ne sera pas une grande surprise si je vous dis que j’ai vécu passablement de stress à partir du jour où l’assureur m’a informé qu’il coupait mes prestations. Ce fut la plonge. Une vraie plonge.

J’ai fait face à une perte importante de revenus. Sans prestations d’invalidité, je courais à droite et à gauche pour trouver comment faire, comment m’en sortir. Finalement, la seule solution possible a été de demander de l’aide sociale, l’aide de dernier recours. 

L’aide avant la rue, dans les faits.

L’épuisement physique et mental était déjà profond quand mon médecin a signé mon congé maladie. Mais avec cette situation de discorde avec l'assureur, l’épuisement n’a fait que gagner du terrain. Je ne sais même pas comment j'ai réussi à compléter les formulaires tellement j'étais mal en point. Je vivais dans une sorte de brouillard mental et physique, et pourtant, j'avançais à pas de souris dans ce deuxième congé de maladie. Quand on tombe en congé maladie, c'est la grande solitude! 

Personne du milieu de travail ou ailleurs pour nous aider à comprendre ce qu'on lit, et comment compléter tout cela correctement...

ON EST MALADE!

J’ai vécu de la panique, du désespoir, de la colère.
De la tristesse, de la rage, puis de la honte de me retrouver dans cette situation. 
Oui, oui vous avez bien lu....
C’est dire comment parfois on en vient à vivre des sentiments vraiment tordus.

À l’époque, je vivais avec deux de mes filles. Elles occupaient un emploi au travers de leurs études, et dieu merci, elles ont pu prendre en charge des frais, car le montant d’aide sociale ne suffisait pas à combler nos besoins. On s'est serré les coudes, j'ai vidé les comptes, le REER etc.

Une autre pièce du casse-tête financier s'ajoutait au tableau: comment faire face à mes créanciers? Plus de choix, j’ai dû soumettre mon dossier à un syndic de faillite, démarche qui me bouffait encore du fric. Je plie, encore et encore. 

Je brassais tellement de papiers et je me débattais tellement que j'avais l'impression de travailler à temps plein. Ma santé a déclinée encore dans cette période, et j’ai perdu beaucoup de poids en quelques mois, un des symptômes lié à l’encéphalomyélite myalgique. Même ma propre famille peinait à me reconnaitre et j'avais plutôt un look phase terminale.

J’ai fait la file dans les banques alimentaires pour nous approvisionner en nourriture. J’étais si mal en point que je sentais mon cœur battre comme un fou dans ma poitrine. Un épuisement qui ne se voit pas vraiment de l’extérieur, sauf pour ceux qui nous connaissent bien.

J’ai fait la file pour obtenir mon panier de denrées de Noël auprès de la banque alimentaire de mon quartier. Emballée dans mon manteau,  j’observais tous ces gens qui attendaient comme moi, d’avoir un petit butin pour les Fêtes. Nous avions en commun d’être tous pris à la gorge financièrement, sans compter le reste : peut être qu’eux aussi vivaient leur propre drame, qui sait. Le mien, je la gardais pour moi. Mon corps lourd de douleurs et d’épuisement ne m’a pas empêchée d’être reconnaissante de ce qu’on me donnait. À la fois, je vivais aussi beaucoup de tristesse et de colère. Comment ne pas en ressentir quand je savais que cette situation était profondément injuste?

J’ai serré les dents et je continuais d'avancer.

Pour être honnête, j’ai souvent pensé au suicide. Qui ne l'aurait pas fait? Je me demandais comment faire pour ne plus souffrir autant physiquement et moralement. J’ai eu de l’aide de mon entourage, j’ai été suivie par une travailleuse sociale.  J’ai réalisé que la souffrance morale et physique me conduisait à penser et à croire que je ne pouvais plus en prendre, comme on dit souvent. 

Ma cour était plus que pleine, elle débordait.  Je me suis raccrochée comme j’ai pu. Je me suis parlé. Je me suis raccrochée à mes enfants, mes petits enfants, mes amis. J’ai pleuré tout mon saoul, au moins pour les quinze prochaines années à venir.  

J’ai créé ce blogue pour écrire, et décrire ce que je vivais. Ventiler aussi, comme de raison, mais de façon raisonnée. En cours de route, je me suis rendue compte que mes écrits trouvaient écho auprès d’autres personnes vivant avec l’EM comme moi, ici et ailleurs dans le monde.

Retour à ma cause juridique 

Avec ma famille et mes amis, il y a eu mobilisation en organisant une collecte de fonds afin de m'aider à faire face aux frais minimum à payer. L’argent est venu de Rosemère, de Drummondville, de Québec, de l’Outaouais, Valleyfield, de Montréal, et même mes ex collègues de travail ont contribué. Même quelques PAEM qui discrètement, me glissait un dix dollars dans le creux de la main: je connaissais la valeur de ces dollars...Tant de générosité m’a touchée. Les gens voulaient contribuer à ma cause, et j’étais épaulée au travers de ces déboires avec l’assureur.  Nous avons ainsi réussi à amasser quelques milliers de dollars pour ma cause.

J’ai eu de l’aide, du soutien. Je n’étais pas seule même si dans le fond, on est tous un peu seul face à notre propre existence.

Le positif est que j’ai connu des gens que je n’aurais peut être pas connus autrement. J’ai découvert des personnes riches en expériences de vie, et qui ont cru en moi, et dans ce combat face à une compagnie d’assurance.  On m’a encouragé, conseillé et chouchouté aussi. Une amie est même venue chez moi avec son homme de ménage : elle m’offrait une session de nettoyage ménager.  Au delà de la joie incroyable de ce cadeau, je n’avais jamais vu mon appartement aussi propre! C’est un geste fort, vrai et qui parle beaucoup....

Si vous vivez avec l’encéphalomyélite myalgique, vous êtes en mesure de savoir comment c’est déjà difficile, éprouvant. Vivre avec un épuisement perpétuel nous contraint à mesurer précieusement chaque goutte de cette énergie vitale qui permet de vivre

Être malade de l’EM n’est pas vivre mais sur-vivre.  Ou même sous-vivre, si cela se peut.

Les combats du genre sont une source de stress incroyable, même pour ceux qui sont en santé. Alors imaginez ce que c’est lorsqu’on vit avec l’encéphalomyélite myalgique, et qu’il faut se battre, se tenir debout alors qu’on tremble de peur,  d’indignation et de colère?

Après tout, j’ai payé chaque sous que cet assureur a en main, et qu'il s'apprête à me verser. L’assureur s’est arrogé le droit de décider de couper mes prestations sur la base de mensonges qu’il a tourné comme il voulait pour justifier la coupure de fonds qui pourtant, sont bel et bien à moi.

Une entente à l’amiable est en cours d’évolution avec l’assureur.  J’aurais souhaité me rendre jusqu’au procès, mais après en avoir longuement discuté avec mon avocat et mon entourage, j’en suis venue à considérer qu’un règlement serait mieux pour moi moralement et physiquement. Il est temps de mettre fin à cette saga qui dure depuis trop longtemps.

Si je n’avais pas lutté, je n’aurais pas même accès à ce règlement.

J’ai fais le maximum que je pouvais faire, je crois bien. Il est temps de penser à moi. Il est temps de me soigner encore mieux, et de reprendre le cours de ma vie.

Comme le disait Hemingway, « Nous devons nous y habituer : aux plus importantes croisées des chemins de notre vie, il n’y a pas de signalisation ».

J’ai bien cherché des panneaux, croyez-moi. Mais je pense que le plus important à considérer dans tout cela, c’est de décider ce qui est le mieux pour moi. Je suis la seule personne à pouvoir décider de la suite des choses.

Alors pour le moment, je laisse la vie dérouler son fil, et je fais face à la courbe qu’emprunte le chemin. C’est le temps des récoltes...

On verra bien pour la suite :)

🌻

Note: Le règlement à l'amiable a bel et bien été négocié et accepté à mon avantage.  À noter que l'assureur s'est décidé à négocier 4 jours avant les dates de procès fixées par le tribunal...Encore une fois, si je n'avais pas déposé cette poursuite contre l'assureur, je n'aurais rien eu de sa part même si j'étais mourante! 


samedi 29 septembre 2018

Le temps des récoltes, partie 1




Je reviens tout juste de prendre un peu l’air du dehors. Le temps est doux et propice à la marche. Dans mon quartier, les gens se promènent tantôt affairés et concentrés tandis que d’autres ont l’air de prendre tout leur temps.

Il y a trop longtemps que je n’ai pas fait signe de vie sur mon blogue. Alors, où étais-je tout ce temps?

Je suais ma vie! Difficile de parler de l’été 2018 sans parler des canicules qui ont frappées plusieurs pays de l’hémisphère nord.  Cette chaleur étouffante a affectée passablement de personnes au Québec et ailleurs au point d'avoir plusieurs décès. 

Je n’ai pas été épargné non plus : insomnies fréquentes, manque d’énergie encore plus criant, assommée par l’humidité et la chaleur.  Ce genre de température équivaut presqu’à une tempête de neige pour moi, car tout comme une tempête, je reste tranquille à la maison en tentant de me rafraichir du mieux possible. Mon humeur est aussi fortement affecté par cette chaleur infernale. 

Le gout d'écrire s'était carrément évaporé! 😡

Après des semaines de recherches fastidieuses sur le net, et quoi encore,  j’ai fini par me dénicher un logement qui répond exactement à mes besoins. C’est quasi un miracle quand on sait qu’à Montréal les logements vacants sont peu nombreux, et souvent trop chers. En soi, chercher un logement trouver un logement n’a rien de plus banal. Mais ça va si vite! Les annonces fusent de partout, et je n’avais pratiquement pas le temps de visiter un logement qu’il était déjà pris… Depuis que je vis avec l’encéphalomyélite myalgique, je sens un réel ralentissement de mes capacités cognitives : je me sens comme si j’ai 80 ans et non pas 57. Dans ce contexte, chercher un logement devient un réel exploit à moins d’avoir de l’aide de ses proches comme ce fut mon cas. Étrangement, c'est quand même moi qui l'ai déniché.

Contre toute attente, j’ai fini par trouver mon nouveau nid, et j'en suis très heureuse. Ensuite, j'ai ramassé des boites à gauche et à droite pour emballer mon pactole.

Je sais que plusieurs lecteurs ne connaissent pas nécessairement mon parcours en lien avec l’encéphalomyélite myalgique, et pour mieux comprendre ce que j’écris, j’ai pensé faire un résumé en quelques points des principaux évènements de ma santé.

Note : j’ai volontairement esquivé les aspects psycho-sociaux de ce parcours pour ne pas alourdir la lecture. J’en parlerai dans la deuxième partie de ce billet.


Mon parcours médical et juridique

1. 2007 : Je suis en congé-maladie. Diagnostics retenus : apnée du sommeil, syndrome des jambes sans repos. J’ai une CPAP pour l’apnée et je suis suivie en neurologie. Je suis vraiment mal en point, je ne vais pas bien.

2.   2010 : Retour progressif au travail pendant 6 mois. Une fois à temps plein, je suis si épuisée que je peine à terminer ma semaine de travail. On me recommande une journée de télétravail par semaine pour me soutenir. Je doute sérieusement que ma santé va mieux : il y a autre chose, mais quoi? 

3.2011:Rendez-vous en rhumatologie. Diagnostics retenus: fibromyalgie et encéphalomyélite myalgique. Je suis très ébranlée mais soulagée : au moins je sais maintenant avec quoi je vis. Et non, ce n’est pas dans ma tête... Je continue de travailler, mais l’épuisement profond gagne du terrain. Je rentre du travail et m’écroule dans mon lit jusqu’au lendemain. J’essaie de tenir, tenir…Je me demande jusqu’à quand je pourrai tenir le coup. J’utilise régulièrement mes journées de vacances comme journées maladie à chaque semaine.  Je n’ai plus de congés dans ma banque.

4.   2012 : Je représente le bureau dans un évènement international. Après deux jours, je rentre subitement chez moi, incapable de tenir debout, complètement épuisée. Je ne savais pas que je venais de vivre mon dernier jour de travail à vie.

5.  Mes médecins complètent une demande de congé maladie pour mon employeur et l’assureur. Les revenus chutent brutalement. Avec mes deux de mes filles, nous vivons des revenus du chômage, le temps que les assurances prennent le relais. Une transition difficile pour tous. Je suis si mal en point et si épuisée que je peine à comprendre les nombreux documents à compléter.

6.   2013 : Contact avec mon délégué syndical car je sens que quelque chose cloche avec l’assureur. Il tarde à verser les prestations auxquelles j’ai droit. Après de multiples contacts et une plainte à l’ombudsman, l’assureur verse rapidement quelques mois de prestations sous condition que je me soumette à une évaluation en physiothérapie et en psychologie. Il y avait anguille sous roche, effectivement.

7.  Je rencontre deux professionnelles embauchées par l’assureur. Dans leur rapport,  elles ne retiennent aucun diagnostic confirmant la fibromyalgie et l’encéphalomyélite myalgique (à noter: seul les médecins ont le droit de poser un diagnostic). Pire encore, elles prétendent que je ne suis pas malade, et que « j’acte» mes maladies.  Sur la base de ce rapport, l’assureur m’informe que les prestations sont coupées. On pousse même l’audace jusqu’à me souhaiter bonne chance pour la suite…

8.   Je rencontre un avocat spécialisé en assurance invalidité. À la lecture du rapport, il est catégorique : c’est « un torchon ». Nous convenons qu’il est dorénavant mon avocat. Par chance, ce bureau d’avocats offre d’être payé plus tard lorsque la cause est remportée par le plaignant. Sinon, comment me défendre et surtout, avec quel argent?

9.    2014 : la requête est déposée au palais de justice de Montréal.  Sans revenus, je fais une demande d’aide sociale pour subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. Assez rapidement, le médecin de l’aide sociale me déclare inapte au travail. Je dépose aussi un bilan de faillite auprès d’un syndic, incapable de payer mes créanciers. C’est la débandade partout : ma santé, ma vie….

Je complète une demande d’invalidité auprès de Retraite-Québec (gouvernement du Québec). Ce dernier déclare que les preuves de maladie ne sont pas suffisantes. Je demande une révision de la décision.

Dossier juridique : s’ensuit toutes les étapes habituelles dans ce type de procédure. Dépôt de l’échéancier, interviews de part et d’autre, rencontres d’experts etc.  

2016 : L’assureur propose une conférence de règlement à l’amiable (CRA). C'est un échec, pas d'entente entre les parties. L’assureur propose un autre scénario de règlement en 2017, qui est rejeté. L’offre est insuffisante.

2017 : Mes filles quittent le logement, les revenus chutent : déménagement. Je vends, trie, donne mon matériel. Je loue dans une maison de chambre du printemps 2017 jusque fin aout 2018. Mon employeur me déclare invalide à vie, ce qui me donne droit à ma retraite médicale. Mes revenus remontent un peu mais pas suffisamment pour avoir un logement. Au palais de justice de Montréal, mon avocat dépose mon dossier, et les dates de procès sont fixées pour l’automne 2018.

2018 : Retraite-Québec m’envoie en expertise. L’expert me déclare invalide à vie. 

Malgré cette reconnaissance importante de mon état de santé, l’assureur n’a pas bougé et est resté sur sa position.

Je perçois deux sources de revenus : ma pension invalidité du travail et la prestation invalidité du gouvernement du Québec. C’est ce qui m’a permis de quitter la chambre dans laquelle je vivais depuis 18 mois.

La suite? Eh bien nous attendons toujours une réponse de l’assureur à quelques jours du procès. Tout est en place. Une longue télésérie qui peut être, pourrait se terminer très bientôt. 

C’est à suivre..

Dans la deuxième partie à venir, je parlerai des aspects psycho-sociaux de cette période. 

Quand on vit des moments difficiles comme en vivent les personnes affectées par l’EM, il est normal et courant de chercher comment faire pour continuer à vivre avec cette maladie des plus difficile à comprendre, mais aussi et surtout à vivre.  Il est normal de lire ou s'intéresser à ce que les autres ont vécu, car cela nous aide parfois à envisager les choses différemment.

Je suis comme vous. 

Au début de ma maladie, et ensuite du combat pour que l’on reconnaisse mon invalidité, les témoignages que j’ai entendu m’ont soutenue, rassuré et m’ont aussi inquiété. Chaque histoire est unique, bien entendu. Si la mienne peut vous aider ou aider un proche, alors je n’aurai pas écrit ou vécu tout cela pour rien. 

Le temps des récoltes est venu.  Et il ne se passe pas que dans les champs et les marchés publics! 😉


Au plaisir de vous retrouver bientôt,

Mwasi  🌻