lundi 10 mai 2021

Témoignage: "Je venais de vivre mon dernier jour de travail à vie sans le savoir".


Avant de vous parler de l’arrivée de l’encéphalomyélite myalgique dans ma vie, laissez-moi vous parler un peu de moi. 
 

Je suis maman de cinq femmes adultes et je suis aussi grand-maman de dix petits enfants en pleine santé. 


J’ai complété une maitrise en science de l’éducation à l’Université Laval qui m’a amenée à me spécialiser sur la problématique du VIH-Sida. J’ai travaillé dans le monde communautaire comme intervenante sociale et formatrice pour finalement faire le saut au ministère de la santé du Canada. Entre 2001 et 2012, j’ai travaillé à Montréal puis à Ottawa comme conseillère. Je travaillais étroitement avec les organismes communautaires canadiens en les soutenant dans la conduite de leurs projets. J’adorais mon travail car il était valorisant, payant et très stimulant. 


J’étais aussi une femme pleine d’énergie et active. Je marchais plusieurs kilomètres par semaine,  je faisais du vélo, de la natation, et je me donnais à fond dans tout ce que je faisais. Et ma prochaine étape professionnelle était toute tracée dans ma tête: j’allais travailler à l’international dans peu de temps. 

 

En 2005, mon corps a commencé à envoyer des signaux de détresse lors d’un voyage de travail. Je ne pouvais me mettre debout sans perdre aussitôt connaissance, et une fois hospitalisée sur place, les médecins n’ont rien trouvé. Tous les tests se révélaient normaux. En 2007, on me diagnostique le syndrome des jambes sans repos, et l’apnée du sommeil. Suivie en neurologie, je demande à voir aussi un rhumatologue. Je sentais qu’il se passait autre chose dans mon corps. Mais quoi?

 

Et j’avais raison. 


 



En 2011, ma vie bascule lorsque le Dr. Favreau m’annonce que je suis affectée par la fibromyalgie et l’encéphalomyélite myalgique. Ce fut un choc, difficile à décrire.  D’un côté, je savais enfin ce que j’avais, mais de l’autre, j’étais effondrée face à cette nouvelle. Les questions tournaient dans ma tête : comment faire pour continuer à travailler, avec cet épuisement aussi intense? Je ne cessais de me dire que je n’avais pas fait toutes ces études pour rien! Il me fallait bien gagner ma vie.  

 

Je ne saisissais pas encore toute l’ampleur des diagnostics que j’avais reçus. Mais j’ai serré les dents pour continuer à travailler. Pourtant, l’épuisement ne faisait que gagner du terrain, jour après jour. Je faisais aussi ce qui était « socialement acceptable », c’est à dire forcer, forcer encore et se rendre au travail, même crevée. 

 

J’ai cherché des solutions pour m’accrocher du mieux possible. J’ai obtenu un jour semaine de télétravail pour m’aider à tenir le coup. Mais très vite, j’ai compris que ce ne serait pas suffisant.  Alors j’ai dû ajouter des jours de congé pigés dans ma banque de vacances, n’ayant plus de congés maladie. Malgré ces pirouettes administratives, mon état de santé ne faisait que s’aggraver. Le soir, j’entrais du travail, je mangeais une bouchée puis j’allais au lit à 19 :00 pour arriver à tenir encore le coup le lendemain. Tenir le coup, c'est bien relatif avec l'EM...

 

Fin septembre 2012, je représente le bureau dans un évènement international. Deux jours plus tard, je rentre chez moi épuisée, en larmes, incapable de tenir debout. Je venais de vivre mon dernier jour de travail à vie. Sans le savoir.


M’accrocher ainsi comportait un prix très élevé à payer: ma santé s’est aggravée encore plus profondément. J’ai subitement perdu tellement de poids que les gens ne me reconnaissaient plus. 

 

 



Une lutte

 

Après m’être battue avec l'épuisement pour compléter les formulaires de demande d’invalidité pour l’assureur, voilà que ce dernier ne versait toujours pas l’argent. Finalement, la décision cruelle et injuste de l’assureur est tombée: on avait décidé que j’étais une «personne qui acte ses maladies » malgré des rapports médicaux de  médecins attestant de mon état de santé dégradé.

 

Une lutte commence…On est en 2013.

 

On m’a coupé les vivres. Et ce fut le plongeon direct dans la précarité financière. Du fond de mon immense épuisement, j’ai dû demander de l’aide sociale pour vivre, signer ensuite une faillite auprès d’un syndic. Incapable de payer mes créanciers, je perdais un bon dossier de crédit. Un deuil parmi tant d'autres...


À partir de la décision de l’assureur de couper mes prestations, il aura fallu cinq années de va et vient administratifs, de nuits blanches, de pleurs, d’interviews, de rencontres d’experts, de tentatives de règlement à l’aimable pour qu’enfin en octobre 2018, l’assureur finisse par reconnaitre que je suis invalide à vie, et qu’il doit maintenant faire face à ses obligations en respectant le contrat qui nous lie. Une entente mettant fin à cette poursuite a été signée, et la lutte est maintenant terminée. 


Mais il faut se le dire : sans l’aide de mon avocat, je n’y serais pas arrivée. L'assureur a négocié un règlement à l'amiable 4 jours avant les dates de procès...Ça en dit long sur leurs façons de faire de ces multinationales pour certaines, avec leurs assurés malades.Si ma cause n'avait pas été dûment déposée à la cour, je ne crois pas que ce serait réglé à l'heure actuelle.  


C'est simple: les assureurs- sauf quelques rares exceptions, et c'est tant mieux-, ne veulent pas payer. Même si c'est difficile, il ne faut pas le prendre personnel par rapport aux diagnostics médicaux. Retenez ceci: ils ne veulent pas payer, que vous ayez une foule de maladies ou pas. Plusieurs assureurs n'en ont rien à faire que nous ayons l'EM ou pas. Tumeur ou pas. Maladies chroniques ou pas.

 

Je me remets lentement de cette épreuve, jour après jour, épreuve dont je pensais ne jamais voir la fin. Des années vécues dans l’angoisse, l’inquiétude, la peur, la colère, la gestion d’un budget minuscule, et la fréquentation des banques alimentaires. Sans compter les inquiétudes à propos de ma santé.


 

Soutien dans la lutte

 

Mon réseau d’amis et de collègues a démarré une collecte de fonds pour m’aider à payer certains frais juridiques. Sans cette collecte, je ne sais pas comment j’aurais pu faire face à une partie de cette facture pourtant essentielle pour assurer ma défense. Mais au-delà de la collecte d’argent, les nombreux messages d’encouragements et de soutien m’ont vraiment épaulée. J’éprouve une grande reconnaissance envers les gens qui m’ont soutenue, et qui ont crû en ma cause.  Sans leur soutien et leurs encouragements, je ne pense pas que j’aurais pu tenir le coup. 

 

Une lutte juridique pour les personnes en santé est déjà très éprouvante. Mais pour les personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique, ces luttes sont terriblement dévastatrices. Notre santé mentale et physique prennent un sérieux coup dans l’aile. Il ne faut pas se le cacher: il y a des suicides chez ceux qui luttent contre leur assureur. Cette information m'a été confiée par mon avocat.  

 

Les rencontres du groupe d’entraide de l’AQEM (en personne à l’époque) ont été très aidantes pour moi. Échanger avec d’autres personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique m’a insufflé du courage pour continuer la lutte. Il ne faut pas sous-estimer le partage d’expériences qui nous permet de nous identifier à ceux qui ont remporté cette lutte. Et ainsi, de garder espoir.  Nous sommes entourés de personnes qui souvent, ne demandent qu’à échanger et partager leurs expériences de vie. 

 

Je suis fière d’avoir remportée cette cause. Même après presque quatre ans, je considère être encore dans une période de décompression psychologique et physique. Chaque jour, à mon rythme, je reprends des forces. Et avec le recul, je ne sais pas comment j'ai pu tenir le coup physiquement.

 

Comme le disait une amie, "je n'ai pas vécu toutes ces horreurs pour rien. Il faut leur donner un sens!".


Alors à ma façon, j'ai trouvé au moins deux sens. 


Le premier est vous partager cette histoire, et d'écrire sur ce blogue depuis des années quand ma santé me le permet. 


Et le deuxième consiste, à ma façon et dans mes limites, à aider d’autres personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique qui luttent face à leur assureur.  


Pour me rejoindre: mwasikitoko07@gmail.com


 

 🌻

 

 

jeudi 22 avril 2021

Plus fragile



"Notre fragilité est ce qui nous rend uniques" -Etgar Keret


Je me sens plus fragile. 
Plus fragile émotivement.
Plus fragile physiquement aussi. 
L'oeuf ou la poule?
Est-ce que l'un découle de l'autre? 
 

Est-ce l'évolution de l'encéphalomyélite myalgique?
Est-ce "l'usure" de mes presque-60 ans? 
Est-ce un effet d'usure du temps de pandémie, qui dure? 

Cette fragilité s'exprime de toutes sortes de façon.
Entre autres, je suis plus irritable. 
La mèche courte, comme on dit au Québec. 
Je me surprends parfois à parler d'un ton sec et sans réplique. 
Je suis émue pour des broutilles mais froide devant des drames.
Chamboulée, mais pas de façon égale.

Physiquement, j'ai moins d'énergie.
Les troubles du sommeil sont plus forts que d'habitude. 
Ce qui n'aide pas à être de bonne humeur, on s'entend. 
Le matin, tous mes membres sont fortement courbaturés et douloureux.
J'y ajoute des cauchemars de temps à autre, pour pimenter mes nuits :) 
Il y a aussi une plus forte intolérance aux bruits...
Les bruits ambiants du quartier me tapent royalement sur les nerfs.
Et le son de ma télé est plus bas qu'il ne l'était. 
Le brouillard cognitif est plus prononcé. 
Avec une impression de "flotter".
Je fuis les livres, les séries et les films où il y a de la violence, sous peine de les retrouver la nuit.





Mais ce matin, j'ai croisé plus fragile que moi.
Alors que je me rendais à l'épicerie faire mes courses, j'ai croisé une dame d'environ 75 ans, en triporteur.
Elle luttait et tentait de pousser des paniers vides qui lui bloquaient l'entrée au commerce.
Faible et à bout de bras, elle faisait son possible, mais sans résultat. 
J'ai appuyé ma canne contre le mur pour enlever ces paniers, 
ce qui débloquait son entrée.
 Puis elle a filé dans l'épicerie.

Je faisais mes courses....
Mon cellulaire sonne. 
Un appel que je ne pouvais pas rater alors j'ai répondu.
En temps normal, je ne réponds pas.
Mais voilà que debout à ne pas bouger, mon coeur commence à faire des siennes et à battre comme un fou. Probablement le syndrome de tachycardie orthostatique posturale, pas encore diagnostiqué à ce jour. 
Mais il me fallait m'asseoir au plus vite. 


Tout en parlant, je cherchais des yeux comment faire pour reprendre un peu d'énergie.



Je vous livre mon scoop: le coin des caisses de bière! Discrètement s'entend, je me suis assise dans ce secteur pour me reposer. Un appui solide, juste bon pour moi. Essayez-le, vous m'en donnerez des nouvelles... 

Pendant que je terminais l'appel, je voyais de temps à autre la dame en triporteur. Masquée quasiment jusqu'au front, elle tournait dans les allées. 

J'ai pu reprendre un peu d'énergie, ouf...Merci, les caisses de bière :) 

J'ai payé mes achats, prête à partir. 
À la sortie des caisses, je croise encore la dame au triporteur qui termine ses achats.
Tremblante sur ses jambes et presque pliée en deux, elle tentait faiblement de mettre ses achats dans son petit sac de coton. 
Je lui ai demandé si je pouvais l'aider.
Elle a accepté.
Doucement, j'ai mis les objets dans son sac. 
De peine et de misère, elle a réussi à se rassoir dans son véhicule, non sans lenteur et avec difficulté. 
Elle ne le voyait pas, mais elle bloquait la caisse voisine où un homme attendait patiemment qu'elle libère l'accès. Merci de votre patience monsieur! 

Avec une lenteur infinie, la dame a rangé sa carte de crédit dans son sac à main.
J'ai installé ses achats sur son véhicule en lui souhaitant une bonne journée. 

Je suis ressortie en pensant à cette dame...
En me disant que je suis peut être dans un état fragile, mais il y en a des plus fragiles que moi encore.
La fragilité de cette dame m'a touchée.
Secouée un peu même je dirais.
Et pour quelques minutes, je me suis quasiment sentie comme une athlète olympique!
Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas fragile.
Mais je le suis moins que ce que j'ai vu chez cette dame.
C'est du moins ma perception. 

Les personnes vivant avec l'encéphalomyélite myalgique sont parfois sinon souvent dans un état de fragilité physique et mentale souvent difficiles à vivre. 

Difficile pour elles, pour leur entourage.

Cependant, nous ne sommes pas les seuls à vivre cette fragilité...
Ça n'augmente ni ne diminue ce que je vis, ce que nous vivons.
Plusieurs d'entre nous sont en état modéré et sévère. 
J'ai encore la chance de pouvoir faire mes achats.
Pour le moment. 

Mais sachant que nous sommes plusieurs à vivre cette fragilité, pour ma part, je me sens nettement moins seule. 

Et parfois, juste ça, ça aide. 
Même un tout petit peu...


Bonne journée 

🌻



samedi 3 avril 2021

Mes petits bonheurs :)

 


"J'ai décidé d'être heureux car c'est bon pour la santé" -Voltaire


Aujourd'hui, je vous parle de mes petits bonheurs quotidiens. Je ne pense pas révolutionner le monde du positivisme ou du bonheur en vous parlant de ce qui m'allume.

Je dis bien mes "petits bonheurs".  Je me suis rendue compte que j'avais tendance à avoir une attitude d'attente envers le bonheur. Comme si un bon matin, un grand coup de bonheur allait cogner à ma porte. 

Plus jeune, j'étais comme bien des jeunes femmes. Je voulais tout, tout de suite, autant que possible. Un vie amoureuse réussie, des enfants, une vie de famille épanouie, LE boulot de mes rêves. J'ai obtenu quelques "succès" (bien relatif hein) sur certains de ces aspects, mais sous d'autres, pas du tout.

Lorsque je suis devenue malade et invalide, j'ai longtemps pensé que ces grands événements de la vie sont derrière moi.  Et qu'il n'y avait plus grand chose à attendre qui soit aussi intense que cette partie de ma vie.  
     
Au gré de mes réflexions et de mes lectures, je me suis pourtant rendue compte que les petits bonheurs quotidiens sont maintenant tellement plus importants dans ma vie. Et surtout, qu'il sont possibles. 

Non seulement parce que ma vie est déjà avancée, mais aussi et surtout parce que les petits bonheurs correspondent davantage à mon état de santé. 

Vivre avec l'encéphalomyélite myalgique me dicte maintenant de faire attention à l'intensité en tout. De grandes joies, comme de grandes peines d'ailleurs, sont très énergivores mentalement et physiquement. Et cela peut me conduire à vivre un malaise post-effort extrême qui peut durer. 

Ces petits bonheurs tout simples me conviennent mieux dorénavant. Bien entendu, la définition des petits et gros bonheurs varieront d'une personne à l'autre, en fonction de son état de santé et de ses valeurs. 

En vrac, voici les miens. 

J'adore: 

-Préparer mes deux tasses de décaféiné, un rituel matinal que j'adore. C'est le moment où j'atterris en douceur dans mon corps, dans ma vie. J'ouvre la radio et j'écoute les nouvelles du jour. Ensuite, je complète quelques grilles de mots-cachés. 

-À ce petit bonheur du jour, je converse avec ma vieille amie de toujours, dans la ville voisine. Une amitié de 40 ans, c'est tout un cadeau...Nous parlons de tout et de rien quelques minutes. Ou bien je parle avec un ami qui habite le quartier. On cumule près de 20 ans d'amitié aussi :)

-Ma douche assise est un bonheur incroyable, chaque jour. Je vous en ai parlé à plusieurs reprises. L'eau dérouille mon corps et les muscles tendus...Je reviens à la vie sous le jet d'eau chaude. J'ai souvent une pensée bienveillante pour les ceux et celles qui, trop malades, sont incapables de prendre une douche ou un bain...

-Ma pile de livres, tout sujets confondus. Avoir de la lecture à portée de main est un "must": sans lecture, je m'étiole. Quand j'en manque, je dis souvent en blaguant que j'en suis réduite à lire des publicités! Je lis des romans, de la poésie, des recherches en neurosciences etc. Ma pile livres et l'équivalent de tablettes de cuisine bien garnies: elles sont tout aussi importantes l'une que l'autre :)

-Sortir dehors chaque jour...Un autre petit bonheur! Je marche où je peux, selon l'énergie disponible. Si c'est très peu, alors je reste tout près de chez moi. J'attrape ma canne et hop, un petit tour dans mon quartier, question de prendre mon bol d'air. J'apprécie particulièrement un parc situé à deux minutes à pied de chez moi. Je squatte un banc et j'observe les enfants qui y jouent, les écureuils qui gambadent. J'observe l'avancement du printemps et les bourgeons dans les arbres. 

-Chouchouter mes plantes d'intérieur. Ça, c'est un petit-gros bonheur :)   Il est petit car simple, mais gros car j'adore chouchouter mes plantes. Je leur parle, j'observe leur évolution. Quand j'aperçois de nouvelles pousses, ça m'émerveille toujours, je ne m'en lasse jamais. Je viens tout juste de démarrer mes semis de tomates et de poivrons pour l'été.  

-Cuisiner des repas simples. J'utilise des recettes de moins en moins compliquées, avec peu d'étapes pour ne pas me brûler physiquement...Une seule recette à la fois, et non pas deux recettes comme je faisais "avant". Prendre le temps de cuisiner un repas nutritif est important visuellement: mon cerveau se prépare lentement à savourer ce que je prépare. Pour moi, ça fait partie du plaisir. 

-Faire de la couture. De temps à autre, la "piqûre de la couture" m'attrape. J'étale mes grandes pièces de tissus africains et je me fabrique des pantalons de coton très simples pour les grandes chaleurs de l'été. 

Je vous le disais, je ne vais pas révolutionner l'univers du bonheur!

Mais le plus important pour moi, c'est n'est pas tant de chercher le bonheur, comme de le créer moi-même. 

Même en vivant avec la maladie, il y a moyens de trouver ce qui nous fait du bien, ce qui nous donne du bonheur, même très petit. Même minuscule.

Quand j'ai mes petits bonheurs, je me sens bien. 
Je me sens moi-même, en équilibre.
Je me sens centrée sur le présent, comme un enfant concentré sur son jeu...
Ce ne sont que de petites choses, mais combien plaisantes.  

Je n'attends plus les petits bonheurs. 
Je préfère nettement les créer. 
Je reste à l'affût. 
Pour prendre conscience de ce qui me fait plaisir, et de ce dont j'ai besoin pour faire advenir ces petits bonheurs.  

Le dernier petit bonheur que j'ai mis en place tout récemment est celui-ci: en sortant de ma douche, je mets de la musique douce. Ainsi, je me crée un espace de calme pour faire mes étirements, prendre mes médicaments et passer ensuite à ma méditation et à ma journée. 

Voici une de mes pièces préférées qui m'accompagne le matin, du tout nouvel album de la violoniste québécoise Angèle Dubeau. 





Intitulée "Flying", cette pièce est magnifique. Son titre évocateur me fait imaginer une horde d'oiseaux en train de voler dans les airs en ce printemps tout frais sur Montréal...Elle stimule mon imagination et me donne une certaine paix du coeur. Et un élan tout doux pour la journée qui vient. 

J'espère qu'elle vous plaira et qui sait, vous inspirera peut être aussi de créer des petits bonheurs tout simples dans votre vie de personne affectée par l'encéphalomyélite myalgique.  

Je vous souhaite un printemps tout en bonheur :) 

🌻

 
P.S. Et vous, quels sont vos petits bonheurs quotidiens? 

mardi 2 mars 2021

Acceptation: un premier pas.

 



Depuis quelques temps, je vis une certaine acceptation par rapport à mon état de santé. Un premier pas, disons. 

Comme tous les être humains, je n'aime pas souffrir, loin de là.

Le manque de sommeil réparateur, les douleurs, les symptômes cognitifs invalidants ne me sont pas devenus soudainement une partie de plaisir. 
Non plus que les malaises post-effort quand j'ai dépassé mes limites. 
Tout ça ne m'empêche pas de pleurer.
Ou d'être parfois bien découragée, d'avoir un petit moral. 

Mais somme toute, je sens qu'au fond de moi, j'accepte.

J'accepte que mon corps soit malade.
Qu'il fait ce qu'il peut avec ce qu'il a...

J'accepte mieux de devoir me reposer. Même si je n'en ai pas envie.
Résister ou me rebeller me conduit à vivre plus de souffrances encore, si cela se peut. Plus sage d'accepter...Pour vrai. 


J'accepte que je ne suis plus la femme "d'avant".
J'accepte que mon tempérament d'un naturel sociable et enjoué, n'est plus le même. 
J'accepte.
J'accepte, et je décide de m'accueillir plus.
Mieux aussi. 
J'apprends dans tous les cas.
J'apprivoise la personne que je suis en train de devenir. 


Cela ne veut pas dire que la vie est devenue facile pour autant.
Accepter n'aplanit pas les moments difficiles que l'on vit.
Dans un sens, je cesse de me retourner contre moi-même.
Ou de m'en vouloir d'être malade...
Cela veut dire que je ne décolle pas au quart de tour et...m'enrager.
Je peux faire d'autre choix...

Je fais le choix d'accueillir où je suis.
Chaque jour, à mon rythme.

Je vis avec des maladies chroniques. 
Je ne peux plus travailler.
Je n'ai plus l'énergie mentale ni physique pour développer de grands projets de vie.
Ou même de vivre des passions dévorantes pour des intérêts.

Il m'est plus "économique", moralement et physiquement, d'accepter où je suis.
Et d'accepter qui je suis. C'est moins énergivore.

Souvent, j'ai tendance à me cabrer moralement. 
À vouloir lutter. 
Comme une forme de résistance insidieuse, je dirais.
Que je ressens même parfois physiquement.  
Résister ou me cabrer en pensant à ma santé a pour effet d'augmenter l'anxiété.
Et le désespoir. 
Ce qui ajoute à la situation.

Lorsque je suis dans une telle attitude, je prends une pause.
Je ralentis encore plus. 
Pour comprendre ce qui se passe.
Méditer, réfléchir.
M'accorder de la douceur, de la compassion. 

J'ai réalisé que j'avais peu de compassion envers moi-même.
Pour d'autres oui, mais pas pour moi.
C'est en train de changer, lentement.
Un jour à la fois.

J'accepte.

J'accepte qui je suis.
J'accepte que le processus d'acceptation aille dans tous les sens.
J'accepte d'avance que je vais tâtonner...

J'accepte.
Il y aura probablement du découragement, des larmes...

J'accepte et j'embrasse le tout. 
Car c'est ma vie.
C'est celle que j'ai :)

J'accepte qu'elle zigzague parfois.
Et qu'elle me berce aussi.

Que le chemin est beau! 


"Vous êtes à la recherche du monde pour trouver un trésor, mais le vrai trésor, c'est vous" -Rumi


🌻


dimanche 24 janvier 2021

Aimer l'hiver :)

 



Montréal est sous un froid glaciaire aujourd'hui. Mais ça ne m'a pas empêché d'aller dehors pour environ quarante minutes.

Un bol d'air glacial me ravie de bonheur, même si ça n'a pas toujours été le cas.

En fait, ma relation avec l'hiver a évolué au cours de ma vie. 

Enfant, on voulait m'apprendre à patiner: qu'y-a-t'il d'agréable à avoir les pieds surgelés et enserrés? Brrrrr...Par contre, j'adorais les tempêtes de neige que j'observais par la fenêtre.

Adolescente, j'ai découvert le plaisir de la luge puis la pratique du ski de fond. Faut dire que mes pairs y étaient aussi pour quelque chose :)  

Une fois adulte et maman, j'habillais chaudement mes enfants pour les sorties d'hiver, question qu'ils prennent tous de l'air bien frais pour leur santé. Pour ma part, l'hiver n'était qu'une saison à travers laquelle il fallait passer pour arriver enfin au printemps.

C'est surtout une fois que mes filles ont grandi que j'ai commencé à apprivoiser un peu plus la saison froide. Et à l'aimer. J'ai découvert qu'avec un bon équipement, l'hiver est vraiment une saison agréable à vivre. Pour aimer l'hiver, il faut le regarder dans le blanc des yeux, sur son terrain. Et être confortable, au chaud...C'est ça le secret.

C'est simple: les bons outils pour vivre l'hiver offrent quasiment une garantie si ce n'est de l'aimer, du moins d'apprécier et d'apprivoiser l'hiver. 

S'il est vrai que s'équiper le moindrement coûte un minimum d'argent, reste que l'investissement en vaut vraiment la peine: la saison froide revient chaque année comme on le sait tous, alors pourquoi ne pas s'équiper de vêtements bien chauds et performants dans le froid. Par exemple, j'ai découvert le bonheur de vêtement en polar, mérinos, laine etc. Ce sont des matières qui respirent et donnent une bonne chaleur. Même chose pour les bottes: mettre un peu plus d'argent pour s'équiper en bottes chaudes en vaut vraiment la peine, et on retrouve son investissement à chaque année. S'équiper aussi de crampons pour les bottes est un essentiel au Québec. Manque de cash? Possible de s'équiper en achetant de l'usager, les sites de revente déborde d'accessoires encore bons. 
 
J'aime l'hiver...parce que la neige est essentielle: elle éclaire notre décor, elle crée une certaine magie (sauf quand on reste pris dedans avec sa voiture!). Elle est plaisante à dégager, en poussant avec une pelle pour ménager les articulations. Elle craque sous mes pieds, se transforme tour à tour en glace, en eau...Ses formes varient tellement.

S'il tombe une neige "mouillée" qu'on appelle au Québec de la "neige à bonhomme" (pour faire des bonhommes de neige, bien entendu), alors j'ai droit à des spectacles dans les parcs: des bonhommes de neige naissent partout ans les parcs où les enfants sont passés. Une belle magie à observer pendant mes balades.

J'aime aussi l'hiver parce que l'air frais sinon carrément glacial me régènère: je respire à fond, et j'ai l'impression que mon corps avale goulument tout cet air. Un pur délice pour mon coeur, mon sang, mon cerveau qui s'oxygènent tous. 

Lorsqu'il fait froid, la vie est un peu ralentie dehors. J'aime ce ralentissement, qui me ressemble. 

Je me couvre de couches d'habits et hop, je vais dehors. C'est vrai que c'est un exercice de s'habiller chaudement, mais les bénéfices sont bons. 

Qu'il fasse -20 ou -2, je vais dehors pratiquement chaque jour, et j'adapte mon habillement en conséquence ainsi que le circuit de marche.

Très froid, style -15 et plus: 3 couches d'habits, un pantalon de neige pour couper le froid aux jambes, le tout avec un manteau très chaud, tuque, mitaines chaudes, capuchon de manteau, foulard et bottes bien chaudes.

Froid moyen, style -5: manteau un peu plus léger, avec des couches de chandails en dessous, bottes plus légères aussi.

Pas besoin de faire des kilomètres pour sentir les bienfaits de l'air frais. D'ailleurs, je ne saurais pas le faire. Je marche environ 15 minutes puis je dois m'asseoir.  Mon circuit comporte des pauses en route pour me reposer, et les bancs publics de la ville sont parfaits pour ça. Je les connais presque tous, ayant mémorisé où ils sont situés. 

Je suis une des chanceuse vivant avec l'encéphalomyélite myalgique qui arrive encore à prendre des marches à l'extérieur, et j'en suis vraiment reconnaissante. 

Par contre, je suis à l'écoute de mon corps: si l'énergie est trop faible pour aller marcher, alors je me contente de m'habiller chaudement, et tout simplement de m'asseoir dans ma petite cour arrière. Je reste assise dans ma chaise de jardin, et je respire lentement l'air frais qui me fait vraiment du bien, même sans énergie.



 Bouddha dans ma petite cour :)


J'ai conscience que je marche de moins en moins loin, et que ma résistance diminue avec le temps. Mais je me dis que je peux encore le faire, alors j'en profite mais sans forcer autant que possible. 

D'ailleurs, j'ai toujours sur moi mon laisser-passer de transport en commun au cas où je n'arrive plus à retourner chez moi ou bien mon cellulaire pour appeler un taxi le cas échéant. Important de parer eux éventualités si je manque d'énergie ou si j'éprouve un malaise. Et ma canne ne me quitte pas. 

Les bienfaits de l'hiver sont nombreux et ne sont plus à démontrer depuis longtemps. Je suis convaincue que c'est bénéfique pour tous, et encore davantage pour les personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique.  

Quand on profite de l'hiver, la saison passe plus rapidement, mine de rien. Et si on ajoute à cela le confinement dans nos maisons à cause de la pandémie de covid-19, c'est une autre très bonne raison de sortir, de marcher dehors et de respirer à fond cet air froid. 

Un bol d'air frais pour vous? 
C'est ce que je vous souhaite de faire, du fond du coeur...


Un bel hiver à chacun de vous :)

🌻



mardi 12 janvier 2021

Le témoignage de Maka: "Pensez-vous qu'un jour nous retrouverons une vie presque normale?"

 



"La maladie m'est tombée dessus subitement en mai 2013. J'avais 59 ans, et je travaillais à l'hôpital Notre-Dame.  Mes journées commençaient à 3 h 30 le matin: à 6 h j'étais au bureau, et souvent je terminais à 17 h. 

Je sais que j'ai beaucoup travaillé dans ma vie. J'ai élevé seule mes 3 enfants, j'ai aidé à l'éducation de ma petite fille qui a maintenant 17 ans, et j'ai aidé financièrement aux besoins de sa mère et d'elle même pour qu'elles ne manquent de rien. 

Je marchais 1 h par jour, j'allais au gym 3 fois semaine et une fois semaine, je faisais du bénévolat au Chainon. La musique, la lecture et la peinture m'apportaient beaucoup de détente. 

J'assumais les détails du quotidien, popote, courses, ménage. Je n'avais pas le choix, car ma fille pendant tout ce temps traversait une très mauvaise période (alcoolisme, drogue, dépression). Ça a duré dix ans. 

Avec le recul, je sais que je ne l'aidais pas, mais on les aime tellement... J’ai beaucoup culpabilisé. Je me suis posé beaucoup de questions à savoir si je m'étais un peu ménagée, peut-être que je ne serais jamais tombée malade? Ensuite j'ai pensé à la vie difficile de toutes ces femmes qui ne l'ont pas eu facile. Il est évident qu'il n'y a aucun rapport. 

Bref, je n'ai pas de réponse et aucune explication.

Pensez-vous qu'un jour nous allons retrouver une vie presque normale, pouvoir faire des projets, nous lancer des défis personnels? 

Aujourd'hui quant à moi, la vie se limite à quelques minutes à la fois, sans plus. 

Mon rêve est de pouvoir espérer être capable de me tenir sur mes jambes pour pouvoir descendre les escaliers et aller marcher dehors, ne serait-ce que 5 minutes. Ne plus être enfermée dans la maison, pouvoir aller faire quelques commissions, aller me faire coiffer (trois ans sans coiffeuse, moi qui entretenait mes cheveux scrupuleusement). Aller au musée, aller voir une pièce de théâtre, aller voir un spectacle, cuisiner de bons petits plats, et ma foi j'étais très bonne. Je ne souhaite que de toutes petites choses. 

Voilà c'est ma vie maintenant...Une vie bien petite." 


Maka, Montréal.


samedi 26 décembre 2020

Réflexions de fin d'année



En cette fin d'année, je n'ai pas envie de focuser sur la pandémie directement. Je crois que nous sommes tous déjà sursaturés sur tout ce qui se passe en la matière. 

J'ai plutôt envie de mettre la loupe sur des gestes qui parfois font une différence insoupçonnée dans la vie de quelqu'un. 

En buvant mon premier café du jour, j'ai suivie une entrevue à la radio
entre un journaliste et une employée qui travaille en résidence pour personnes âgées à Montréal. Elle racontait qu'elle voyait les résidents dépérir moralement, tous affectés par l'isolement causée par la pandémie, et le fait de ne pas pouvoir célébrer les Fêtes avec leurs familles. 

Elle a eu l'idée de lancer un appel à tous afin de récolter au moins cent cartes de Noël pour ses résidents, question de leur remonter le moral.  L'afflux de cartes de Noël a été tel, que c'est plutôt un raz-de-marée de 55 000 qui ont été reçues. 

Oui, vous avez bien lu, 55 000 cartes de Noël. 
Une générosité incroyable, mais ce n'est pas tout. 

Chaque jour, les résidents s'installaient près du bureau afin de surveiller l'arrivée des nouvelles cartes de Noël. Et de les lire au plus vite! Ce rendez-vous quotidien a vu naître un paquet de sourires, d'exclamations joyeuses, et une attente fébrile de la part des résidents, qui ont avoués eux-mêmes se sentir "comme des enfants". Des résidents choyés par cette vague d'amour postale, au point d'anticiper et de surveiller chaque jour l'arrivée de ce courier unique. 

Cette employée aurait-elle pu prévoir que ce simple appel à tous aurait eu un effet aussi intense et abondant? Et pourtant...Des effets positifs à la clé pour les résidents, et sans nul doute, pour le personnel aussi. 




 
Ces derniers jours dans mon quartier, j'ai vu plusieurs gestes généreux: distribution de nourriture, de vêtements chauds, de matériel utilitaire à donner pour la maison. 

Les mains se sont levées pour accueillir cette manne. 

Suite à un incendie, une collecte de fonds citoyenne a été démarrée pour cette famille jetée à la rue. Ici, même chose: une grande générosité, des dons sont venus d'un peu partout pour permettre à cette famille de recommencer leur vie à zéro.

Juste avant le reconfinement, des restaurateurs du quartier ont aussi donné leur denrée aux citoyens: une large distribution de fruits, légumes, viandes, pains. 
Pleins de familles en ont profité, ainsi que des personnes seules. 

Il y a aussi de simples citoyens du quartier qui ont offert et offrent encore des repas préparés à de purs inconnus dans le besoin. Un autre geste qui parle, qui aide, qui dit quelque chose. 




Ma coiffeuse me racontait qu'un de ses clients était dépressif et mal en point. Elle ne savait pas trop comment se comporter, mais elle l'a écouté, longuement, simplement. Cet homme s'est confié, et en sortant de son rendez-vous, il l'a chaleureusement remercié pour son écoute. Il a quitté avec le sourire. Et pourtant, ma coiffeuse disait avoir fait bien peu...

Ce n'est pas que tout s'était réglé en un claquement de doigt pour lui. Seul cet homme peut dire les effets qu'on eu l'écoute et l'espace accordé pour parler, sur sa vie. Mais on peut penser que ce fut positif, et peut être, que cela lui a donné un peu de répit. Comme une pause pour respirer.  


En tant que personne affectée par l'encéphalomyélite myalgique, j'ai beaucoup de volonté d'agir, mais peu d'énergie mentale et physique pour le faire. Souvent, j'aimerais faire de grandes choses, être une super activiste internationale qui brasse les choses pour l'EM, qui interpelle nos dirigeants, médecins ou même qui peut soutenir plusieurs autres causes qui me tiennent aussi à coeur. 

Je peux bien me plaindre de mes limites, c'est vrai. Mais l'essentiel est de me pencher sur ce que je peux faire. Sur ce qui est à me portée en fait. Il y a moyen d'agir à ma mesure, comme toutes les autres personnes affectées par l'encéphalomyélite myalgique. 

Clarissa Pinkola Estes a dit, "votre tâche n'est pas de résoudre tous les maux du monde en un claquement de doigts, mais d'essayer de raccommoder la partie qui est à notre portée"

Un bon rappel sur mon rayon d'influence :)

Je garde à l'esprit que souvent, de petits gestes peuvent vraiment faire un différence dans la vie des autres. Tout en respectant mes limites. 


Pour le mot de la fin, laissons Martin Luther King nous rappeler que "si je ne peux faire de grandes choses, je peux faire de petites choses de manière grandiose"

Alors quelles sont ou seront les petites choses grandioses à votre portée, et que vous pouvez faire comme personne affectée par l'encéphalomyélite myalgique? 


Je vous souhaite une belle période des Fêtes. 
Qu'elle soit sous le signe du calme, du repos, du plaisir et de sérénité. 

Au plaisir de vous retrouver en 2021 


🌻