Habituellement, je pars un peu avec ma fille, 22 ans. Nous allons à la montagne, dans des paysages magnifiques que nous aimons tant. Mon fils et sa compagne nous y rejoignent. Nous y faisons de la randonnée, du trail, des promenades à cheval en montagne, des randonnées glaciaires. Nous retrouvons des amis sur place. Nous profitons de la nature pour nous ressourcer et nous retrouver. C’est un moment que nous attendons toute l’année.
Mais tout est devenu différent. Cette année, ma fille est partie seule rejoindre nos montagnes des Alpes.
Et moi je suis allongée chez moi. Impossible de faire le moindre trajet, de quitter mon lit, mes aides, mes suivis, mon matériel. Alitée 20 heures par jour quand je vais bien, ma vie est différente avec l’encéphalomyélite myalgique en état sévère.
UN BEL ÉTÉ
Mon été n’est pas coloré d’isolement ou de solitude. Il est habité de multiples voyages intérieurs et de rêveries joyeuses qui me remplissent. Savourer l’instant, savourer le moment, ici.
Depuis ma fenêtre, je vois défiler les heures, les jours, les semaines.
Le temps n’a plus la même valeur, il s’étire à l’infini.
Les minutes, les heures, les jours ne sont plus tout à fait les mêmes.
Je reçois les photos de mes enfants : Bayonne et ses festivités, puis les Alpes, les cordées, les randonnées, les glaciers. J’y retrouve mentalement mes amis, leurs chevaux, leur ferme. Mes enfants sont avec moi, nous sommes heureux tous ensemble. Pas de question à se poser, le bonheur est là.
Je ne suis bien que dans mon havre de paix, sinon tout me bouscule.
Mes murs m’isolent de la chaleur, des bruits du monde ; ils me protègent des sons qui m’agressent, de la luminosité qui me fait mal.
J’ai besoin que tout soit égoïstement calé sur mon propre rythme interne, avec mon sommeil décalé, entrecoupé, mes nombreuses siestes au cours de la journée.
J’aime mon cocon et son organisation rassurante, mon matériel, les passages des auxiliaires, du kiné qui structurent mes journées, ma semaine, et facilitent mon quotidien.
Avec la veille discrète et délicate de mes proches. Entre deux podcasts, sur une carte, je suis la progression du séjour de mes amis voyageurs, je consulte le patrimoine local. Cela suffit à remplir mon imaginaire, pour me rendormir remplie et heureuse.
Je reçois des photos de mes amis, maintenant l’Espagne : je rêve et visite mentalement la Galice, avec St Jacques de Compostelle, la Corogne, ses jolis ports, de belles plages sauvages, son vent chaud, l’odeur de l’iode. Et je m’évade en souriant. Les conversations à plusieurs, les déplacements à l’extérieur, les mouvements, les changements de rythme, tout m’est alors facile. Mes rêveries s’étirent, mes voyages virtuels respectent les rythmes de mes siestes.
Mon lit et mon canapé sont les paysages de ma maladie.
Depuis ma fenêtre, je vois défiler les heures, les jours, les semaines.
Le temps n’a plus la même valeur, la vie a pris un tempo différent, hors de l’action, essentiellement dans la réflexion et la contemplation.
Je reçois des photos des voyages de mes amis, aujourd’hui l’Italie : je rêve et visite mentalement les palais du Lac de Garde. Avec mes lunettes de soleil, je prends le bateau, je visite ses berges et ses palais incroyables. Le soleil me caresse la peau. Puis je file vers Venise ; ses canaux et maisons multicolores m’attendent, le clapotis de la mer sur les pontons.
Depuis mon canapé, le temps s’étire, je suis souvent dans un brouillard cérébral important.
Une douce torpeur m’envahit, qui met à distance les douleurs.
Mon nid me réconforte. Je plonge vers un sommeil protecteur.
Je reçois des photos des voyages de ma famille, les Etats-Unis. Je visite les Grands parcs de l’Ouest, le Colorado avec Brice Canyon, l’Arizona avec Grand Canyon et son paysage si minéral déclinant l’ocre dans toutes les teintes !
Depuis ma fenêtre, je vois défiler les heures, les jours, les semaines.
Le temps n’a plus la même valeur, il s’étire à l’infini.
Les minutes, les heures, les jours ne sont plus tout à fait les mêmes.
Depuis mon lit, je vois ma vie qui défile doucement.
Le temps s’étire à l’infini. L’été déjà bientôt finit…
Hélène F.
Massy (France)