mardi 6 juin 2023

Mes (petits) plaisirs

 

"Ne laisse jamais passer les instants de plaisir pour rassasier ton corps, un rien suffit." -Auteur inconnu 



Les petits plaisirs sont les carburants de la vie. Ils nous offrent un espace mental et émotif, juste pour soi. 

 

Ce qui nous fait plaisir change avec les années. 

 

Ce qui nous fait plaisir change également lorsque notre état de santé se modifie. 


Et ça se modifie sensiblement lorsqu’on vit avec l’encéphalomyélite myalgique. Notre état de santé et l’énergie requise influencent grandement le choix de ces plaisirs. 

 

Pour ne citer qu’un exemple simple, mais éloquent, pratiquer la natation, le vélo et de longues marches faisaient partie des plaisirs que j’appréciais grandement avant d'être malade. Progressivement, j’ai dû les laisser tomber, un après l'autre. Je n’avais plus les capacités physiques, et c’était sans compter sur les malaises post-effort que je vivais ensuite. J’ai même réessayé d’aller à la piscine en toute douceur, sans succès. 

 

Physiquement, il me reste le plaisir de la marche avec mon déambulateur. Comme je le décrivais ici, c’est ma nouvelle liberté. J’aime aussi pratiquer quelques minutes de légers mouvements de stretching, sans forcer. Je sens que c’est bon pour mon corps.

 

 

« Anciens» plaisirs?

 

Heureusement, j’ai gardé certains plaisirs d’avant tel que la lecture. Dès que j’ai su lire, je n’ai cessé de le faire. J’ai parfois diminué lorsque j’avais de jeunes enfants, mais jamais cessé. 

 

Je lis des romans policiers, des biographies, des essais, des livres de neurosciences, etc.


J’ai la chance de pouvoir encore lire. Je dis cela, car je sais que plusieurs personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique éprouvent de la difficulté à lire. 

 

C’est le cognitif qui déraille. 


Je lis moins longtemps, et moins rapidement aussi. Ma capacité de concentration n’est plus ce qu’elle était. Depuis deux ans, je suis tombée en amour avec ma liseuse Kobo, un cadeau d’anniversaire. Moi qui avais dit que je n’aurais jamais de liseuses! Je ne cessais de dire que l’odeur du livre et la sensation sont essentiels. 

 

De toute évidence, j’ai changé d’idée, et je ne jure que par elle ou presque. 


Les avantages? Je n’ai pas à transporter le poids des livres empruntés à la bibliothèque, par exemple, et vice versa pour le retour. Plus besoin de m’y rendre pour le ravitaillement. Le téléchargement d’un livre numérique est rapide : un clignement d’œil et c’est fini. Une fois l’échéance du livre arrivée, le livre numérique retourne de lui-même à la bibliothèque. Avouez, c’est gagnant quand on surveille cette précieuse énergie quand on vit avec l’EM.  Un autre avantage personnel que j’ai constaté : le petit carré de la liseuse m’aide à me mieux me concentrer sur la lecture. Et un livre numérique de 400 pages ne pèse pas plus que la liseuse elle-même. Ça aussi, ça aide à conserver l’énergie physique. J’achète encore des livres papier, mais de référence seulement. 


Parmi ces anciens plaisirs, un autre reste d'actualité: écrire. J'aime beaucoup écrire. D'ailleurs, je vous parlerai prochainement d'un petit projet d'écriture qui me passionne...

 


Come stai?  

 

Il y a quelques mois, j’ai suivi des cours de langues en ligne. J’ai rafraichi l’espagnol que je connaissais déjà, mais l’italien était tout nouveau. J’ai vraiment adoré suivre ces cours. Pourtant, -à moins d’une guérison miracle à laquelle je ne crois pas-, il n’y a aucune chance que je ne parte à l’aventure en Espagne ou en Italie….N’empêche, ce fut un vrai plaisir. Mine de rien, ça m’a fait voyager sans quitter ma maison, et j’ai adoré les jolies sonorités de ces langues. Je me suis même amusé à faire quelques recherches sur des légendes italiennes. 

 

J’aime continuer à apprendre, à mon rythme. 


 




Les plantes, vous dites? 



Prendre soin de mes plantes fait partie de mes plus grands plaisirs, un plaisir qui s’étire sur quatre générations, et probablement au-delà.  Ma grand-mère avait une grande maison remplie de plantes diverses dont j’ai encore des images en tête. Comme j’étais petite, on aurait dit que je circulais dans une jungle. Ma mère aimait aussi les plantes d’intérieur, j’ai encore grandi avec beaucoup de plantes. Depuis, où que je sois, il y a des plantes chez moi. Je leur parle, je les bichonne. Je les observe de près, je les déplace aussi de temps à autre, et les regroupe. Toutes mes filles adorent les plantes et le jardinage urbain. Une d'elle est même horticultrice, elle en a fait sa carrière. 

 

Les plantes -que j'ai en abondance- sont une forme de vie discrète dont je m’accommode fort bien : aucun bruit, pas de litière, pas de vétérinaire... La seule responsabilité de prendre soin de mes plantes est suffisante pour moi, et ça m’apporte du plaisir au quotidien. 


Cette année, j'ai encore ma petite cour et ses plantes. Un peu moins nombreuses que l'an dernier, n'empêche. C'est mon petit havre de paix dont je m'occupe lentement. 


 

Les plaisirs à (re) découvrir...


 

-Jeune, je dessinais passablement. J’aimerais m’y remettre, et explorer plus sérieusement ce médium. 

 

-De temps à autre, je sors ma machine à coudre pour me faire un pantalon de coton. Là aussi, j’aimerais coudre plus souvent, et j’ai un petit projet en tête. Je veux coudre de petites pochettes de coton avec des retailles de tissu. Ça peut faire de jolis cadeaux, et je m’amuse en même temps. 


-J'aime écrire et pourtant...je ne le fais pas suffisamment. À explorer, ici aussi. 

 

J’aime me lancer de petits défis tels justement, découvrir de nouveaux plaisirs. Je garde l’œil ouvert pour en découvrir d’autres qui respectent ma condition de santé et mon niveau d’énergie. 

 

Les prochains projets seront de m’essayer à l’aquarelle, la peinture à doigt, etc. Les tutoriels ne manquent pas à cet effet, et je m’y mettrai quand je sentirai d’attaque. 

 

Je ne cherche pas la perfection, juste à m’amuser, à avoir un peu de plaisir. 

 

Si je suis assez en forme à l’automne, j’aimerais aussi suivre un cours en ligne d’herboristerie sur les plantes médicinales. J’ai déjà une attirance pour ce domaine, et j'aimerais explorer plus à fond. 


Un plaisir à explorer plus à fond dès maintenant: débranchement virtuel total et silence pour toute la journée, à ne rien faire. Oui, oui, à ne rien faire...

 

Les petits plaisirs sont les carburants de la vie. De ma vie, oui. 


Une vie plus petite, et où les plaisirs ont encore de la place


Et je vais leur en faire, de la place, il n'en tient qu'à moi. 


Ces moments de plaisir, même brefs, m'aident à me centrer sur autre chose que la maladie, et sont comme de mini vacance. C'est comme si je disais à mon cerveau, "tiens, regarde un peu ce qui se passe par ici"...y a du plaisir. 




Je vous souhaite un bel été, avec bien des petits plaisirs pas trop énergivores.


🌻

 

 

 

jeudi 11 mai 2023

12 mai, journée internationale de l'encéphalomyélite myalgique





En me levant de ma sieste aujourd’hui, je me suis mise à pleurerRien ne pouvait arrêter ce flot de larmes. 

J'ai laissé couler...
J'ai laissé aller


J’ai pleuré sur moi, sur cet épuisement qui ne s’arrête pas, pas même après m’être allongée des heures, des jours, des années. Un épuisement profond que rien de repose depuis 2005. 

J’ai pleuré sur tous ces symptômes débilitants reliés à l’encéphalomyélite myalgique. Loin de se calmer, ils ont tendance à augmenter. La maladie évolue à son rythme. 
 
J’ai pleuré parce que je peux rarement voir mes petits-enfants ou recevoir plus d’une personne sans tomber en malaise post-effort pour des jours. 

J'ai pleuré sur le fait que je ne peux plus faire de vélo, nager, ou juste marcher tout mon saoul.
 
J’ai pleuré sur à peu près tout.
 
Étrangement, je pleure pour toutes sortes de petites choses qui me touchent, mais rarement à mon sujet. 

Aujourd'hui, j'ai 90 ans. Dans les faits, j'en ai 61.

Après cette session de pleurs sur mon divan, je me suis levée, j’ai lavé mon visage.
J’ai pensé aux milliers de personnes affectées de par le monde, comme moi, par l’encéphalomyélite myalgique. Dont des cas beaucoup plus sévères que le mien. 

Pour elles, pour moi, pour nous tous malades, je suis sortie 5 minutes pour semer quelques  graines de capucines sur le palier de mon logement.

Je vais veiller à leur croissance comme je peux.

 


J’ai semé pour nous tous qui souffrons dans le silence de nos maisons et de nos chambres sombres. 

Pour que ces souffrances cessent, un jour. 

Pour que les recherches avancent et multiplient.

Pour que des traitements soient enfin découverts.


Et que malgré tout, nous puissions éprouver un petit peu de joie, même en étant si malade.
 
Espoir
Résilience
Force
 
Il y a de cela deux jours, j’écrivais ceci à une personne qui vivait une grande peine:
 
« Ta véritable force est d’admettre que parfois, tu ne l’es pas. C’est ça la vraie force. S’avouer à soi-même qu’on n’est pas tout le temps fort est déjà un grand pas. Après tout, on est humains. » 
 
Je ne savais pas que j’écrivais aussi ces mots pour moi, et qui sait, peut être aussi pour vous.


🌻

 
 

mercredi 29 mars 2023

Une nuit à l'urgence





Vivre une nuit à l’urgence quand on vit avec l'encéphalomyélite myalgique (EM), équivaut-il à envoyer une personne de 80 ans danser dans un rave toute une nuit? Ou grimper une énorme montagne pendant des heures sans aucun entrainement physique préalable?  

Je ne sais pas. Bien malgré moi, je cherche des exemples plus ou moins farfelus pour faire comprendre autour de moi comment ce type d’évènement est très rude physiquement et mentalement pour les personnes affectées par l'EM (PAEM).

Vivre une nuit dans une urgence est une expérience assez difficile à vivre pour le citoyen ordinaire. On le sait, l’urgence d’un hôpital n’est pas un lieu de tout repos, tant s’en faut. Le niveau de stimulus de toutes sortes est très élevé. Mais pour une personne affectée par l’EM, c’est une expérience qui relève du cauchemar et qui nous affecte très durement. 

Et que dire des impacts, quelques jours plus tard? 

***
 
« Allo René? Peux-tu m’accompagner à l’urgence, je ne me sens pas bien. »
 
J’appelle mon voisin et hop, nous voilà partis vers l'urgence de de l’institut de cardiologie de Montréal.  Quelques minutes plus tard, on me passe déjà un ECG puis on me branche à un moniteur cardiaque. Une de mes filles vient me rejoindre. Un visage connue et aimé, ça fait du bien. 
 
Même si selon elle, il n’y a rien d’inquiétant, la cardiologue du triage recommande que je reste en observation pour une nuit. J’accepte. On m’installe sur ma civière…ça bouge dans tout sens à l’urgence, comme dans toutes les urgences. Pour ajouter au chaos ambiant, on m’informe que l’urgence déménage dans quelques heures dans de nouveaux locaux. Une sorte de journée historique à venir pour tout le personnel (1).

18 :00 une fois dûment branchée à un super écran qui détaille tout, une infirmière vient me voir pour des prises de sang et le test covid. 
 
Je mange une pomme que j’avais apporté au hasard. Je ne demande pas de repas, je suis déjà trop épuisée. Tout ce que je veux, c’est m’allonger et dormir, même si je me doute bien que ce sera un sacré défi. 

Nous le savons tous, de simples rideaux de coton ne peuvent bloquer ni bruits ni lumières. Même avec mes bouchons performants, impossible de m’endormir. J’écoute tout, j’entends tout.  Les conversations, les bruits des appareils, les chariots qui roulent etc. Je fixe le plafond de mon petit espace, rêvant de ma chambre et de mon lit. Je respire doucement, essayant de faire le vide... je sais bien que les prochaines heures seront difficiles à vivre. 
 
21 :30 : Un cardiologue vient me voir. Je lui décris les sensations, lui montre mes valeurs cardiaques. Il m’ausculte…Est-ce un mauvais timing de ma part ou...? Dans tous les cas, je montre au cardiologue un document sur l’EM et lui dit: se pourrait-il qu’il y ait un lien avec cette maladie? 

Il jette tout au plus un œil et dit: « Moi madame, je traite le cœur. C’est ça que je connais. Je ne connais pas cette maladie. Je vais donc me concentrer sur ce que je connais, le cœur . » Il me redonne le document et il quitte. 

À ce point de la soirée, j’en viens même à douter de la pertinence d’être venue à l’urgence. N’étais-je pas mieux de remballer mes affaires et de rentrer chez moi? La réaction du cardiologue m'a dérangée, j'avoue. Je suis convaincue que mon état d’épuisement avancé et un sacré brouillard de cerveau me faisaient douter. Le bon sens l’a emporté : que l’encéphalomyélite myalgique soit connue ou pas des cardiologues de l’urgence, et que ce soit la cause ou non de mes malaises, il faut que mon cœur soit examiné de près. 
 
11 :30 incapable de m’assoupir. Est-ce parce que j’ai faim sans le ressentir? Dans tous les cas, je mange un muffin que j’avais pu emporter, assise sur ma civière. Je m'allonge à nouveau et j’essaie de respirer lentement et de me laisser aller…
 
3 :00  un grand bruit, deux civières plus loin. Une patiente, en voulant se lever, a fait tomber sa chaise d’aisance et tout son contenu… Je vous laisse imaginer le branle-bas de combat de bruits et de manœuvres en pleine nuit pour nettoyer les dégâts. 
 
Je me lève plusieurs fois pour aller aux toilettes, aveuglée par les lumières. Tant pis, je retourne m’allonger. Peu de sommeil dans le corps. Si je me fie à ma montre intelligente, il semble que j’aurais dormi environ 1 :30 cette nuit-là.
 
7 :00 sans surprise, j’ai des maux de tête, les yeux rouges comme un lapin, mais on s’en fiche. Tout ce que je veux, c’est VOIR LE CARDIOLOGUE et qu’on me dise ce qui se passe. 
 
8 :00 c’est la distribution du petit-déjeuner. Du pain, au départ rôti, est maintenant tout mou sous la cloche de plastique. On s’en fout. J’ai faim, je suis au-delà de l’épuisement. Quel est le mot plus fort que celui-ci, ensuite? 
 
Une infirmière m’avertit que le déménagement de l’urgence commence dans moins d’une heure. Sur ma civière, je déménage comme les autres patients vers la nouvelle urgence avant d’être vue par le cardiologue et d’obtenir mon congé. 
 
9 :00  on déménage. Une infirmière attrape mes effets et on se dirige vers la nouvelle urgence. Je serai la première patiente qui a utilisé la chambre 21 de l'institut. 

So what? Si les nouvelles urgences des hôpitaux du Québec sont comme celles-ci, alors nous sommes devant une évolution vraiment positive. Le poste des infirmières est entouré de chambres non plus séparés de rideaux, mais bien des chambres avec de grandes portes vitrées coulissantes. Ces portes coupent les bruits de façon vraiment notable. Une fois dans cette chambre et avec de meilleures conditions, c’est là où j’aurais probablement pu m’endormir. D’ailleurs, j’ai pu réussir à m’assoupir quelques minutes avant de voir le cardiologue. 
 
Finalement, le cardiologue a ajusté ma médication, effectués certains tests avant la sortie et prescrits d’autres tests plus poussés à faire dans les prochaines semaines.
 
12 :30 un dernier test signe ma sortie.  J’appelle un ami qui vient me chercher. Je n’attends même pas qu’il soit arrivé : je m’installe dehors assise dans mon déambulateur. Je respire à pleins poumons l’air frais qui me manquait tant depuis hier. J'ai tellement hâte d'arriver chez moi.

 


Retour à la maison


Abasourdie et crevée, je prends une douche et saute directement dans mon lit. Le lendemain, ma fille aînée est venue me visiter pour une heure. J'étais encore sous le coup de l'adrénaline des dernières heures et j'ai pu discuter un peu avec elle. Ça m'a fait un bien fou de la voir et de la serrer dans mes bras.
 
Les deux premiers soirs, j’ai dormi "presque normalement", c’est-à-dire 8 heures d’un sommeil de mauvaise qualité, celui auquel je suis habituée depuis tant d'années!

3 jours plus tard, ça y est : c’est le malaise posteffort et ses effets dévastateurs.

C’est là où personne ne nous voit ramer, du moins pour ceux qui vivent seuls comme moi.
 
-les muscles du corps qui brûlent
-appétit disparu 
-concentration et attention difficile
-maux de tête
-jambes qui tremblent
-forte intolérance aux bruits, lumières
-forte sensation de faiblesse, comme si j’allais mourir. Je répète: comme si j'allais mourir. 
-les yeux grands ouverts, JE VEUX DORMIR. J'y arrive difficilement: je suis électrique, survoltée
-difficulté à parler
-Brouillard cognitif fort 
-Intolérance plus élevée aux odeurs et parfums


Bien sûr, ce n’est pas la première fois que je vis un malaise post-effort de cette ampleur, aussi puissant. Mais c’est toujours une fois de trop, on s’entend. 

Une difficulté nouvelle s’est ajoutée, celle de parler. J’avais encore ma voix, mais parler me demandait un tel effort, comme si je manquais d’air pour arriver à la faire sortir. Je crois plutôt que c’était dû au malaise post-effort élevé. Je ne suis pas médecin ni scientifique, mais je soupçonne que ce problème pourrait être relié au nerf vague. 

En malaise post-effort, le corps est dans un état d’inflammation encore plus aiguë, et le nerf vague est certainement mis à très rude épreuve dans ces cas-là. Il essaie bien de remettre les choses en place dans ce corps malmené, mais le défi reste de taille. 
 
Comme un ordinateur, j’ai « fermé des fenêtres ». Réduction de lumière, de bruits, de télé, de stimulations. Pour quelques jours, pas d’appel, peu de texto, de télé, question de donner une chance à mon corps de récupérer. Dans ma petite cour remplie de neige, je me suis assise sur un petit banc pour faire un peu de cohérence cardiaque, question de m’oxygéner en même temps. De l'air frais pour mon système immunitaire et ma santé mentale. J'ai aussi usé le circuit divan-lit, lit-divan à gogo, même si dormir relevait du défi. S'étaler, c'est déjà ça.
 
Avec le recul, je sais que cette nuit à l’urgence m’a coûté très cher. Trois jours avant, j’avais eu un rendez-vous médical dont je n’avais pas encore récupéré, un épuisement qui s’est ajouté à ce qui allait venir. 

Je suis prise dans une sorte de malaise post-effort multicouches dans mon corps.
 
C’est maintenant devenu systématique pour moi, comme pour beaucoup de personnes affectées par l’EM : un rendez-vous médical égale un malaise post-effort à tout coup. S’il est vrai que c’est déjà difficile à vivre et à « aplatir » avec le pacing, il reste que des extra, comme cette nuit à l’urgence, viennent encore compliquer les choses pour les malades de l’EM. 
Ces extra coûtent chers et comportent aussi des risques : celui de rester « coincé » dans une phase aiguë, en bref, de rempirer la situation de santé déjà hypothéquée. 

La santé peut-elle s’hypothéquer davantage avec ces malaises post-effort à répétition? La réponse est oui.  (2) 

Je ne suis pas en état sévère, mais le risque est pourtant bien réel de s'y retrouver si je ne fais pas attention à ma précieuse énergie. L'idée n'est pas de vivre dans la peur (quoi que...), mais plutôt d'en être conscient et d'appliquer le pacing (3) le plus possible. Je ne vois pas d'autres manières de conserver le peu d'énergie physique. 

À elle seule, l’encéphalomyélite myalgique demande beaucoup d’énergie au quotidien, ne serait-ce que de composer avec les symptômes imprévisibles et une énergie sur laquelle on peut difficilement compter, car incertaine et instable. D’autres problématiques de santé s’ajoutent, alourdissant encore davantage la situation de santé. Je pense ici aux personnes affectées qui sont passées à travers un ou des cancers et bien d’autres maladies. 

Je relève lentement et péniblement de cette nuit. Je recommence à peine à reprendre le cours normal de ma vie. C'est fragile pour tout vous dire. 

Au moment de terminer ce billet, on vient de m'appeler pour me donner un rendez-vous à l'institut dans les prochains jours, un des tests à effectuer.  

J’espère au moins ne pas revivre une telle nuit de si tôt. Les coûts physiques et émotifs sont éminemment élevés. Je n’ai pas le moyen de vivre de tels coûts sans conséquences importantes sur ma vie. 

Je mise sur l'arrivée du printemps et de la douceur du temps pour me remettre encore mieux sur pied, si cela se peut.

🌻





mardi 28 février 2023

En attendant le printemps, de tout et de rien.



En attendant le printemps, voici quelques pensées sur mon air du temps. Ce n’est pas qu’il y a tant à dire, tout juste une somme de petites choses du quotidien.
 
Au moment d’écrire ces lignes, une délicieuse odeur de muffins à l’orange et aux dattes flotte dans ma maison. Je rêvais d’en cuisiner depuis le mois de janvier, ce qui ne me ressemble pas. Parce que j’ai pour habitude d’en cuisiner de 2 à 3 fois par mois. Pourtant jusqu’à ce jour, les muffins étaient pour moi une de mes recettes idéales, car elle comporte peu d’étapes et se mélange de façon grossière. L’énergie manque, et l’envie aussi. Comme si mon "ressort" habituel, ce qui me fait bondir par en avant,  ne rebondit justement pas. 
 
Autre sujet. Pour l’été qui vient, j’ai décidé de ne pas démarrer de semis, une première depuis des années. Là aussi, le ressort-semis ne rebondit pas. Pourtant, j’adore lancer cette aventure chaque année.  J’achèterai les fines herbes déjà bien fournies, et ce sera OK comme ça.  

Dans tous les cas, j’observe ce phénomène de non-rebondissement. Et j’ai décidé de le suivre sans trop me poser de questions.  Je ne force pas, je laisse aller, je laisse vivre. Je pense devoir respecter et honorer cet état, et je me sens bien avec ça.
 



 
Tournée médicale

J'ai débuté la tournée de mes spécialistes. La semaine dernière, j’ai vu le cardiologue, et la semaine prochaine, le neurologue est prévu à l’horaire. 
 
Je me suis fait un petit cahier de notes divisé en section par spécialistes. Rassembler ainsi mes notes m’aide passablement. Par exemple, si je ressens des symptômes particuliers, je vais les noter dans la section à cet effet. Si entre temps, j’ai obtenu des rendez-vous qui impliquent d’autres spécialistes, alors je peux facilement y référer et lire les notes prises lors des rendez-vous. Ça m’aide à mieux gérer mes rendez-vous médicaux et à conserver les notes de ce qui a été dit. Mes rendez-vous sont souvent en après-midi, période très difficile sur le plan énergétique et cognitif. Le brouillard de cerveau me tombe dessus, difficile de rester "présente". 

Je ne me casse pas trop la tête avec la prise de notes : je mets des mots-clés, et me connaissant, je sais que ça m’aidera à me rappeler de quoi il était question, ou presque. En somme, j’essaie un peu d’être mon propre médecin de famille en centralisant les informations. 
 
Mais ce que je trouve difficile à vivre, c’est de ne pas avoir de spécialiste pour l’encéphalomyélite myalgique. Certes, j’aurai un nouveau médecin de famille cet été, et c’est beaucoup déjà, je l’admets. Je n’ai aucune idée de ce que seront ses connaissances sur l’EM. Quoiqu’il en soit, pour le moment, comme bien d’autres personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique, je ne saurais vers qui me tourner si je devais consulter sur ma situation de santé. 




En attendant le printemps, je visionne ma magnifique collection de photos de fleurs de l’été dernier. Dans mon petit cocon de chaleur, je m’occupe de mes plantes d’intérieur, et je pense à la nature endormie sous la neige qui ne manquera pas de s’éveiller dans peu de temps encore. 
 
Si je pouvais être un bourgeon, soyez-en certain, je m’éclaterai avec joie à ce merveilleux soleil tout chaud de printemps à venir :)

 
Finalement, mes muffins sont prêts. Je vous en offre un? 
 
 
 

 

J'ai remplacé le beurre par de l'huile, j'ai ajouté des graines de chia et des amandes moulues. Très bon, pas trop sucré. 
 

mercredi 8 février 2023

"Ma maison" par Hélène F.

 


J’aimerais vous parler de mon havre. 

C’est un bel endroit à mon image, avec mes photos, mes pots de fleurs, mon jardin que j’aperçois depuis mon lit. J’ai tant de chance ! 

On m’ouvre les fenêtres et la porte du jardin, je laisse l’air du dehors me caresser le visage et remplir ma maison. Je sens l’humidité, la pluie, la chaleur, le bruit de la ville, mais aussi l’herbe coupée, le vent, et les pétales de fleurs des cerisiers venir jusqu’à moi grâce à une brise légère. 

Il y règne une douceur rassurante.

Rassurantes comme mes auxiliaires de vie, mon matériel, mes adaptations. Rassurant comme la répétition de mes aides et des gestes du quotidien qui ponctuent mes journées sans surprise dans ce havre. 

Ce havre, c’est ma protection qui me sauve littéralement des sollicitations de la vie normale, des conversations, des bruits, des sons, des mouvements, de la lumière qui me feraient me dégrader encore plus. C’est un rempart contre l’agitation du monde et de la vie ordinaire, même si les bonheurs et les soucis parviennent évidemment à pénétrer ma bulle. 

Dans ma bulle, je choisis par toutes petites touches, mes agitations : radio, ouverture sur le monde et ses débats, interactions sociales. Pour vivre juste l’essentiel avec mes tout proches. Pour éviter l’enfermement qui coupe et sépare. Sans m’aggraver, juste pour espérer. 

Parfois découragée et triste, je me dis que mon havre est surtout une prison qui m’isole, avec mes murs, mes fenêtres d’où j’entre aperçois les voisins, les bruits. Bref, la vie ordinaire qui passe sans moi, au fur et à mesure que les années passent. 

Si ma santé se stabilise puis s’améliore enfin, au moins un peu, comment pourrais-je un jour, sans peur de me redégrader, ressortir doucement et retrouver la ville et un semblant de vie ordinaire ? De toute façon, cette interrogation n’est pas d’actualité. 

Alors je regarde mes fleurs, m’émerveille de leur beauté et je reprends espoir. 
L’espoir qu’avec le temps et le repos, mon état s’améliore. 

L’espoir qu’un traitement à l’EM arrive. Pour petit à petit, retrouver un périmètre de vie élargi, puis grand comme le vaste monde qu’il me reste à découvrir. 

Je suis encore si jeune, j’ai tant de rêves !


Hélène F.
Massy, France 
 
 



dimanche 29 janvier 2023

Le mode conditionnel et la réalité


Si on ne peut avoir la réalité, un rêve vaut tout autant. -Ray Bradbury



J’aimerais faire tant de choses!

Je rêve...

J’aimerais partir en randonnée dans le bois et faire de la raquette dans la belle neige poudreuse. La réalité, c'est qu'après seulement quelques minutes de marche, je dois m’asseoir sur mon déambulateur, les jambes tremblantes. Je n'ai pas de "jus" (énergie), comme on dit au Québec.


J’aimerais sauter dans une piscine et nager tout mon saoul comme je le faisais «avant» l'arrivée de l'encéphalomyélite myalgique. La dernière expérience de quelques minutes a résulté en un malaise post-effort, même sans avoir vraiment nagé. Je rêve de re-tenter l'expérience...un de ces jours.


J’aimerais aller danser et rentrer tard. S'il m’arrive de faire quelques pas de danse chez moi (rares, il faut le dire), je ne peux plus boire d’alcool (crash garanti), ni me coucher « tard ». Tard pour moi étant maintenant de s’endormir à 20 :00. 





J’aimerais accompagner un ami dans sa maison de campagne sur le top d’une montagne. Pour y arriver, il faut dix heures de route. Après une sortie d’une heure dans mon quartier, je suis épuisée et je rentre. Comment faire toute cette route sans tomber dans un malaise post-effort "dont les coûts physiques et émotifs sont élevés? 


J’aimerais louer une voiture et partir à l’aventure dans la magnifique région de Charlevoix. J’en rêve depuis des années déjà. Je n’ai pas conduit depuis maintenant cinq années, et le voyage est long, encore une fois.  Je m’épuise trop rapidement.


J’aimerais remplir ma valise et voyager en Europe, Amérique du Sud, etc. 
C’est à peu près l’équivalent de vouloir aller sur la lune en terme énergétique. Pourtant actuellement, il m’est difficile de visiter mes filles dans ma propre ville.


J’aimerais être en train de train de travailler dans mon ancien bureau et retrouver mes collègues. Impossible, juste impossible. Je me tiens près de chez moi, près du lit et du divan. C'est mon circuit de sécurité physique en tout temps avec un épuisement élevé et les changements rapides qui surviennent. 


Parfois, juste vivre le quotidien demande beaucoup d'énergie. Souvent, il ne reste pas grand chose pour....autre chose! 

 
Je me suis faite une liste de petits projets à réaliser. Et j'ai vraiment envie de les faire. Pourtant, rien ne rebondit pour me mettre à l'action. Ce n'est pas que cet état me plaît, mais ne rien forcer reste la meilleure solution, pour le moment. 


Un rêve, en particulier, ne me lâche pas depuis des années. C'est celui de pouvoir mettre mes pieds dans un océan, n'importe lequel. 

Faute d'énergie et de faisabilité, j'écoute alors le son des vagues et me laisse emporter vers un ailleurs. Quand je prends ma douche assise le matin, je pense souvent à ce rêve d'océan. Je me console en me disant que j'ai la chance d'avoir accès à de l'eau courante, ce qui n'est pas le cas pour tous sur la planète...

La réalité est aussi simple que cela. J'ai le temps, l'argent mais je n'ai plus la santé pour ces rêves...

Il me reste internet. J'adore suivre les pages de ceux qui vivent en pleine nature, comme la page de Jonna Jinton qui sans forêt suédoise, rejoint 4 millions de personnes:  https://www.youtube.com/watch?v=HsKWoCJ3eq4







mardi 10 janvier 2023

C'est à mon tour

 



La fin de l’année 2022 n’avait pas encore dit son dernier mot chez moi. 
 
Après avoir distribué généreusement de grands câlins à mes visiteurs, -sans masque et sans méfiance aucune, la covid m’est tombée dessus. 
 
Le lendemain, un mal de gorge foudroyant. Et rapidement les maux de tête, nausées, sensation de faiblesse décuplée, perte de l’odorat et du goût ont pris le relais. Je n'ose imaginer ce que cela aurait été sans les cinq vaccins reçus à date. 
 
Famille et amis ont été avertis, et tous n’attendaient qu’un signal de ma part pour débouler avec de la nourriture, des médocs etc. 

Deux paires de voisins sont venus me livrer des repas maison, quelle merveille. Le seul hic: je ne goûtais rien. 
 
Je me suis un peu forcé à manger, pour me soutenir, mais l'appétit avait disparu. 
 
Je remonte de tout cela avec lenteur. Dans tous les cas, je me suis dit que je n’avais pas besoin d’avoir peur de me retrouver en état covid longue, j’ai déjà l’EM. Une certaine ironie que vous comprendrez probablement. 
 
Déjà, ma liberté d’action est limitée en vivant avec l’encéphalomyélite myalqique. Ce retrait chez moi m’a fait vivre de la colère, de la tristesse. Je ne suis pas fière de mon imprudence, avec mes câlins des Fêtes. 
 
Ce temps covid m’a fait réaliser que même en adoptant une discipline de vie, bien d’autres défis de santé peuvent se pointer et ajouter du poids à la situation. 
 
J’ai réalisé, encore une fois, combien ma marge de manœuvre physique est bien mince avec l’encéphalomyélite myalgique en toile de fond, devant des imprévus comme la covid. 

J’ai vraiment bien peu de résistance physique et émotive pour y faire face. 

Ma liberté de mouvement habituelle s’est retrouvée limitée du jour au lendemain. Emmitouflée, j’ai réussi à prendre l’air dans ma petite cour arrière, non sans penser à ceux qui ne peuvent pas même sortir. 

Ici, je pense aussi aux personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique qui sont en état sévère ou ceux doivent faire face à d’autres défis de santé. Bien d’autres problèmes de santé et comorbidités peuvent complexifier un tableau déjà lourd.
 
J’ai fini par vraiment sortir de chez moi, aspirant goulûment l’air frais comme si je sortais de prison. Et pour moi, oui, c’en était une. 

Sortir à tout prix, même si j’ai encore un peu les jambes qui flanchent, des jours plus tard. 
 
J’ai presque retrouvé le niveau de liberté habituelle d’avant la covid. 
 
Ma conclusion est que même si mon niveau de liberté est bien mince en vivant avec l’encéphalomyélite myalgique, il reste que j’y tiens mordicus. 

Je vais tout faire pour la préserver farouchement.


Exit les câlins :)