mardi 22 août 2023

Témoignage: L'encéphalomyélite myalgique très sévère par Hélène F.




Je suis habituellement en état sévère de l'encéphalomyélite myalgique. Une aggravation progressive suite à un malaise post-effort me plonge actuellement dans l'état très sévère. Depuis longtemps, mon lit est déjà devenu mon unique univers, je suis enfermée dans mon corps. L'encéphalomyélite myalgique, c'est ça aussi. 

Je suis allongée dans mon lit, un peu recroquevillée, c’est le nid où je vis. Je n’en sors quasiment plus jamais.

Il fait noir ou plutôt j’ai les yeux fermés, j’ai du mal à supporter la lumière ; je suis trop fatiguée pour soulever les paupières. Je crois qu’on est en début d’après-midi, mais je ne sais plus vraiment si mes auxiliaires sont déjà venues, et si elles m’ont déjà donné ou non mon petit déjeuner. Je ne sais plus trop ; mais si, il me semble qu’elles m’ont déjà fait ma toilette au lit. Je ne sais plus. Je me rendors à moitié. 

Je suis trop fatiguée, je pense à une seule chose : limiter tous mes mouvements. Mon corps est à la fois endolori et mes cuisses me font mal. J’ai soif, j’ai ma bouteille d’eau tout contre moi, mais je m’interdis de boire. Ma grande question est: comment vais-je arriver à aller sur ma chaise percée contre mon lit ? J’ai besoin d’aller aux toilettes. Réfléchir est trop fatigant. J’attends, je peux toujours attendre, on verra plus tard. Je me rendors.

Il faut que je boive, j’ai vraiment trop soif. C’est difficile de bouger les bras, d’attraper ma bouteille pourtant contre moi, d’ouvrir le bouchon, de la soulever un peu, elle pèse des tonnes. Heureusement, je sais maintenant boire allongée sans bouger, quelle que soit ma position. Je referme ma bouteille, me recroqueville. Il faut maintenant que je récupère. Je me rendors.

J’aimerais écouter un podcast pour m’évader un petit peu, autrement que dans mes rêveries. Mon téléphone est contre moi, avec tous mes podcasts. J’en choisis un au hasard, tous m’intéressent. Cela fait maintenant 30 secondes que l’émission a commencé, mais je n’ai rien suivi. Je suis trop fatiguée. J’éteins mon téléphone et me rendors.

J’ai besoin d’aller aux toilettes, je ne vais plus pouvoir me retenir longtemps. Je ne sais pas comment font les malades qui ne peuvent plus du tout bouger. Il faut que je me retourne dans mon lit pour pouvoir ensuite me relever. Mon corps est si lourd à déplacer juste de quelques centimètres. J’utilise la télécommande de mon lit médicalisé. Il relève mon buste. Grâce au kiné, je sais comment basculer mes jambes et me hisser en utilisant le moins d’énergie possible. Ces mouvements me sont précieux. Je suis maintenant assise contre sur mon lit. Ma chaise percée est quasiment contre moi. Il va falloir que je me soulève un peu en tournant pour me transférer dessus. Je dois auparavant récupérer un peu, mais en même temps je ne peux pas rester longtemps assise, c’est trop dur. Je prends mon élan et retombe un peu brutalement sur ma chaise percée. Il faut encore que j’arrive à enlever ma culotte. Encore un effort et j’y suis presque. Ça y est, je peux enfin uriner. Je remonte ma culotte en restant assise, j’y arrive avec cette chaise percée. Je reprends mon élan pour repasser assise sur mon lit, mais m’écroule directement allongée. Il faut encore que je me tracte pour me réinstaller bien, la tête contre mon oreiller, c’est là où je suis le mieux. Je me rendors.

Je ne sais plus quelle heure il est, j’ai oublié de regarder sur mon téléphone. Tant pis je le reprendrai plus tard, tout peut attendre de toute façon. Je suis trop fatiguée. Mes membres sont lourds, tout m’écrase, je suis écrasée par l’apesanteur et l’épuisement. Je me rendors.

J’aimerais pouvoir me mouvoir, mais tout mon corps me fait trop mal. Il a comme été broyé. Je cherche une position la moins douloureuse et inconfortable, me recale. Ma torpeur est salutaire. Je retourne dans mes rêveries sans fin.

Je rêve de montagnes, de fleurs, de papillons. Je rêve de torrents, de sentiers. Je rêve de marcher, de courir, de voler. J’y retournerai, mais plus tard. Pour l’instant, je voyage dans ma tête. 

Ce qui me semblait encore un peu possible avant l’été, c’était aller parfois dans mon jardin m’allonger sur ma chaise longue. J’ai réussi seulement 3 fois en deux mois. Trois fois un petit quart d’heure début juillet. Trois fois en un an et demi. Mais ces dernières semaines, tout est devenu trop dur, je n’arrive plus à me mouvoir. Je reste dans mon lit, j’y suis bien, c’est là que je vis, c’est mon nid douillet. 

Je laisse le temps glisser sur moi, je ne me soucie plus du quotidien pour vider ma chaise percée, pour me donner à manger. Je suis confiante, mes auxiliaires viendront le moment venu. Je me rendors. 

Le temps glisse. Demain ou après-demain sera un jour meilleur. Et je profiterai de l’été sur ma chaise longue l’année prochaine, ou l’année d’après. Puis de mes montagnes tant aimées. Ce n’est pas grave, l’important c’est d’abord de me reposer et de me réécrouler pour dormir. Pour me restaurer. Pour survivre. 


Ce qui reste essentiel alors pour les PAEM en état très sévère, à mon avis : 

- satisfaire les besoins de 1ère nécessité du malade,
- donner au malade un sentiment de sécurité qui permet le lâcher-prise
- abolir toute stimulation pour privilégier le calme absolu,
- sans oublier d'avoir l'affection indéfectible des proches".

Merci pour nous...


Hélène F, 
Massy, France


lundi 14 août 2023

En perte de vitesse





J’ai pensé que c’était à cause de la saison estivale
Les canicules, les pluies diluviennes, la fumée des feux de forêt, etc.
Je me suis reposée encore un peu plus.
J’ai diminué mes activités...
J’ai lâché prise sur le rangement, sur le degré de propreté de ma maison.
J’ai diminué de cuisiner aussi, sans toutefois sacrifier de bien me nourrir.
Mes petits plats congelés m’ont été fort utiles.

Cet été, je constate que mon endurance a diminué.
L’énergie est plus basse. 
Ma fréquence cardiaque a tendance à s’emballer plus facilement.
Je suis plus irritable, j’ai la mèche courte, comme on dit au Québec.
Je suis aussi plus intolérante encore aux bruits, à la lumière forte.

Une visite d'une seule personne pour pas même une heure me demande une énergie folle.
 
Mes sorties à l’extérieur ont diminué.

Même ma montre intelligente (elle fait bien son boulot) m’indique que je brûle moins de calories, et que ma démarche est faible, même avec mon déambulateur. 
 
Bien entendu, je me pose des questions, celles que presque toutes les personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique se posent:
 
Est-ce une situation temporaire ?
Est-ce tout juste l’évolution normale de l’EM ?  
 
Je ne sais pas, seul le temps le dira.
 
C’est aussi ça, vivre avec l’encéphalomyélite myalgique : pas mal de questions, pas souvent de réponses claires ou concluantes.
 
 



Aider pour être aidée?
 
Le 8 juin dernier, j’ai rencontré ma nouvelle médecin de famille, une jeune femme qui a gradué en 2017. J’avoue avoir de la chance : mon ancien médecin avait demandé que je sois prise en charge après son départ, et ça a fonctionné. 
 
J’avais préparé ma liste et imprimé les documents de l’INESSS sur l’EM. À la question de savoir si elle connaissait l’EM, elle a été honnête en avouant que c’est par la pandémie qu’elle en a entendu parler pour la première fois. Petit commentaire ici: cela semble confirmer que le cursus de médecine universitaire au Québec n’étudie ni ne mentionne aucunement l’encéphalomyélite myalgique. Quelle surprise, n'est-ce pas?
 
Elle a pris tous les documents, ajoutant même qu’elle les lirait la fin de semaine. Wow, incroyable. C’est vrai, ils sont rares les médecins qui veulent apprendre ou entendre parler de l’EM. 
 
Que la docteure ait accepté de lire les documents est en soi une bonne chose. Mais j’ose dire que ce n’est pas assez : il nous faut bien plus que ça. Ce n’est quand même pas normal que ce soit le malade qui fasse ce « boulot » de sensibilisation et d’information. 

Mine de rien, c’est tout de même un certain poids qui repose sur les épaules du malade, celui d’expliquer ou de démontrer ce qu’est cette maladie et ses conséquences.  
 
Il faut aider pour se faire aider...

Je le fais parce que j’y crois, et parce que je ne peux pas la fermer…

Reste que c’est incroyable, en 2023, que les malades en soient encore à voir leurs médecins avec des documents sous le bras, -comme des cartes de visite -, pour qu’on soit compris, bien pris en charge médicalement parlant, etc., et le tout avec des résultats plus ou moins au rendez-vous. Les seuls moments où le médecin nous voit, c’est quand nous sommes dans son bureau, bien entendu. Et c'est sans compter sur des réactions parfois à la limite du mépris par certains médecins. 

Mais une fois dans le creux de mon lit -ou de mon divan -, il y a moi… et l’encéphalomyélite myalgique. 

Y a pas de médecin qui pourrait de visu, voir ce que c’est de vivre avec une faible énergie ou d’être en malaise post-effort pour des jours, voire des semaines. 
 
D’ici là, je continue mon circuit divan-lit, lit-divan avec quelques petits détours vers la cuisine ou ma petite cour fleurie. 

J’attends les couleurs d’automne pour si possible, aller en profiter avec mon déambulateur que j’aime plus que jamais. 

Et en espérant que la perte de vitesse de mon état de santé se stabilise.

Bonne fin d'été 

🌻

 
 
 

jeudi 29 juin 2023

Juste être

 


Ces jours-ci, je suis concentrée sur les sens. 
 
Je me suis installée il y a quelques jours, sur une place publique de mon quartier pour relaxer et profiter du beau temps.  

Assise dans mon déambulateur, je humais différentes odeurs qui venaient chatouiller mon nez. 

Une odeur de gazon coupé, puis de café et de pain frais. Cette odeur me ramène directement à mon enfance, alors que ma famille vivait près d’une boulangerie. Je savoure alors ce souvenir olfactif précieux qui me plonge dans cette période de ma vie....Pains, brioches, gâteaux.
 
Soudain, une odeur de viande grillée mélangée à celle du charbon de bois passe. Ça y est, me voilà de retour à ce voyage en Afrique, il y a de cela quelques années. Je me suis rappelé ce jour où j’avais savouré un délicieux poulet dans un décor si unique. Réunie avec des amis sympathiques, ce repas est un doux souvenir. 
 
Je ferme les yeux et je laisse ces odeurs traverser mon corps. Les souvenirs et les images montent et passent. 
 
Le matin, l’humidité n’est pas encore élevée, alors je profite des quelques rayons pas trop dardants du soleil pour laisser mon corps s’imprégner de ces petits moments consacrés à ne rien faire. 

Juste être...

Juste respirer lentement, être présente à moi-même. 

Même si j’ai l’impression que mon corps est en douleurs quasiment en continu, je m’attarde maintenant à observer ces quelques rares instants où je ne suis pas crispée, mal dans mon corps. 

Je vous l’accorde, ils sont parfois si minuscules ces moments. Mais oui, il y en a. 

Je me concentre alors sur ces courtes sensations bienvenues pour me détendre, les apprécier, et pour les engranger dans ma mémoire, créant ainsi une sorte d’"album" de sensations agréables dans mon cerveau. 
 
Quand je vis des moments plus difficiles, je fais appel à cet album  et me replonge dans ces souvenirs. Je me rappelle les lieux, les sons, etc., je me concentre sur le fait de les revivre. 

Ma respiration se calme et ralentit. Ces doux rappels envoient un message de détente à tout mon corps et même mon esprit.
 
Et j’utilise la même stratégie avec des moments agréables passés en bonne compagnie : je retourne dans cet album, et je me souviens.
 
 
 
Qualité versus quantité 
 
Je suis une personne qui adore se faire des listes de toute sorte! Un outil si pratique. 
 
Je suis le genre de femme qui ADORAIT faire plein de choses, chaque jour. Bien sûr, depuis que je vis avec l’EM, j’ai passablement diminué mes activités.
 
Reste que j’écrivais encore une liste de choses à faire pour la journée. Je me suis rendu compte que c’était encore trop, et que je me mettais inutilement de la pression. 

En voilà une mauvaise idée quand on vit avec l’encéphalomyélite myalgique!
 
Je fais encore une liste, mais pour une semaine. Ainsi, moins de pression, plus de temps...plus de détente aussi.
 
J’utilise des mots-clés pour de petits projets, des rendez-vous à préparer. J’ai aussi une petite partie consignes/conseils: repos APRÈS telle activité, n’achète pas tel produit en rabais, tu en as déjà, n’oublie pas tel document pour la pharmacie, etc. 


ME REPOSER écrit EN GROSSE LETTRE :)


Si des trucs sur ma liste ne sont pas réalisés dans la semaine, c’est reporté la semaine suivante.
 
J’ai changé mon état d’esprit face à cette liste. L’idée n’est plus de tout faire, mais de bien le faire, et à mon rythme. Je crois que j’étais restée accroché à mon ancien univers.
 
Alors mon but est d’en faire beaucoup moins, mais de bien le faire, lentement. De la qualité, madame, pas la quantité! 
 
Le classique : quand je ressens un peu d’énergie, j’ai pour habitude de foncer vers l’avant et tout faire ce que je voulais faire. Je suis comme bien des personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique. Un petit peu d’énergie et on veut tout faire ou presque.
 
Or, on le sait tous, agir ainsi faire est hautement contre-productif physiquement, car ça nous met en malaise post-effort pour des jours, des semaines voire des mois. Il y a un réel bénéfice à ralentir, à vivre des moments de qualité et non en termes de quantité. Bénéfice physique bien entendu, mais aussi émotif et mental. 

Je me laisse de l’espace-temps, de l’espace mental et de physique pour être. C'est un besoin immense à combler.
 
Nous vivons dans un monde où tout va vite, très vite. 

Dans ce contexte, si les personnes en santé arrivent à y fonctionner, rien ne dit que les personnes affectées doivent suivre la cadence, bien au contraire. Les personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique, de par leur condition invalidante d’épuisement en continu, peuvent difficilement se permettre de suivre ce rythme sans en payer lourdement les conséquences.
 
Je n'ai plus envie de vivre dans un état d'esprit marathon....et j'y veille. Dans tous les cas, c’est sur ce à quoi je me concentre ces derniers temps. 
 
Après tout, je ne suis pas ministre! Et d’ailleurs, je suis bien contente de ne pas l’être. Juste assumer la responsabilité de ma propre vie -avec tout ce que cela implique -, est largement suffisant pour moi. 
 
D’ici là, je vous souhaite de bien profiter de l’été pour permettre à vos sens et votre corps de se détendre et qui sait peut être, d’engranger aussi de doux souvenirs à se rappeler, plus tard. 
 

Bon été 
  

 🌻
 

mardi 6 juin 2023

Mes (petits) plaisirs

 

"Ne laisse jamais passer les instants de plaisir pour rassasier ton corps, un rien suffit." -Auteur inconnu 



Les petits plaisirs sont les carburants de la vie. Ils nous offrent un espace mental et émotif, juste pour soi. 

 

Ce qui nous fait plaisir change avec les années. 

 

Ce qui nous fait plaisir change également lorsque notre état de santé se modifie. 


Et ça se modifie sensiblement lorsqu’on vit avec l’encéphalomyélite myalgique. Notre état de santé et l’énergie requise influencent grandement le choix de ces plaisirs. 

 

Pour ne citer qu’un exemple simple, mais éloquent, pratiquer la natation, le vélo et de longues marches faisaient partie des plaisirs que j’appréciais grandement avant d'être malade. Progressivement, j’ai dû les laisser tomber, un après l'autre. Je n’avais plus les capacités physiques, et c’était sans compter sur les malaises post-effort que je vivais ensuite. J’ai même réessayé d’aller à la piscine en toute douceur, sans succès. 

 

Physiquement, il me reste le plaisir de la marche avec mon déambulateur. Comme je le décrivais ici, c’est ma nouvelle liberté. J’aime aussi pratiquer quelques minutes de légers mouvements de stretching, sans forcer. Je sens que c’est bon pour mon corps.

 

 

« Anciens» plaisirs?

 

Heureusement, j’ai gardé certains plaisirs d’avant tel que la lecture. Dès que j’ai su lire, je n’ai cessé de le faire. J’ai parfois diminué lorsque j’avais de jeunes enfants, mais jamais cessé. 

 

Je lis des romans policiers, des biographies, des essais, des livres de neurosciences, etc.


J’ai la chance de pouvoir encore lire. Je dis cela, car je sais que plusieurs personnes affectées par l’encéphalomyélite myalgique éprouvent de la difficulté à lire. 

 

C’est le cognitif qui déraille. 


Je lis moins longtemps, et moins rapidement aussi. Ma capacité de concentration n’est plus ce qu’elle était. Depuis deux ans, je suis tombée en amour avec ma liseuse Kobo, un cadeau d’anniversaire. Moi qui avais dit que je n’aurais jamais de liseuses! Je ne cessais de dire que l’odeur du livre et la sensation sont essentiels. 

 

De toute évidence, j’ai changé d’idée, et je ne jure que par elle ou presque. 


Les avantages? Je n’ai pas à transporter le poids des livres empruntés à la bibliothèque, par exemple, et vice versa pour le retour. Plus besoin de m’y rendre pour le ravitaillement. Le téléchargement d’un livre numérique est rapide : un clignement d’œil et c’est fini. Une fois l’échéance du livre arrivée, le livre numérique retourne de lui-même à la bibliothèque. Avouez, c’est gagnant quand on surveille cette précieuse énergie quand on vit avec l’EM.  Un autre avantage personnel que j’ai constaté : le petit carré de la liseuse m’aide à me mieux me concentrer sur la lecture. Et un livre numérique de 400 pages ne pèse pas plus que la liseuse elle-même. Ça aussi, ça aide à conserver l’énergie physique. J’achète encore des livres papier, mais de référence seulement. 


Parmi ces anciens plaisirs, un autre reste d'actualité: écrire. J'aime beaucoup écrire. D'ailleurs, je vous parlerai prochainement d'un petit projet d'écriture qui me passionne...

 


Come stai?  

 

Il y a quelques mois, j’ai suivi des cours de langues en ligne. J’ai rafraichi l’espagnol que je connaissais déjà, mais l’italien était tout nouveau. J’ai vraiment adoré suivre ces cours. Pourtant, -à moins d’une guérison miracle à laquelle je ne crois pas-, il n’y a aucune chance que je ne parte à l’aventure en Espagne ou en Italie….N’empêche, ce fut un vrai plaisir. Mine de rien, ça m’a fait voyager sans quitter ma maison, et j’ai adoré les jolies sonorités de ces langues. Je me suis même amusé à faire quelques recherches sur des légendes italiennes. 

 

J’aime continuer à apprendre, à mon rythme. 


 




Les plantes, vous dites? 



Prendre soin de mes plantes fait partie de mes plus grands plaisirs, un plaisir qui s’étire sur quatre générations, et probablement au-delà.  Ma grand-mère avait une grande maison remplie de plantes diverses dont j’ai encore des images en tête. Comme j’étais petite, on aurait dit que je circulais dans une jungle. Ma mère aimait aussi les plantes d’intérieur, j’ai encore grandi avec beaucoup de plantes. Depuis, où que je sois, il y a des plantes chez moi. Je leur parle, je les bichonne. Je les observe de près, je les déplace aussi de temps à autre, et les regroupe. Toutes mes filles adorent les plantes et le jardinage urbain. Une d'elle est même horticultrice, elle en a fait sa carrière. 

 

Les plantes -que j'ai en abondance- sont une forme de vie discrète dont je m’accommode fort bien : aucun bruit, pas de litière, pas de vétérinaire... La seule responsabilité de prendre soin de mes plantes est suffisante pour moi, et ça m’apporte du plaisir au quotidien. 


Cette année, j'ai encore ma petite cour et ses plantes. Un peu moins nombreuses que l'an dernier, n'empêche. C'est mon petit havre de paix dont je m'occupe lentement. 


 

Les plaisirs à (re) découvrir...


 

-Jeune, je dessinais passablement. J’aimerais m’y remettre, et explorer plus sérieusement ce médium. 

 

-De temps à autre, je sors ma machine à coudre pour me faire un pantalon de coton. Là aussi, j’aimerais coudre plus souvent, et j’ai un petit projet en tête. Je veux coudre de petites pochettes de coton avec des retailles de tissu. Ça peut faire de jolis cadeaux, et je m’amuse en même temps. 


-J'aime écrire et pourtant...je ne le fais pas suffisamment. À explorer, ici aussi. 

 

J’aime me lancer de petits défis tels justement, découvrir de nouveaux plaisirs. Je garde l’œil ouvert pour en découvrir d’autres qui respectent ma condition de santé et mon niveau d’énergie. 

 

Les prochains projets seront de m’essayer à l’aquarelle, la peinture à doigt, etc. Les tutoriels ne manquent pas à cet effet, et je m’y mettrai quand je sentirai d’attaque. 

 

Je ne cherche pas la perfection, juste à m’amuser, à avoir un peu de plaisir. 

 

Si je suis assez en forme à l’automne, j’aimerais aussi suivre un cours en ligne d’herboristerie sur les plantes médicinales. J’ai déjà une attirance pour ce domaine, et j'aimerais explorer plus à fond. 


Un plaisir à explorer plus à fond dès maintenant: débranchement virtuel total et silence pour toute la journée, à ne rien faire. Oui, oui, à ne rien faire...

 

Les petits plaisirs sont les carburants de la vie. De ma vie, oui. 


Une vie plus petite, et où les plaisirs ont encore de la place


Et je vais leur en faire, de la place, il n'en tient qu'à moi. 


Ces moments de plaisir, même brefs, m'aident à me centrer sur autre chose que la maladie, et sont comme de mini vacance. C'est comme si je disais à mon cerveau, "tiens, regarde un peu ce qui se passe par ici"...y a du plaisir. 




Je vous souhaite un bel été, avec bien des petits plaisirs pas trop énergivores.


🌻

 

 

 

jeudi 11 mai 2023

12 mai, journée internationale de l'encéphalomyélite myalgique





En me levant de ma sieste aujourd’hui, je me suis mise à pleurerRien ne pouvait arrêter ce flot de larmes. 

J'ai laissé couler...
J'ai laissé aller


J’ai pleuré sur moi, sur cet épuisement qui ne s’arrête pas, pas même après m’être allongée des heures, des jours, des années. Un épuisement profond que rien de repose depuis 2005. 

J’ai pleuré sur tous ces symptômes débilitants reliés à l’encéphalomyélite myalgique. Loin de se calmer, ils ont tendance à augmenter. La maladie évolue à son rythme. 
 
J’ai pleuré parce que je peux rarement voir mes petits-enfants ou recevoir plus d’une personne sans tomber en malaise post-effort pour des jours. 

J'ai pleuré sur le fait que je ne peux plus faire de vélo, nager, ou juste marcher tout mon saoul.
 
J’ai pleuré sur à peu près tout.
 
Étrangement, je pleure pour toutes sortes de petites choses qui me touchent, mais rarement à mon sujet. 

Aujourd'hui, j'ai 90 ans. Dans les faits, j'en ai 61.

Après cette session de pleurs sur mon divan, je me suis levée, j’ai lavé mon visage.
J’ai pensé aux milliers de personnes affectées de par le monde, comme moi, par l’encéphalomyélite myalgique. Dont des cas beaucoup plus sévères que le mien. 

Pour elles, pour moi, pour nous tous malades, je suis sortie 5 minutes pour semer quelques  graines de capucines sur le palier de mon logement.

Je vais veiller à leur croissance comme je peux.

 


J’ai semé pour nous tous qui souffrons dans le silence de nos maisons et de nos chambres sombres. 

Pour que ces souffrances cessent, un jour. 

Pour que les recherches avancent et multiplient.

Pour que des traitements soient enfin découverts.


Et que malgré tout, nous puissions éprouver un petit peu de joie, même en étant si malade.
 
Espoir
Résilience
Force
 
Il y a de cela deux jours, j’écrivais ceci à une personne qui vivait une grande peine:
 
« Ta véritable force est d’admettre que parfois, tu ne l’es pas. C’est ça la vraie force. S’avouer à soi-même qu’on n’est pas tout le temps fort est déjà un grand pas. Après tout, on est humains. » 
 
Je ne savais pas que j’écrivais aussi ces mots pour moi, et qui sait, peut être aussi pour vous.


🌻

 
 

mercredi 29 mars 2023

Une nuit à l'urgence





Vivre une nuit à l’urgence quand on vit avec l'encéphalomyélite myalgique (EM), équivaut-il à envoyer une personne de 80 ans danser dans un rave toute une nuit? Ou grimper une énorme montagne pendant des heures sans aucun entrainement physique préalable?  

Je ne sais pas. Bien malgré moi, je cherche des exemples plus ou moins farfelus pour faire comprendre autour de moi comment ce type d’évènement est très rude physiquement et mentalement pour les personnes affectées par l'EM (PAEM).

Vivre une nuit dans une urgence est une expérience assez difficile à vivre pour le citoyen ordinaire. On le sait, l’urgence d’un hôpital n’est pas un lieu de tout repos, tant s’en faut. Le niveau de stimulus de toutes sortes est très élevé. Mais pour une personne affectée par l’EM, c’est une expérience qui relève du cauchemar et qui nous affecte très durement. 

Et que dire des impacts, quelques jours plus tard? 

***
 
« Allo René? Peux-tu m’accompagner à l’urgence, je ne me sens pas bien. »
 
J’appelle mon voisin et hop, nous voilà partis vers l'urgence de de l’institut de cardiologie de Montréal.  Quelques minutes plus tard, on me passe déjà un ECG puis on me branche à un moniteur cardiaque. Une de mes filles vient me rejoindre. Un visage connue et aimé, ça fait du bien. 
 
Même si selon elle, il n’y a rien d’inquiétant, la cardiologue du triage recommande que je reste en observation pour une nuit. J’accepte. On m’installe sur ma civière…ça bouge dans tout sens à l’urgence, comme dans toutes les urgences. Pour ajouter au chaos ambiant, on m’informe que l’urgence déménage dans quelques heures dans de nouveaux locaux. Une sorte de journée historique à venir pour tout le personnel (1).

18 :00 une fois dûment branchée à un super écran qui détaille tout, une infirmière vient me voir pour des prises de sang et le test covid. 
 
Je mange une pomme que j’avais apporté au hasard. Je ne demande pas de repas, je suis déjà trop épuisée. Tout ce que je veux, c’est m’allonger et dormir, même si je me doute bien que ce sera un sacré défi. 

Nous le savons tous, de simples rideaux de coton ne peuvent bloquer ni bruits ni lumières. Même avec mes bouchons performants, impossible de m’endormir. J’écoute tout, j’entends tout.  Les conversations, les bruits des appareils, les chariots qui roulent etc. Je fixe le plafond de mon petit espace, rêvant de ma chambre et de mon lit. Je respire doucement, essayant de faire le vide... je sais bien que les prochaines heures seront difficiles à vivre. 
 
21 :30 : Un cardiologue vient me voir. Je lui décris les sensations, lui montre mes valeurs cardiaques. Il m’ausculte…Est-ce un mauvais timing de ma part ou...? Dans tous les cas, je montre au cardiologue un document sur l’EM et lui dit: se pourrait-il qu’il y ait un lien avec cette maladie? 

Il jette tout au plus un œil et dit: « Moi madame, je traite le cœur. C’est ça que je connais. Je ne connais pas cette maladie. Je vais donc me concentrer sur ce que je connais, le cœur . » Il me redonne le document et il quitte. 

À ce point de la soirée, j’en viens même à douter de la pertinence d’être venue à l’urgence. N’étais-je pas mieux de remballer mes affaires et de rentrer chez moi? La réaction du cardiologue m'a dérangée, j'avoue. Je suis convaincue que mon état d’épuisement avancé et un sacré brouillard de cerveau me faisaient douter. Le bon sens l’a emporté : que l’encéphalomyélite myalgique soit connue ou pas des cardiologues de l’urgence, et que ce soit la cause ou non de mes malaises, il faut que mon cœur soit examiné de près. 
 
11 :30 incapable de m’assoupir. Est-ce parce que j’ai faim sans le ressentir? Dans tous les cas, je mange un muffin que j’avais pu emporter, assise sur ma civière. Je m'allonge à nouveau et j’essaie de respirer lentement et de me laisser aller…
 
3 :00  un grand bruit, deux civières plus loin. Une patiente, en voulant se lever, a fait tomber sa chaise d’aisance et tout son contenu… Je vous laisse imaginer le branle-bas de combat de bruits et de manœuvres en pleine nuit pour nettoyer les dégâts. 
 
Je me lève plusieurs fois pour aller aux toilettes, aveuglée par les lumières. Tant pis, je retourne m’allonger. Peu de sommeil dans le corps. Si je me fie à ma montre intelligente, il semble que j’aurais dormi environ 1 :30 cette nuit-là.
 
7 :00 sans surprise, j’ai des maux de tête, les yeux rouges comme un lapin, mais on s’en fiche. Tout ce que je veux, c’est VOIR LE CARDIOLOGUE et qu’on me dise ce qui se passe. 
 
8 :00 c’est la distribution du petit-déjeuner. Du pain, au départ rôti, est maintenant tout mou sous la cloche de plastique. On s’en fout. J’ai faim, je suis au-delà de l’épuisement. Quel est le mot plus fort que celui-ci, ensuite? 
 
Une infirmière m’avertit que le déménagement de l’urgence commence dans moins d’une heure. Sur ma civière, je déménage comme les autres patients vers la nouvelle urgence avant d’être vue par le cardiologue et d’obtenir mon congé. 
 
9 :00  on déménage. Une infirmière attrape mes effets et on se dirige vers la nouvelle urgence. Je serai la première patiente qui a utilisé la chambre 21 de l'institut. 

So what? Si les nouvelles urgences des hôpitaux du Québec sont comme celles-ci, alors nous sommes devant une évolution vraiment positive. Le poste des infirmières est entouré de chambres non plus séparés de rideaux, mais bien des chambres avec de grandes portes vitrées coulissantes. Ces portes coupent les bruits de façon vraiment notable. Une fois dans cette chambre et avec de meilleures conditions, c’est là où j’aurais probablement pu m’endormir. D’ailleurs, j’ai pu réussir à m’assoupir quelques minutes avant de voir le cardiologue. 
 
Finalement, le cardiologue a ajusté ma médication, effectués certains tests avant la sortie et prescrits d’autres tests plus poussés à faire dans les prochaines semaines.
 
12 :30 un dernier test signe ma sortie.  J’appelle un ami qui vient me chercher. Je n’attends même pas qu’il soit arrivé : je m’installe dehors assise dans mon déambulateur. Je respire à pleins poumons l’air frais qui me manquait tant depuis hier. J'ai tellement hâte d'arriver chez moi.

 


Retour à la maison


Abasourdie et crevée, je prends une douche et saute directement dans mon lit. Le lendemain, ma fille aînée est venue me visiter pour une heure. J'étais encore sous le coup de l'adrénaline des dernières heures et j'ai pu discuter un peu avec elle. Ça m'a fait un bien fou de la voir et de la serrer dans mes bras.
 
Les deux premiers soirs, j’ai dormi "presque normalement", c’est-à-dire 8 heures d’un sommeil de mauvaise qualité, celui auquel je suis habituée depuis tant d'années!

3 jours plus tard, ça y est : c’est le malaise posteffort et ses effets dévastateurs.

C’est là où personne ne nous voit ramer, du moins pour ceux qui vivent seuls comme moi.
 
-les muscles du corps qui brûlent
-appétit disparu 
-concentration et attention difficile
-maux de tête
-jambes qui tremblent
-forte intolérance aux bruits, lumières
-forte sensation de faiblesse, comme si j’allais mourir. Je répète: comme si j'allais mourir. 
-les yeux grands ouverts, JE VEUX DORMIR. J'y arrive difficilement: je suis électrique, survoltée
-difficulté à parler
-Brouillard cognitif fort 
-Intolérance plus élevée aux odeurs et parfums


Bien sûr, ce n’est pas la première fois que je vis un malaise post-effort de cette ampleur, aussi puissant. Mais c’est toujours une fois de trop, on s’entend. 

Une difficulté nouvelle s’est ajoutée, celle de parler. J’avais encore ma voix, mais parler me demandait un tel effort, comme si je manquais d’air pour arriver à la faire sortir. Je crois plutôt que c’était dû au malaise post-effort élevé. Je ne suis pas médecin ni scientifique, mais je soupçonne que ce problème pourrait être relié au nerf vague. 

En malaise post-effort, le corps est dans un état d’inflammation encore plus aiguë, et le nerf vague est certainement mis à très rude épreuve dans ces cas-là. Il essaie bien de remettre les choses en place dans ce corps malmené, mais le défi reste de taille. 
 
Comme un ordinateur, j’ai « fermé des fenêtres ». Réduction de lumière, de bruits, de télé, de stimulations. Pour quelques jours, pas d’appel, peu de texto, de télé, question de donner une chance à mon corps de récupérer. Dans ma petite cour remplie de neige, je me suis assise sur un petit banc pour faire un peu de cohérence cardiaque, question de m’oxygéner en même temps. De l'air frais pour mon système immunitaire et ma santé mentale. J'ai aussi usé le circuit divan-lit, lit-divan à gogo, même si dormir relevait du défi. S'étaler, c'est déjà ça.
 
Avec le recul, je sais que cette nuit à l’urgence m’a coûté très cher. Trois jours avant, j’avais eu un rendez-vous médical dont je n’avais pas encore récupéré, un épuisement qui s’est ajouté à ce qui allait venir. 

Je suis prise dans une sorte de malaise post-effort multicouches dans mon corps.
 
C’est maintenant devenu systématique pour moi, comme pour beaucoup de personnes affectées par l’EM : un rendez-vous médical égale un malaise post-effort à tout coup. S’il est vrai que c’est déjà difficile à vivre et à « aplatir » avec le pacing, il reste que des extra, comme cette nuit à l’urgence, viennent encore compliquer les choses pour les malades de l’EM. 
Ces extra coûtent chers et comportent aussi des risques : celui de rester « coincé » dans une phase aiguë, en bref, de rempirer la situation de santé déjà hypothéquée. 

La santé peut-elle s’hypothéquer davantage avec ces malaises post-effort à répétition? La réponse est oui.  (2) 

Je ne suis pas en état sévère, mais le risque est pourtant bien réel de s'y retrouver si je ne fais pas attention à ma précieuse énergie. L'idée n'est pas de vivre dans la peur (quoi que...), mais plutôt d'en être conscient et d'appliquer le pacing (3) le plus possible. Je ne vois pas d'autres manières de conserver le peu d'énergie physique. 

À elle seule, l’encéphalomyélite myalgique demande beaucoup d’énergie au quotidien, ne serait-ce que de composer avec les symptômes imprévisibles et une énergie sur laquelle on peut difficilement compter, car incertaine et instable. D’autres problématiques de santé s’ajoutent, alourdissant encore davantage la situation de santé. Je pense ici aux personnes affectées qui sont passées à travers un ou des cancers et bien d’autres maladies. 

Je relève lentement et péniblement de cette nuit. Je recommence à peine à reprendre le cours normal de ma vie. C'est fragile pour tout vous dire. 

Au moment de terminer ce billet, on vient de m'appeler pour me donner un rendez-vous à l'institut dans les prochains jours, un des tests à effectuer.  

J’espère au moins ne pas revivre une telle nuit de si tôt. Les coûts physiques et émotifs sont éminemment élevés. Je n’ai pas le moyen de vivre de tels coûts sans conséquences importantes sur ma vie. 

Je mise sur l'arrivée du printemps et de la douceur du temps pour me remettre encore mieux sur pied, si cela se peut.

🌻