Je reviens tout juste de prendre un peu l’air du dehors. Le temps est doux et propice à la marche. Dans mon quartier,
les gens se promènent tantôt affairés et concentrés tandis que d’autres ont
l’air de prendre tout leur temps.
Il y a trop longtemps que je n’ai pas fait signe de vie sur
mon blogue. Alors, où étais-je tout ce temps?
Je suais ma vie! Difficile de parler de l’été 2018 sans parler des canicules
qui ont frappées plusieurs pays de l’hémisphère nord. Cette chaleur étouffante a affectée passablement
de personnes au Québec et ailleurs au point d'avoir plusieurs décès.
Je n’ai pas été épargné non plus : insomnies
fréquentes, manque d’énergie encore plus criant, assommée par l’humidité et la
chaleur. Ce genre de température
équivaut presqu’à une tempête de neige pour moi, car tout comme une tempête, je
reste tranquille à la maison en tentant de me rafraichir du mieux possible. Mon humeur est aussi fortement affecté par cette chaleur infernale.
Le gout d'écrire s'était carrément évaporé! 😡
Après des semaines de recherches fastidieuses sur le net, et quoi encore, j’ai fini
par me dénicher un logement qui répond exactement à mes besoins. C’est quasi un
miracle quand on sait qu’à Montréal les logements vacants sont peu nombreux, et
souvent trop chers. En soi, chercher un logement trouver un logement n’a rien
de plus banal. Mais ça va si vite! Les annonces fusent de partout, et je n’avais
pratiquement pas le temps de visiter un logement qu’il était déjà pris… Depuis que je vis avec l’encéphalomyélite myalgique, je sens
un réel ralentissement de mes capacités cognitives : je me sens comme si
j’ai 80 ans et non pas 57. Dans ce contexte, chercher un logement devient un
réel exploit à moins d’avoir de l’aide de ses proches comme ce fut mon cas. Étrangement, c'est quand même moi qui l'ai déniché.
Contre toute attente, j’ai fini par trouver mon nouveau nid, et j'en suis très heureuse. Ensuite, j'ai ramassé des boites à gauche et à droite pour emballer mon pactole.
Je sais que plusieurs lecteurs ne connaissent pas
nécessairement mon parcours en lien avec l’encéphalomyélite myalgique, et pour
mieux comprendre ce que j’écris, j’ai pensé faire un résumé en quelques points
des principaux évènements de ma santé.
Note : j’ai volontairement esquivé les aspects
psycho-sociaux de ce parcours pour ne pas alourdir la lecture. J’en parlerai
dans la deuxième partie de ce billet.
Mon parcours médical et juridique
1. 2007 : Je suis en congé-maladie.
Diagnostics retenus : apnée du sommeil, syndrome des jambes sans repos.
J’ai une CPAP pour l’apnée et je suis suivie en neurologie. Je suis vraiment
mal en point, je ne vais pas bien.
2. 2010 : Retour progressif au travail pendant 6 mois. Une fois à temps plein, je suis si épuisée que je peine à terminer
ma semaine de travail. On me recommande une journée de télétravail par semaine
pour me soutenir. Je doute sérieusement que ma santé va mieux : il y a autre
chose, mais quoi?
3.2011:Rendez-vous en rhumatologie.
Diagnostics retenus: fibromyalgie et encéphalomyélite myalgique. Je suis très
ébranlée mais soulagée : au moins je sais maintenant avec quoi je vis. Et
non, ce n’est pas dans ma tête... Je continue de travailler, mais l’épuisement
profond gagne du terrain. Je rentre du travail et m’écroule dans mon lit
jusqu’au lendemain. J’essaie de tenir, tenir…Je me demande jusqu’à quand je
pourrai tenir le coup. J’utilise régulièrement mes journées de vacances comme
journées maladie à chaque semaine. Je
n’ai plus de congés dans ma banque.
4. 2012 : Je représente le bureau dans un évènement
international. Après deux jours, je rentre subitement chez moi, incapable de tenir debout, complètement
épuisée. Je ne savais pas que je venais de vivre mon dernier jour de travail à
vie.
5. Mes médecins complètent une demande de congé maladie
pour mon employeur et l’assureur. Les revenus chutent brutalement. Avec mes
deux de mes filles, nous vivons des revenus du chômage, le temps que les
assurances prennent le relais. Une transition difficile pour tous. Je suis si mal
en point et si épuisée que je peine à comprendre les nombreux documents à
compléter.
6. 2013 : Contact avec mon délégué syndical
car je sens que quelque chose cloche avec l’assureur. Il tarde à verser les
prestations auxquelles j’ai droit. Après de multiples contacts et une plainte à
l’ombudsman, l’assureur verse rapidement quelques mois de prestations sous
condition que je me soumette à une évaluation en physiothérapie et en
psychologie. Il y avait anguille sous roche, effectivement.
7. Je rencontre deux
professionnelles embauchées par l’assureur. Dans leur rapport, elles ne retiennent aucun diagnostic
confirmant la fibromyalgie et l’encéphalomyélite myalgique (à noter: seul les médecins ont le droit de poser un diagnostic). Pire encore, elles
prétendent que je ne suis pas malade, et que « j’acte» mes maladies.
Sur la base de ce rapport, l’assureur m’informe que les prestations sont coupées. On pousse même
l’audace jusqu’à me souhaiter bonne chance pour la suite…
8. Je rencontre un avocat spécialisé en
assurance invalidité. À la lecture du rapport, il est catégorique : c’est
« un torchon ». Nous convenons qu’il est dorénavant mon avocat. Par
chance, ce bureau d’avocats offre d’être payé plus tard lorsque la cause est
remportée par le plaignant. Sinon, comment me défendre et surtout, avec quel argent?
9. 2014 : la requête est déposée au palais de
justice de Montréal. Sans revenus, je fais
une demande d’aide sociale pour subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. Assez
rapidement, le médecin de l’aide sociale me déclare inapte au travail. Je dépose
aussi un bilan de faillite auprès d’un syndic, incapable de payer mes créanciers.
C’est la débandade partout : ma santé, ma vie….
Je
complète une demande d’invalidité auprès de Retraite-Québec (gouvernement du
Québec). Ce dernier déclare que les preuves de maladie ne sont pas suffisantes.
Je demande une révision de la décision.
Dossier
juridique : s’ensuit toutes les étapes habituelles dans ce type de
procédure. Dépôt de l’échéancier, interviews de part et d’autre, rencontres
d’experts etc.
2016 :
L’assureur propose une conférence de règlement à l’amiable (CRA). C'est un échec, pas d'entente entre les parties. L’assureur propose un
autre scénario de règlement en 2017, qui est rejeté. L’offre est insuffisante.
2017 :
Mes filles quittent le logement, les
revenus chutent : déménagement. Je vends, trie, donne mon matériel.
Je loue dans une maison de chambre du printemps 2017 jusque fin
aout 2018. Mon employeur me déclare
invalide à vie, ce qui me donne droit à ma retraite médicale. Mes revenus
remontent un peu mais pas suffisamment pour avoir un logement. Au palais de
justice de Montréal, mon avocat dépose mon dossier, et les dates de procès sont
fixées pour l’automne 2018.
2018 :
Retraite-Québec m’envoie en expertise. L’expert me
déclare invalide à vie.
Malgré
cette reconnaissance importante de mon état de santé, l’assureur n’a pas bougé
et est resté sur sa position.
Je
perçois deux sources de revenus : ma pension invalidité du travail et la prestation
invalidité du gouvernement du Québec. C’est ce qui m’a permis de quitter la
chambre dans laquelle je vivais depuis 18 mois.
La suite? Eh bien nous attendons toujours une réponse de
l’assureur à quelques jours du procès. Tout est en place. Une longue télésérie
qui peut être, pourrait se terminer très bientôt.
C’est à suivre..
Dans la deuxième partie à venir, je parlerai des aspects psycho-sociaux de cette période.
Quand on vit des moments difficiles comme en vivent les
personnes affectées par l’EM, il est normal et courant de chercher comment
faire pour continuer à vivre avec cette maladie des plus difficile à
comprendre, mais aussi et surtout à vivre.
Il est normal de lire ou s'intéresser à ce que les autres ont vécu, car cela nous aide
parfois à envisager les choses différemment.
Je suis comme vous.
Au début de ma maladie, et ensuite du
combat pour que l’on reconnaisse mon invalidité, les témoignages que j’ai entendu m’ont soutenue, rassuré et m’ont aussi inquiété. Chaque histoire
est unique, bien entendu. Si la mienne peut vous aider ou aider un proche,
alors je n’aurai pas écrit ou vécu tout cela pour rien.
Le temps des récoltes est venu. Et il ne se passe pas que dans les champs et les marchés publics! 😉